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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 19:24
 



L
a nuit tiède et douce ordonnait ses replis de soie sombre en un chatoyant écrin pour une lune ronde et rousse.

Confinée entre ses digues, la Garonne assagie déroulait un mouvant miroir d’eaux placides. Tendrement bercée par leur mélodieux murmure, la Ville Rose s’assoupissait, confiante et sereine, laissant aux clochers de Notre-Dame du Taur et de la basilique Saint-Sernin le soin de veiller, sans défaillance, au-dessus de ses entrelacs de rues chapeautées d’ocre.

Leurs carillons assourdis égrenèrent dans l’air nocturne les douze coups de minuit alors que Catherine arrivait à hauteur du rideau déjà baissé du très apprécié glacier Octave, réputé bien au-delà des limites de la cité languedocienne.

Comme obéissant à un obscur signal à lui seul adressé, le théâtre du Capitole libéra autour de la jeune femme tout un ballet de petits rats aux chaussons remisés. Qui s’égaillèrent très vite à pas légers, se déployant sur la grande Croix Occitane en une éphémère constellation charnelle pour les signes du Zodiaque qui en ponctuaient les pointes, animant d’ombres fluettes et dansantes l’argile rouge des façades du XVIII° siècle.

Le trottinement de leur espiègle débandade s’étirait encore sous les arcades que Cathy regagnait enfin le minuscule meublé qui abritait sa studieuse solitude.

Aussitôt la porte verrouillée, elle se délesta à même le sol de son sac lourd et encombrant et rendit pleine liberté à ses orteils meurtris par les lanières assassines de sandales trop étroites. Pressée d’offrir un repos bien mérité à ses chevilles malmenées par trop de station debout, de marches gravies tout au long de la journée, elle se hâta vers le lit sur lequel elle se jeta, heureuse et souriante, sans même se soucier d’en retirer la courtepointe immaculée.

Tout en s’étirant d’aise, elle laissa son regard vagabonder au gré d’un décor familier, jusqu’à se heurter au bureau passablement vermoulu qui, encastré sous l’unique fenêtre de la pièce, menaçait de s’écrouler sous un effarant amoncellement de livres et de documents.

Et son sourire se mua en grimace.

Alors que depuis quelques jours, elle s’enlisait dans une pénible obsession de temps perdu, elle devra, ainsi que chaque soir, trouver l’énergie de se plonger dans ce fouillis afin d’en extraire et d’en retenir l’essentiel.

Sensation d’autant plus déprimante que les semaines à venir ne lui promettaient rien de plus divertissant que des va-et-vient entre l’Institut d’Art Préhistorique et des appartements à faire visiter. Ce qui, l’amenant à traverser Toulouse en tous sens dans la chaleur poisseuse d’un mois de juin, n’avait rien d’une agréable perspective.

Seul point positif, la fin de cette année d’études signifiait également celle de ce contrat de travail.

Pour le suivant -à Paris, sauf imprévu- elle espérait trouver une activité totalement différente. N’importe quoi ! Pourvu qu’elle n’ait plus à feindre enthousiasme et extase devant des placards exigus ou des vues étriquées, dans la vaine tentative de justifier les loyers exorbitants de logements tout à fait quelconques. À croire que l’agence lui réservait les cas désespérés !

Près d’elle, sur un vieux poêle de fonte transformé en chevet, une petite lueur rouge clignotante attira son attention, l’informant ainsi d’appels reçus en son absence. Résignée, elle tendit mollement la main et fit défiler la bande du répondeur. Le premier message « 
Coucou, c’est moi ! » émanait de Nicole, son amie d’enfance, le second « Cat, rappelle-moi ! » de Nicole… et puis, et encore, et toujours… Nicole !

- Non ! Pitié ! Pas ce soir ! Gémit-elle.

Quitte à ce que, parfois, son téléphone s’obstinât muet au point de la dénoncer cruellement délaissée par tous, il lui fallait choisir : étudier ou bien se disperser dans de futiles distractions. Sa décision fut vite prise : elle n’était là pour personne !

Elle inséra une cassette vierge dans l’appareil et, n’ayant d’autre moyen pour tenir une infatigable pipelette à distance et se garantir un peu de tranquillité, elle s’empressa de le remettre en service !
 

Tant pis pour son amie !

Réprimant un début de mauvaise conscience, elle alluma une cigarette, mit son ordinateur en marche et, pendant que les commandes de Windows s’inscrivaient sur l’écran, elle entreprit de trier tout un tas de notes manuscrites en quête de la dernière liste d’informations à glaner sur le Net.

Ce qui lui promettait encore une longue veille !

Aussi ! N’y avait-il rien de plus accessible que l’Archéologie ? Pourquoi ne pas avoir opté pour... pour quoi ?

Elle abhorrait profondément les chiffres. Aversion que ces derniers, s’ingéniant sournoisement à ne jamais s’additionner comme elle le souhaitait, lui rendaient au centuple ! De plus, elle ne pouvait se concevoir œuvrant une vie entière enfermée entre quatre murs, sans autre horizon qu’un périmètre de cloisons aveugles.

