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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 15:06



            - Charlotte, peux-tu m’expliquer ce qui se passe ici ?
- Un moment !
            Elle ne s’en sortira pas ! Encore quelques secondes pour bien fixer la teinte et... C’était ça ! Tout à fait ce qu’elle espérait ! Un bleu fabuleusement profond, avec juste assez de reflets mordorés pour accrocher la lumière, et la retenir captive ; un bleu de ciel de crépuscule, plus sombre aux flammes d’un soleil couchant. Maintenant, le bain de rinçage et...
- Charlotte ! Vas-tu venir à la fin !
            Marraine pouvait crier autant qu’elle le voulait, personne ne l’obligera à interrompre cette tâche délicate ! Risquer de perdre une pièce unique ? Pas question ! Rien de moins sûr que d’obtenir deux fois la même nuance ! Il suffirait de si peu, de quelques grammes de poudre colorante en plus ou en moins. Voilà ! Elle pouvait respirer. Juste attendre que l’étoffe sèche pour apprécier pleinement le résultat.
            Demain, un saut au Puy pour y récupérer la dentelle commandée et ensuite... Elle voyait déjà son croquis s’échapper du papier, s’animer, devenir drapés fluides et légers... Sa robe ! Elle la caressait presque des yeux !
- Charlotte, que veut dire ceci ?
- Quoi donc ?
- Ça !
            Marraine, sourcils froncés et lèvres pincées, aussi droite que la balance de la justice, avec un sac de toile dans une main, et dans l’autre... Une bouteille de vin, intacte !
- C’était devant notre porte !
- Ah, bon ?
- Encore pour les gars d’à côté ?
- Je suis heureuse de voir que tu peux te déplacer sans ta canne ! C’est très bien.
- Ma petite, tu ne m’auras pas comme ça et pas deux fois avec le même conte à dormir debout !
            Justement, ne pouvait-elle lui laisser le temps d’en improviser un autre ! Ce qui, dans l’immédiat, n’avait rien de facile.
- Fais attention, je sais quand tu mens !       
- Marraine ! Je… d’accord, tu as raison. C’était destiné à un vagabond qui traîne dans le coin depuis quelques jours.
- Un vagabond ! Alors… le gâteau, hier ?
- Lui, certainement !
- Je vois !
- Ce qui est rassurant dans tout cela, c’est que nous n’ayons pas affaire à un buveur.
- C’est déjà ça ! Bon, je m’occupe du déjeuner, tu peux retourner à ce que tu faisais ! À ce propos, très joli, ton bleu. Deux ou trois housses de coussin taillées là-dedans iraient très bien avec mon couvre-lit.
            Des coussins ? Et puis quoi, encore !
            Soulagée de s’en tirer à si bon compte, Charlotte se réfugia dans son atelier où elle se remit à l’ouvrage sans perdre davantage de temps. Elle s’appliqua à tendre sa précieuse étoffe à l’aide de fines baguettes de bois léger s’imbriquant les unes dans les autres, constituant ainsi autant de cadres que demandés pour en arriver au bout, les repliant habilement pour former un éventail géant suspendu par de fines cordelettes à cinquante centimètres du sol.
            Et ainsi pour une dizaine d’autres soieries, prenant garde de les séparer au maximum afin de permettre à l’air de circuler au mieux entre chaque panneau.
            Enfin, à l’aide d’un ingénieux système de treuils et de poulies, elle les hissa à hauteur de plafond, une après l’autre, et seulement après un dernier regard de contrôle sur chacune.
            Il ne restait qu’à surveiller l’égouttage et particulièrement le sol, où seule l’absence de tache montrera que les couleurs étaient bien fixées.
            Ce fut les bras douloureux qu’elle s’assit, comme à chaque fois et aussi émerveillée qu’à la première, souriant sans s’en rendre compte à une suspension insolite.
            Quelques minutes, le temps de reprendre souffle avant de passer à une autre opération ; une idée qui l’obsédait depuis son retour, un peu folle, pas même réalisable peut-être, mais qu’elle brûlait d’expérimenter.
            En adoptant la technique qu’elle avait utilisée pour son petit foulard - des fondus de bleus et de blancs - elle devrait y arriver.
- Charlotte, ma chérie !
            Encore !
- Oui, Marraine.
- Viens manger un morceau.
- Plus tard... Plus tard...
            Oui, plus tard, parce que, pour l’instant...
- Que fais-tu ?
- Rien, tu verras. Il me faut de la Terre de Sienne... Et un peu de jaune pour l’éclairer...
            Oui, c’était presque ça. Et en partant de là, elle devrait réussir à obtenir une palette infinie de bruns.
- Puisque tu es là, passe-moi un bac... Merci... J’ajoute un peu de pourpre... Ça ne te rappelle rien ?
- Je voulais te dire...
- Pas maintenant ! Regarde... Alors ?
- La vigne qui recouvre la façade de ma maison ?
- Une nuance seulement, reste à trouver les autres.
- Oui. À propos de ton vagabond...
- Qui ? Tu l’as vu ?