Ceci étant établi, elle devait bien avouer également que si tout l’intéressait, rien ne la passionnait vraiment. Rien, sinon les voyages immobiles que lui offrait l’étude du passé.

Avec, en prime, le pouvoir de devenir l’architecte inspiré de demeures invisibles et rebâtir des cités. De remodeler des civilisations, de ressusciter des êtres et les rendre à leurs gestes, leurs coutumes ; de deviner leurs pensées, leurs désirs, leurs joies, leurs peurs, de voir avec leurs yeux d’autres images, d’autres espaces ! De ressentir à travers eux les espérances, les émotions d’une autre vie !

D’être une autre dans un autre monde !

Peut-être devait-elle d’avoir évolué ainsi à ses géniteurs qui, trop absorbés par leurs carrières respectives pour s’en laisser distraire, avaient adopté, très tôt, l’habitude de la confier, nourrisson tout juste sevré, à tante Clara. Et ce aussi souvent et longuement que possible, sinon pleinement.

Tante Clara ! Sœur cadette de son père, mais également femme singulière, aussi excentrique que libérale, plus que distraite, veuve d’un amour lumineux et unique, de ceux qui rendent la solitude tolérable pour perdurer malgré l’absent.

La douce Clara, que Cathy appelait Tontine, qui sut être, pour elle, tellement plus chaleureuse et affectueuse que sa mère.

Clara, patiente initiatrice, qui lui inculqua la tolérance. Auprès de qui la jeune fille prit goût à l’indépendance ; de qui aussi elle apprit comment modeler une curiosité insatiable et un entêtement féroce jusqu’à les transformer en atouts. Cathy n’y parvenait pas toujours, elle en convenait, mais suffisamment pour aller au bout de chacun de ses objectifs.

La très perspicace Clara, qui, seule, sut deviner son attirance particulière pour le passé. Sans doute pour avoir perçu en sa nièce l’écho parfait de son propre intérêt pour les objets anciens, sinon sans âge.

Ravie du plaisir que sa « 
presque fille » - ainsi qu’elle la présentait à toutes ses relations - prenait à détailler l’empreinte d’un fossile sur une roche plusieurs fois millénaire, à manipuler un ustensile, un outil, à l’usage oublié ou bien à rêvasser devant un vestige d’hier s’obstinant à persister, tante Clara n’avait rien trouvé de mieux que de la promener à travers la France. Elle ne s’était pas contentée de montrer l’intéressant ou de souligner l’essentiel mais était allée jusqu'à réunir des masses de documents, transformant la moindre approche en cours magistral.

Et l’enfant s’était révélée élève surdouée à l’intelligence vive et curieuse, passionnée par l’étude, dotée d’un esprit avide de connaissances et jamais rassasié, apte à comprendre et assimiler l’enseignement le plus ardu avec une aisance insolente, au point d’entrer dans le cercle restreint des plus jeunes bacheliers de France.

Ainsi, lorsque, après avoir décroché une licence en Littérature Ancienne puis une autre en Histoire, Cathy avait déclaré vouloir s’orienter vers l’Archéologie, tante Clara l’y avait-elle encouragée et aidée de son mieux.

Un long et laborieux cheminement pour se retrouver, à près de vingt-cinq ans, heureuse de conserver un statut d’étudiante, le seul qu’elle ambitionnait réellement.

À condition de fermer les yeux sur des phases de découragement devant d’incontournables difficultés financières. Pour ne recevoir aucun subside de ses parents installés depuis des années en Angleterre, sans autres ressources qu’une bourse d’études majorée des modestes revenus de jobs occasionnels. Le tout à peine suffisant pour couvrir l’indispensable et strict minimum.

Ce dont, au fond, Catherine s’accommodait.

Le pire n’était pas là ! Le pire était la disparition de tante Clara. Trois mois que Tontine n'était plus là pour elle. Trois longs mois d'un affreux cauchemar dont elle voudrait s’éveiller. D'une réalité qu’elle ne pouvait accepter, ni même concevoir pour lui être trop douloureuse.

Chère tante Clara ! Assez attentive pour la comprendre, assez farfelue pour la distraire et faire reculer l’aspect trop sérieux de son caractère. Celle aussi auprès de qui elle pénétrait, même sans y croire, dans un monde magique.

Ils étaient toujours là, tapis, enfouis dans sa mémoire, tous ces contes inventés pour elle, ces historiettes rattachées aux objets observés à travers le verre épais des vitrines, dans les grandes salles des musées explorés au hasard d’itinéraires studieux : des anecdotes à faire frémir un puriste. Imaginaires, souvent et pourtant… Pourtant tellement vivantes !

Ainsi, à Fleurac, un bracelet ciselé en dents de loup lui avait livré l’émouvante aventure d’amoureux séparés par des parents cruels : aux dires de Tontine, rien de moins que les ancêtres des amants de Vérone en pleine époque du Bronze Moyen.

Plus loin, à Moustier, une fragile lampe, creusée dans un bloc de calcaire délicatement poli et gravé, lui avait assuré avoir surmonté pour elle -
et elle seulement ! - les risques d’un voyage dans le temps afin de lui présenter toute une famille réunie autour de sa flamme rassurante pour écouter d’antiques « Il était une fois, … ».

À quelques minutes de ce gisement du Moustier, dans l’un des plus beaux décors du Périgord, entre les Eyzies et Montignac, la falaise de la Roque Saint Christophe s’élève en un impressionnant à-pic jusqu’à plus de quatre-vingts mètres au-dessus d’une nonchalante rivière, la Vézère.

Véritable muraille de tendre calcaire dans lequel, au fil des siècles, l’eau et le gel ont creusé une infinité d’abris sous roche et façonné de longues terrasses aériennes aux imposants surplombs.

Autant de refuges naturels qui, non seulement, furent occupés dès le paléolithique par l’homme de Neandertal
[1], mais aussi fortifiés et habités au Moyen-Âge, à l’aube de la Renaissance et encore aux sombres temps guerriers de la première moitié du vingtième siècle.

Et de ces cavités, de ces grottes, des voix, venues de la nuit de l’oubli, lui avaient murmuré des batailles sanglantes plus réelles pour une fillette imaginative que celles illustrées de faits filmés sur le vif et diffusées durant les journaux télévisés.

Après avoir arpenté de l’intérieur un livre d’images grandeur nature ouvert sur l’histoire de l’homme, dans lequel vérités et inventions pures se mêlaient allègrement, comment aurait-elle pu faire d’autre choix que l’Archéologie ?

Cathy se redressa brusquement, s’arrachant à ces souvenirs mi-doux, mi-amers, pour se concentrer sur un problème d’ordre matériel : le financement des trois mois à venir.

Les délais d’inscription pour travailler sur le site qui l’intéressait, en Egypte, étaient plus que dépassés et les choix encore possibles, en France, pire que limités.

Elle eut soudain l’impression de se perdre dans un tunnel sans fin, à croire qu’elle puisait ses forces dans la vitalité de Tontine, que sans ce feu follet qui depuis toujours veillait de loin sur elle, l’espace s’était restreint, la vie ternie.

De plus, elle se sentait coupable, quelque part, de ne pas avoir accompagné sa tante jusqu'à la fin, de ne pas l’avoir entourée de l’amour, de la tendresse, qu’elle méritait. Elle voudrait cautériser sa peine à tout jamais. Et surtout ne pas pleurer !

Tontine serait désolée de la savoir désespérée, et bien davantage de ne plus pouvoir la consoler.

Mieux valait se concentrer sur les choses pratiques, se remplir les méninges et préparer son esprit à ce qu’elle en attendait. Elle ira jusqu’au bout, à l’extrême limite de ses possibilités. Cette licence, elle l’aura ! Elle l’offrira à Tontine, et ensuite…

Serait-elle folle ? Envisageait-elle sérieusement aller plus loin, soutenir une thèse ? Enlever le doctorat ? Insensée ! Que pourrait-elle espérer d’autre que décrocher un poste dans l’enseignement ? Bien heureuse encore, à l’occasion, de participer à des fouilles en amateur !

Mais chaque chose en son temps !

Dans l’immédiat, l’heure tardive exigeait qu’elle se consacre à la période miocène de l’ère tertiaire, à l’apparition des tout premiers mammifères évolués et principalement aux mastodontes et autres Dinothérium.

Le feuillet égaré enfin déniché, elle se connecta à Internet, avec ce désormais familier sentiment d’excitation fébrile devant la formidable source d’informations rapides -
et gratuites ! - ainsi mises à sa disposition, et activa un moteur de recherches sur le premier élément de sa liste.

L’important était de s’assurer de l’exactitude chronologique des détails de son exposé.
Quant à ses propres "Hier et Demain", ils attendront bien un peu ! 
 
 
[1] Des fouilles effectuées à Moustier ont exhumé les restes d’un homme de Neandertal 
 
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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 19:23
 