- Non mais quelque chose m’est revenue en mémoire. Avant-hier, pendant que tu étais chez moi pour nourrir les lapins, je m’étais installée sur la terrasse pour profiter un peu du soleil... J’y pense, tu devrais rentrer le parasol, il n’est plus vraiment utile, il suffirait d’un coup de vent pour l’abîmer, ce serait dommage, il peut...
- Viens-en au fait, Marraine.
- Au fait ? Ah, oui... Donc, j’étais tranquillement assise, avec mon tricotage - tu sais, le pull pour Jacques - et il y avait un loupiot...
- Un gosse ? Un du village ?
- Non, je ne l’avais jamais vu auparavant.
- Et où se tenait-il ?
- De l’autre côté du chemin, accroupi sur la pierre rode… tu vois laquelle ? Il avait l’air d’attendre quelqu’un.
- Depuis longtemps ?
- Je n’en sais rien… Comment veux‑tu ! Mais bon… Il était là, et il faisait chaud, et il semblait tellement perdu que je lui ai fait signe d’approcher.
- Et alors ?
- Alors il a hésité et puis il est entré et je lui ai proposé un peu de sirop.
- Tu l’as interrogé sur ce qu’il faisait là ?
- Bien sûr que je l’ai fait !
- Que t’a-t-il dit ?
            Un claquement de langue chez Marraine, signe d’agacement devant trop d’interruptions. Chose qu’elle détestait par-dessus tout ! Elle redressa la tête, carra les épaules et se lança dans son récit toisant la jeune femme d’un regard impérial.
            Ce que la gamin avait dit ? Il n’avait pas arrêté de parler : un vrai moulin à paroles ! Que son père était maçon, et qu’il travaillait dans la grande maison, et que lui, il devait l’accompagner tous les jours, qu’il le faisait par tous les temps et sur tous les chantiers. Et que son père c’était le plus grand et le plus fort de tous les hommes. Et tout cela, mains enfoncées dans les poches d’une veste trop large pour lui, en la fixant droit dans les yeux avec un petit air farouche, presque de défi. Mais ce n’était pas cela qui l’avait intriguée, c’était quand elle avait sorti les bouteilles et qu’elle lui avait demandé de choisir. Il était resté longtemps à les observer et puis il avait tendu un doigt tremblant vers celui... Comment s’appelle-t-il ?
- Tu sais, celui que tu fais toi-même... Le blanc...
- Le sirop d’orgeat ?
- C’est ça... Si tu avais vu son regard pendant que je remplissais le verre, et comment il l’a bu ! Une gorgée après l’autre, toutes petites… lentement, en fermant les yeux à chacune.
- Et ensuite ?
            Ensuite ? Il avait posé très doucement le verre sur la table et il était parti sur un « merci » murmuré d’une voix.... D’une voix étrange, presque étranglée. Il s’était éloigné, à petits pas, en courbant la tête. C’est là qu’elle s’était rendu compte que quelque chose n’allait pas, et c’était ce détail qui venait de lui revenir. Il avait pris la direction du petit pont qui enjambe La Glueyre, celui qui vibre quand on y passe, tout droit vers l’autre versant, alors que, à côté, les hommes s’installaient pour leur repas.
- Je ne vois pas...  murmura Charlotte, pensive.
- Un père qui sait que son fils est là et qui ne s’en préoccupe pas à l’heure du déjeuner, tu trouves que c’est normal, toi ? Et maintenant que j’y repense, avec ses cheveux en broussaille, ses joues grises et ses chaussures éculées, ce petit : il n’était pas clair !
- Vers les bois ? Tu en es certaine ?
- Et où voudrais-tu qu’il puisse aller en passant par-là ?
- Ce petit garçon, quel âge aurait-il à ton avis ?
- Huit, neuf ans. De toute façon, bien trop jeune pour traîner ainsi dehors. Dis, et si c’était lui notre vagabond ?
- J’espère bien que non !
            Un gamin perdu dans la forêt, avec tous les dangers qu’elle renferme. Ne serait-ce que le froid, l’humidité de la nuit, ils étaient aux portes de l’hiver. Et il n’y avait pas que cela : Les sangliers ! Deux jours auparavant, un gros mâle s’était aventuré jusque dans le jardin de Marguerite, à deux pas de l’église, en plein cœur du village. Ils étaient en surnombre, et si cet enfant venait à se trouver nez à nez avec l’un d’eux !
        Charlotte se redressa, repoussant bacs et couleurs, et cueillit un gilet au dossier d’une chaise. 
- Que vas‑tu faire ?
- Je vais interroger les ouvriers avant qu’ils ne s’en aillent et ensuite j’irai faire un tour en face, j’y ai vu de la lumière, deux ou trois fois. On ne sait jamais, tu as peut-être raison.
- Tu ne préviens pas les gendarmes ?
- Je ne crois pas que ce soit vraiment utile pour le moment. Nous verrons à mon retour. N’éteins pas les lampes extérieures et n’ouvre à personne, c’est compris ?
- Évidemment ! Et toi, demande à quelques hommes de t’accompagner.
- Pour qu’ils organisent une battue ? Si tu ne fais pas erreur, ce serait le meilleur moyen pour affoler totalement ce gosse. J’y vais et ne t’inquiète pas.

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