     U
Ils y étaient presque ! Et Cathy attendait, comme chacun, la première déflagration. Elle s’offrait déjà à en accueillir la résonance en elle et guettait, impatiente, la gerbe scintillante.
- Vous avez froid ?
- Pas vraiment, Roland... c’est agréable. Je ne sais pourquoi, mais, d’aussi loin que remontent mes souvenirs, les nuits de quatorze juillet m’ont toujours paru fraîches. La fête, les flammes dans le ciel, les explosions qui me font vibrer, un bonheur, si grand, si fort, à presque pouvoir le toucher du doigt, et la fraîcheur de l’air... je crois que si quelque chose me faisait défaut, mon plaisir ne serait pas complet.
- Alors, préparez-vous, ils éteignent les lumières. Viens Denise, tu seras mieux en hauteur… oh, hisse ! Tiens-toi bien ! Voilà ! Regarde... regarde... cela commence !
Il jucha la gamine sur ses épaules, légèrement crispée, pas encore habituée à autant d’attentions et qui trembla un peu avant de, très vite, rire et s’extasier, comme tous, autour d’elle.
Comme Cathy, devant eux, à deux pas, qui se retourna pour leur montrer sa joie, son excitation, et combien ses yeux rivalisaient d’éclat avec la profusion de fleurs lumineuses qui s’épanouissaient au-dessus d’eux.
Et qui s’immobilisa... surprise de les voir ainsi.
Ils étaient émouvants, tous les deux, Roland, maladroit, et sa nièce, cramponnée à lui.
Au point que le rire de la jeune femme s’adoucit, devint sourire attendri, qu’elle-même ne fut que tendresse pour prendre dans la sienne la petite main qui se tendait vers elle, qui la rapprocha d’eux, à quelques centimètres. À presque les toucher.
Si près que Roland n’était conscient de rien d’autre, n’osant pas même bouger, résistant à l’envie de l’entourer d’un bras, de la ramener contre lui, de crainte qu’elle ne se méprenne.
Il ne savait plus où il en était. Depuis quelques heures tout changeait dans sa vie. La maison, Denise, même Lucie et Alfred, Jeanne et Gaétan, il ne les avait jamais vus ainsi. Il avait le curieux sentiment de les découvrir, de se rendre compte qu’ils vivaient, ressentaient des émotions, étaient ouverts au bonheur. Mais eux n’avaient pas changé, étaient identiques à hier, le seront demain… c’était lui, c’était en lui que tout arrivait.
Grâce à Catherine. Il voudrait l’en remercier, lui montrer sa reconnaissance, et non pas la faire fuir à cause d’un geste, pour lui amical, affectueux, mais pour elle, sans doute, beaucoup trop familier, qu’elle pourrait mal interpréter.
C’était une image étrange que tous trois offraient à Jeanne et Gaétan, enlacés, à quelques mètres d’eux, qui les amena à échanger un regard étonné, et un sourire de complicité devant une évidence.
Il y avait des nuits où la vie était plus belle.
Jusqu'à la dernière étincelle, ils n’en perdirent pas une seule. Puis ils se retrouvèrent, tous les quatre, escortant un petit bout de béatitude ensommeillée qui s’accrochait à la main de Cathy et y pesait, de trop de fatigue.
- Roland, Denise dort debout, nous devrions rentrer.
- Déjà ! Ma puce, tu as sommeil, c’est vrai ?
- Oui, un peu.
- Mais, il y a encore tellement de choses à voir...
- Nous pouvons nous en charger, Jeanne et moi.
- Merci Gaétan, mais je ne sais si...
- Tu n’as guère de distractions, essaie d’en profiter ce soir, nous serions ravis que tu t’y décides. Cathy, aide-nous, sinon...
Ils n’eurent pas à insister beaucoup pour le faire céder... Il n’avait aucun désir de rentrer, il s’était promis une soirée agréable, la première depuis des années, et il n’avait pas envie qu’elle s’achève déjà. Pour presque le regretter à peine les trois silhouettes perdues de vue, ne sachant comment se comporter... ni plus que dire...
- Et maintenant ? Demanda Cathy ?
- Maintenant ? Répéta-t-il, en regardant autour de lui… Je ne sais pas ! Il y a si longtemps que je n’ai plus assisté à tout cela ! Je crois que j’ai perdu l’habitude de m’amuser. Que faisons-nous ?
- Eh bien, cela dépend ! Nous pourrions boire un verre, tenter notre chance à chaque stand de tir ou jouer les spectateurs, marcher dans les rues et écouter les rires et la musique, ou encore danser... sans oublier un tour de manège, j’en ai vu, là-bas, plus loin.
- Mais nous pouvons... tout faire aussi !
- Bien sûr ! Mais certainement pas en même temps. Pourquoi ne pas noter vos envies et établir un ordre de priorité pour les satisfaire au mieux ?
- Et organiser l’imprévu ! Vous me décevez... je ne veux surtout pas être raisonnable. Allez, venez ! Décida-t-il en lui prenant le bras, voyons lequel de nous deux épuisera l’autre !
Ils se régalèrent de pommes d’amour et de crêpes brûlantes, ils s’affrontèrent dans des jeux d’enfants, et se poursuivirent dans des courses espiègles et rieuses. Ils s’égarèrent dans un dédale de ruelles étroites et désertes, le temps de reprendre souffle, souriant à l’écho de leurs pas. Et ils retrouvèrent la foule, ils y dérivèrent à leur gré, jusqu'à s’y noyer, et devenir galets dociles... Ils se laissèrent emporter et porter... jusqu’à s’échouer au bord d’une place noire de monde, de couples enlacés glissant sur des notes de musique.
- Là, je déclare forfait, je crois que je ne sais plus comment danser aujourd’hui, se lamenta-t-il.
- Cela ne s’oublie pas.
- On vérifie ?
- Nous deux ? Avec toutes ces filles qui n’attendent que vous.
- Avec vous, la seule en qui je peux avoir confiance.
- Vous croyez ? Et si j’avais le rire facile, Roland ?
- Seriez-vous incapable d’indulgence ?
- Mmmm ! … Je promets de faire un effort.
- Je vous crois, aveuglément. On y va ?
Elle se tourna vers lui, esquissa une révérence, à peine taquine, accepta spontanément la main tendue, et se laissa tirer entre les danseurs jusqu’au centre même de la place, où ils se retrouvèrent face à face. Aussi hésitants l’un que l’autre.
Un instant... virgule qui offre une pause à l’éternité, un intervalle immobile. De ceux qui annoncent quelque chose d’indéfinissable, propice aux sortilèges, et qui se dilue, comme un soupir, repris dans la course du temps, regrettant ne pouvoir s’attarder, là, plus longuement, oubliant derrière lui un charme invisible.
Un charme qui persistait alors que Roland se courba vers Cathy, qu’il enlaça son corps un peu raide, l’entraînant dans un premier pas, dans une première danse, puis une autre, encore. Jusqu'à ce qu’elle capitule, qu’elle accepte de se plier au rythme qu’il lui imposait, qu’elle devienne souple et soumise entre ses bras.
Au point de s’abandonner, de se poser, tête contre torse, isolée du monde derrière ses paupières closes, de laisser sa main remonter vers une épaule trop proche, et ses doigts glisser sur une nuque, s’égarer dans des mèches brunes, et s’animer à la chaleur d’une peau. Quelques secondes… avant que ce contact lui rappelle la réalité, l’amenant ainsi à se reprendre, ne sachant comment nommer ce qui grandissait en elle. Effrayée de ne pouvoir le contrôler ni le dissimuler, elle se redressa, se détacha de lui, s’en éloignant autant que possible, tremblante et crispée. Bien assez pour qu’il s’en aperçoive, pour qu’il s’en inquiète.
- Ça ne va pas ? Lui murmura-t-il à l’oreille.
- Je... je suis fatiguée.
- Souhaitez-vous rentrer ?
- Il est tard.
- Comme vous voulez !
Ce fut à regret qu’il la libéra, pour aussitôt s’alarmer devant les traits tirés, le regard perdu dans lequel il lui sembla lire de l’anxiété, l’esquisse d’un tourment qu’elle s’efforçait de maîtriser. Accordant son pas au sien, il la guida en silence jusqu’au véhicule. Il ne l’avait jamais vue ainsi, absorbée, refermée sur elle-même, et s’en sentit coupable.
Cette soirée avait dû lui restituer sa peine, lui rappeler d’autres bras, un autre corps.
À cause de lui ! En se comportant avec elle comme il l’avait fait, il l’avait renvoyée, d'un trait, dans son chagrin !
- Vous êtes à bout ! Pourquoi avoir attendu ?
- Je suis désolée.
- De quoi ? De m’avoir accompagné tout au long d’une escapade, avec patience, avec gentillesse ? J’avais besoin de renouer avec cet aspect de l’existence, Catherine... mais, si j’ai été heureux de l’avoir fait avec vous, je ne le suis plus du tout de vous voir si lasse.
- C’était très agréable pour moi aussi, Roland, il ne faut pas vous tracasser pour moi. La journée a été magnifique... mais très longue également... Je n’ai pas vraiment l’habitude, vous savez.
- Je le vois, il est temps de prendre un peu de repos. Il est vrai, qu’en ce moment, vos nuits sont courtes.
- Les vôtres ne valent guère mieux. Il ne faut pas veiller si tard et travailler autant.
- Travailler ? Oui, sans doute. Détendez-vous, nous serons bientôt rendus.
Il roula le plus vite possible, pressé de lui offrir un peu de tranquillité. La maison les accueillit, silencieuse, sereine, où il la précéda... pour s’arrêter devant la porte du bureau.
- Qui parle de répit ? Gronda Cathy… Encore des dossiers ce soir ?
- Pas du tout… je ne vais que préparer ceux que je dois emporter demain matin... Bonne nuit, Catherine… Dépêchez-vous, il est vraiment tard… Montez dans votre chambre.
- Demain, je reprendrai celle que j’occupais, près de Denise.
- Celle-ci ne vous plaît pas ?
- Bien sûr, mais...
- Alors ? C’est très bien comme ça... Allez, filez ! Vos yeux sont pleins de sommeil... encore cinq minutes et je serai obligé de vous porter jusque dans votre lit...
- J’y vais ! Je suis pitoyable, aucune résistance ! Bonne nuit, ne tardez pas !
Il n’avait qu’un désir... la voir escalader au plus vite les marches, jusqu'à un lieu interdit pour lui, là-haut, y occuper une certaine place. Et se retrouver seul pour tenter de contenir le chaos de sentiments qui bouillonnait en lui… Et surtout rejoindre un ailleurs qui lui devenait indispensable.
Où enfin il se glissa, tapi dans l’obscurité complice du chêne, épiant, espérant, respirant mieux à la fenêtre qui s’ouvrit, à la silhouette qui s’y découpa, au corps qui s’y recroquevilla.
Il guetta, comme à chaque fois, un regard qui allait errer dans l’obscurité, glisser sur lui, sans le soupçonner si proche, un visage qui allait s’offrir aux caresses d’une nuit dans laquelle, lui, voudrait se dissoudre, pour se hisser au plus près, et y mêler les siennes.
Il attendait et il s’étonna du front baissé, caché au creux des bras repliés, et comprit soudain ce qu’il dissimulait à l’ombre trop douce, aux étoiles trop vives.
Jusqu'à quand ?
Combien de temps encore allait-elle pleurer un amour perdu ?
Et lui ? Lui, qui se croyait guéri de tout, à l’abri du moindre engouement, préservé d’une nouvelle souffrance, que faisait-il là, nuit après nuit, se vouant, sans prudence, sans réserve, à un espoir impossible ?
Il céda, abandonnant toute résistance, ne pouvant plus douter, seulement pour l’avoir tenue et gardée contre lui.
Il l’aimait… pour ses silences et tout ce qu’ils traduisaient, sa douceur et son plaisir devant des choses toutes simples.
Il l’aimait… pour les rêves qui faisaient briller ses yeux… ces rêves qu’il voudrait lui entendre raconter.
Il l’aimait et il s’émerveillait… l’épiant au travers de l’univers dans lequel elle s’enfermait pour mieux observer les autres, où elle se croyait invisible pour tous… Où il la suivait, la respirait, voyait avec ses yeux, ressentait ses émotions.
Elle était belle… mais davantage encore à ces moments-là, absente, distraite, en apparence oublieuse des autres, mais déchiffrant leurs expressions, lisant au plus profond de chacun, percevant ainsi bien au-delà de ce qu’exprimaient les mots.
Et son amour était à chaque instant plus riche de ce qu’il découvrait en elle.
Il saura patienter, il lui devait tellement déjà.
Il pouvait lui laisser le temps, tout le temps nécessaire.
Il était bien revenu, lui, d’un monde froid, désert.
Elle en reviendra aussi… un jour !
 

n petit frisson, léger, l’humidité des heures obscures, une foule joyeuse.
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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 19:22
Chapitre 21
 
 
Il n’avait suffi que de cinq semaines pour que des rires d’enfant et des bruits de galopade résonnent entre les murs de la maison.
Agenouillé à même les lattes de bois sombre, Roland rassemblait de son mieux les traces de la dernière maladresse de sa nièce. Il n’en revenait pas : cette gosse était insatiable, sans aucun moment de répit. À croire qu’elle avait l’intention de rattraper une vie entière d’espiègleries et de taquineries avant la rentrée des classes. Et de bêtises ! Comment Cathy pouvait-elle ne pas céder devant ces yeux-là ? Lui, il en était incapable.
Il ne restait qu’à réparer les dégâts. Après tout, il ne s’agissait que d’un peu de verre brisé, rien de bien méchant. Il était vrai qu’il devrait la raisonner, lui interdire de se jeter ainsi sur lui.
La gronder ? Non, il ne le pouvait pas. Une statuette contre l’élan qu’elle avait eu pour l’embrasser, l’entendre dire combien elle languissait après lui ? Si c’était le prix à payer pour la joie qu’elle venait de lui donner, elle pouvait les casser toutes, il était prêt à les remplacer à chaque fois.
Denise n’était rien de moins qu’une enfant merveilleuse qui ne demandait qu’à s’éveiller au monde.
Et qui devait beaucoup à Catherine.
C’était grâce à elle, à sa patience et à son ingéniosité, que la fillette était sortie de sa coquille. Doucement, sans la brusquer une seconde.
Et il y avait eu, surtout, ce fameux jour, aux fouilles de Thonac.
Catherine l’avait prié de les y conduire, avait insisté pour qu’il demeure près d’elles, l’avait convaincu de gratter le sol. Comme il l’avait aimée pour cela, pour ce cadeau qu’elle lui avait fait !
Ce jour-là… Les yeux de Denise, bouche ouverte sans pouvoir proférer un son, sa course vers lui… Lui ! Et pas un autre ! La petite main qui s’était agrippée à la sienne, le tirant après elle, le guidant vers une forme étrange à peine affleurante sous le sable grisâtre.
Depuis ce bonheur qu’elle avait choisi de partager avec lui, elle ne le lâchait pas d’une semelle et ne quittait plus un étrange bracelet, une médiocre imitation dont il était certain de deviner la provenance.
Une enfant adorable mais fragile... Il saura bien la protéger de tout. Surtout maintenant.
Clotilde n’était plus revenue, ne s’était plus montrée. Il avait découvert sa tanière mais évitait de l’approcher, par crainte de la ramener entièrement dans leur univers et de bouleverser ainsi une sérénité si nouvelle pour eux. Il avait pris les précautions utiles pour maintenir Denise hors de sa portée, et évitait soigneusement de l’évoquer devant la fillette… Il avait exigé que Cathy soit secondée par Jeanne, et prié Gaétan de l’y aider. Il le faisait parfois, lui-même, dès qu’il pouvait se libérer, mais pas autant qu’il le souhaitait.
Demain, Vincent sera de retour. Après plus d’un mois en compagnie de Jérôme, à se promener à travers l’Europe, comment allait-il leur revenir ? Dans quel état d’esprit ?
Contre toute attente, la vie s’était faîte douce, sans nouvelle secousse, sinon, en lui, un souci latent de rester sur ses gardes, pour préserver chacun de cette ombre qui rodait autour d’eux attendant sans doute l’instant propice pour frapper.
Où était Catherine ? D’habitude, à cette heure-ci...
Clotilde ! Clotilde, pouvait-elle être une menace pour elle ? Il chassa cette idée, combattant l’angoisse qu’elle faisait naître en lui.
Mais aussi ! Elle n’avait rien dit sur sa destination, elle était en retard et... Où était-elle allée ? Il n’en pouvait plus de l’attendre... et de souffrir de son absence.
Denise était avec Lucie, Jeanne certainement entre les bras de ce veinard de Gaétan, et son Grand-père... son grand-père… il n’arrivera jamais à lui faire entendre raison !
À l’extérieur, le jour baissait, il dut allumer la lampe sur son bureau, et, même ainsi, n’arriva pas à se concentrer sur les papiers étalés devant lui.
Ce vide, ce silence, il y était mal à l’aise. Elle n’était jamais partie seule aussi longtemps. Et puis... en cet instant précis, ils devraient se promener, tous les deux, au hasard, dédaignant les chemins, comme elle aimait le faire, comme tous les samedis... Son bonheur à lui... ces moments-là, seulement ceux-là...
Depuis ce jour… ce merveilleux jour où elle l’avait entraîné hors du sentier de gravier blanc et que, le voyant hésiter devant la pelouse impeccable, elle s’était gentiment moqué de son conformisme tout en lui affirmant que c’était là-bas, sous les arbres, au plus secret de leur ombre, que tout se passait… Quel tout ? Et lorsqu’il avait souligné combien il était difficile et délicat d’entretenir un tel tapis vert, elle lui avait juré que l’herbe ne garderait aucune trace de leur passage, qu’elle n’en dirait rien à Alfred, et que, elle, préférerait mille fois un vulgaire chiendent sur lequel elle pouvait courir au plus précieux des gazons !
Elle lui avait montré l’endroit idéal pour installer une balançoire pour Denise, d’autres où il serait judicieux de placer des abris pour les oiseaux, plaidant leur cause avec force arguments auxquels il n’avait su répondre qu’en lui rappelant qu’ils étaient encore, et seulement, au cœur de l’été.
Comment avait-il pu oublier que le temps s’enfuyait très vite, que l’hiver viendra bien assez tôt, et qu’il fallait donner à tous ces pauvres petits volatiles le temps de prendre des habitudes ! Évidemment !
Mais surtout, il ne s’était pas attendu au reste… il ne s’était jamais douté de rien… Dès les premiers fourrés, à chaque fois que nécessaire pour briser leur aspect trop apprêté, presque figé qu’il leur avait toujours connu, partout, elles avaient bêché, creusé, semé, rendant toute liberté à la nature, lui apportant l’essentiel mais la laissant l’utiliser à son gré. Seulement des prémices, rien n’y était parfaitement abouti, des promesses pour demain, dans quelques mois, le temps que la vie s’y installe, y prenne ses aises.
Il ne s’interrogeait plus désormais sur le pourquoi Cathy semblait si lasse parfois le soir, pourquoi Denise sombrait dans le sommeil aussitôt le drap remonté sous le menton. Curieusement, Alfred s’était déclaré ravi, satisfait au-delà du possible, jurant même, à qui voulait l’entendre, qu’il n’existait pas de meilleurs assistants. Le naïf ! Elle en faisait ce qu’elle voulait, oui ! Quant à lui, il savait à qui surtout il devait le bosquet devant son bureau.
Il y eut, ensuite, « l’autre idée ». Seigneur ! La plus... la plus épuisante ! À quelques mètres de la pièce d’eau, en plein cœur du parc, la construction d’une maison de poupée, mais à la taille de Denise. D’accord, elle était plutôt petite pour son âge, mais quand même !
Catherine, aussi entêtée qu’extravagante, l’avait supplié de lui apporter son aide… « … nous irions plus vite. Et il faut qu’elle soit assez solide pour résister au temps ! ».
Prière à laquelle, sans l’ombre d’une hésitation, il avait cédé… Pour le regretter très vite !
Il avait sué sang et eau, se meurtrissant les mains, pestant contre le monde entier, se maudissant pour cet instant de faiblesse, râlant comme un putois devant les exigences d’une adorable sorcière qui, non satisfaite d’avoir obtenu gain de cause, s’était montrée tatillonne pour certains détails.
Et lui, pourtant si peu distrait par nature, s’était surpris à commettre plusieurs fois les mêmes erreurs. Pour le seul plaisir de l’avoir près de lui, qu’elle lui montre ce qu’elle en attendait, le guidant, doigts mêlés aux siens.
Oui… lui, notable juriste sensé et responsable, en avait même oublié des dossiers, les déléguant à d’autres, désertant les bureaux de Périgueux trois jours entiers. Il avait perdu toute raison !
Insensé ? Sans doute ! Mais, au fond, il devait bien se l’avouer, heureux, merveilleusement heureux ! Comme jamais auparavant.
Ce qui ne l’empêcha pas, à peine le chef-d’œuvre achevé, de jeter jusqu’au dernier pinceau, se jurant qu’elle ne l’y reprendrait plus.
Rien que d’y penser, il en avait mal aux articulations.
Le pire était que pas encore remis de ces derniers efforts, voilà qu’elle proposait de… Non, là, elle ne l’aura pas !
Mais s’étant malgré tout, laissé séduire par sa dernière idée, il s’était efforcé de trouver comment la réaliser.
Avant la fin de la semaine, Catherine pourra emmener Denise sur une plate-forme conforme en tout point aux plans qu’elle avait conçus, mais construite et installée par des professionnels, satisfaisant ainsi à toute exigence de sécurité.
Pour sa part, pas question qu’il y risque le bout d’un doigt ! Il n’était pas fou au point de s’aventurer à escalader un arbre gigantesque alors qu’il évitait le moindre escabeau comme la peste. Si elle venait à découvrir qu’il était sujet au vertige, elle trouverait le moyen d’ironiser à ses dépens.
Se moquer de lui ? Elle ? Non, elle en serait incapable… mais lui… lui voudrait n’avoir aucune faiblesse à avouer devant elle.
Roland se redressa, bien décidé à se concentrer sur les documents étalés devant lui, modifia l’orientation de la lampe, tripota un stylo, rassembla quelques trombones éparpillés, les déposa dans une coupelle de cristal, consulta l’éphéméride ouvert devant lui à la date du seize… Le seize ! Déjà le seize ! Il restait si peu de temps ! Dans une quinzaine de jours, les gosses quitteront la maison et Catherine suivra, repartira à Saint-Malo. Il ne voulait pas y penser, pas encore. D’ici là... Mais où était-elle ?
Ce n’était pas normal, il était très tard... L’heure du repas approchait, et... Avec cette voiture… sa vieille 2CV… sur la route ! Elle devait être en panne quelque part ! Il se leva, d’un bond, n’en pouvant plus de rester assis, là, à attendre, alors que quelque part… mais où ? Où la chercher ? Il n’en avait aucune idée et... le téléphone ! Il sursauta à la sonnerie du téléphone, se précipita… C’était elle qui appelait... il en était sûr... elle avait un problème !
- Roland ? C’est Cathy... pour toi... lui annonça Lucie.
- Enfin ! S’exclama-t-il, incapable de dissimuler son inquiétude. Je le savais, Lucie... poursuivit-il, sans même réaliser que cette dernière ne l’entendait plus… elle a des ennuis... Va savoir où elle s’est perdue... Cathy, Allô ! Catherine, où êtes-vous ?
- Bonsoir Roland, lui articula à l’oreille une voix calme et lointaine. Je vais très bien, je n’ai aucun tracas et je suis là, pas perdue pour deux sous !
- Où ?
- Mais avec Ted et les autres ! Ils partent demain et ils sont en train de se démener pour organiser un semblant de fête.
- Une…
- J’appelle pour vous dire que tous comptent sur vous.
- Moi ?
- Et Denise surtout !
- Den…
- Roland ! C’est à deux minutes, cela ne durera pas très tard, c’est de l’improvisation, quelque chose de très simple.
- Je...
- J’ai promis à Ted. Pour la petite ! Ils veulent tous l’embrasser !
- Ce…
- Gaétan et Jeanne vont passer vous prendre, nous avons tout organisé !
- Mais…
- Vous n’allez pas refuser de les accompagner !
- Cath…
- S’il vous plaît ! Vous ferez plaisir à tout le monde. Vous n’allez pas dire non !
- Oui !
- Oui ? Oui, vous venez ou oui pour...
- Oui.
- C’est vrai ?
- Impossible de placer plus d’un mot à la fois dans cette conversation et il m’a fallu jouer serré pour glisser celui-là ! Il faudra vous en contenter.
-...
- Vous êtes fâchée ? S’alarma-t-il devant le soudain silence à l’autre bout de la ligne.
- Non... non… pas du tout ! Mais vous m’avez fait peur ! Oh ! Ils m’appellent ! Merci de venir, je... je vous attends... murmura-t-elle en raccrochant.
«Je vous attends… »... Des mots qui le rassurèrent.
Et elle avait craint un refus de sa part ! Elle était aussi aveugle que ces statuettes qu’elle ramenait de la nuit des temps à la lumière du soleil.
Mais pour le moins, il savait qu’il ne lui était rien arrivé.
 
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