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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 19:28

L'éveil. Aux premières lueurs qui s'insinuent aux fentes des volets. Aux tendres coups de patte sur le front, les joues, du chat roux qui miaule d'impatience. Exigence féline à laquelle le corps lâchement cède. Premier café, première cigarette, premier coup d'œil au-dehors. Histoire de prendre la température du jour, un aperçu sur sa couleur, son mouvement. Les bosquets, la pelouse, ruissellent de rosée, le ciel se partage entre le gris des nuages étirés et le gris des fumerolles des cheminées, le laurier se balance et fouette de ses lancettes luisantes les roses tardives. Les bruits extérieurs, encore contenus par les fenêtres closes, semblent échos des frémissements de la maison qui s'éveille. Un nouveau jour, un autre jour à vivre, à passer.

 

Front collé à la vitre, au froid qui calme la fièvre d'une nuit tourmentée, Macha ne voit rien, regard emporté au filet d'eau vomi par la grosse buse, au pied des escaliers, accroché à une brindille noueuse, à une feuille rousse, charriées mollement par le maigre courant. Elle n'entend rien, refermée sur elle-même, huître grise sur verre, sinon un mot qui emplit sa tête, serre sa gorge, noue sa langue derrière ses dents serrées. Un mot que, jusqu'à la veille, à peine quelques heures, elle ne connaissait pas, jamais entendu, ni lu.

 

Elles se tenaient dans la cuisine, se partageant un reste de gâteau. La Jeanne et la Bénédicte. Elle, elle somnolait dans le salon voisin, un livre sur les genoux, pesant sur les articulations douloureuses de ses doigts, à quelques pas d'une porte entrouverte sur des médisances tardives. Dont elle était encore l'objet.

 

Entre deux tintements de porcelaine, de verre ou de métal, les mots se glissaient. Pas même à mi-voix. Pas même soucieux d'une indiscrétion. Des mots mêlés ou bousculés par force gloussements. Elle les devinait, les voyait en dépit des cloisons épaisses, des ombres, se pousser du coude, partager des mimiques complices, la Jeanne et ses yeux globuleux, la Bénédicte dont les lèvres si courtes, si peu dessinées ne se rejoignent jamais tout à fait, même au repos, sur l'émail jauni des incisives. Les yeux de l'une, comme exorbités à force de toujours fureter, surveiller chacun. La bouche de l'autre, comme incapable de se refermer sur un trop-plein de vilénies, inépuisable.

 

Et là, les voilà qui s'en vont à messe, ainsi que chaque matin, dans leurs robes au noir verdi par l'usage, lustré ainsi que plumes de corbeau, cheveux dissimulés sous des triangles de dentelle noire, bras-dessus, bras-dessous, accrochées l'une à l'autre, traversant la cour centrale à tout petits pas, prudents sur les pavés disjoints, resserrées dans leur dévotion autant que dans leur quête de ragot.

 

Macha s'éloigne de la fenêtre, refoulant vers l'invisible les silhouettes sautillantes de ces deux corneilles malfaisantes. Un instant son reflet dérive sur le carreau de verre, gris sur gris, comme le ciel, comme l'eau. L'eau. Tellement présente, dans ce pays de brouillard lourd, où arbres et demeures sont en permanence encapuchonnés d'une humidité sournoise. Une humidité qui s'infiltre et la mine jusqu'au creux des os. A cause des deux rivières, si proches qu'elle ne peut jamais s'abstraire tout à fait de leurs murmures, de leurs brumes, de leurs colères, et qui grondent souvent si fort et si large que les murs mêmes de la maison, dressée entre leurs rives, en frémissent. Peut-être leurs lits dégorgeraient-ils, un jour, assez de violence pour tout emporter.

 

Dans la chambre voisine, aucun bruit. Lucas dort encore. Il s'en faudra bien de quelques heures avant qu'il ne retrouve toute conscience. Comme à chaque fois qu'il revient de M... Qu'il est ramené, plutôt, ivre au point de ne pouvoir rentrer par lui-même. Mais pas assez pour ne pas tenter de forcer sa porte, taire des insultes, museler sa rancœur.

 

Dix ans. Dix ans, déjà, à vivre, survivre, dans ce décor aquatique, cette prison suintante. Dont elle est pourtant la maîtresse. Mais une maîtresse sans droit ni pouvoir, sinon par le fait d'être l'épouse de Lucas. Une épouse à laquelle les menus ne sont pas soumis, qui n'a pas accès aux armoires à linge, aux réserves, aux comptes, qui ne voit jamais un fournisseur, ni libre de se défaire ou d'engager un employé, de changer la couleur d'un mur, d'une tenture, la disposition d'un meuble, pas même seulement les fleurs d'un vase.

 

Dix ans, à subir la Jeanne et la Bénédicte, sœur et tante de Lucas. Leurs regards et silences qui la font transparente et absente. Leurs méchantes critiques hors de sa présence mais toujours assez proches pour qu'elle puisse les entendre.

 

Quelques semaines lui suffirent, aux premiers temps de cette union maudite, pour comprendre ce que Lucas attendait d'elle. Contraint à ce mariage – comme elle, d'ailleurs – il escomptait en recevoir le fruit. Une descendance. Mais légitime celle-là. Peut-être y pense-t-il encore ? Macha frissonne à cette idée. Un regard vers le bureau à secrets la rassure. Dernier vestige d'un passé de jeune-fille aimante et aimée – du moins le croyait-elle autrefois – et refuge de son unique moyen de révolte.

 

Mains jointes sur son ventre plat, Macha revient à la fenêtre, y reprend son affût. Au-delà de la cour carrée, des deux ponts opposés, dans un alignement si précis, qu'empruntant l'un ou l'autre, ils semblent n'être qu'un, au-delà d'une paix trompeuse, de la sérénité pastorale d'un chaume, se dessine le prochain automne. Les bûchers d'herbes, aux odeurs de feuilles mourantes, les vapeurs blanchâtres courant au fil des ondes, les relents de la terre détrempée, pourrissante et stérile. Stérile !

 

« Lucas n'est qu'un sot ! Il devrait divorcer de la bréhaigne ! » Laquelle des deux a, la première, prononcé ce mot ? La Jeanne ? La Bénédicte ? Laquelle l'a répété en riant? Et répété encore, jusqu'à ce qu'il s'imprime si fort dans sa tête qu'elle s'est sentie poussée à quitter son fauteuil, à en chercher la définition dans un dictionnaire.

 

Ainsi donc, ces deux gargouilles la croient stérile. Et s'il est vrai qu'elle le semble, ce que ces deux cruelles commères ignorent c'est qu'elle fait tout pour cela. Depuis le viol, la décision des parents de ne pas ébruiter l'affaire, de les marier, pour réparer. Effacer la tache, absoudre la faute. Violentée, souillée et condamnée cependant à en subir davantage, pour éviter tout scandale. Mais d'un violeur ainsi élevé au rang d'époux, et désormais assuré de tous les droits sur elle. Si sûr et si fort qu'à lutter contre lui, elle s'y est brisé plusieurs fois les doigts.

 

Stérile ? Non, hélas ! Et combien pourtant elle a souhaité l'être. Six mois après les noces, durant tous ces jours d'angoisse, à chacun de ces coups terribles qu'elle assenait à son ventre fécondé, nuit après nuit, sans gémir, sans faiblir. Après la visite chez le docteur Pellegrin, après le test. Et durant les semaines à guetter un moment propice, une absence assez longue de Lucas, à réfléchir à un prétexte plausible pour s'éloigner et avant qu'il ne soit trop tard. Et aussi après le retour. Ce sentiment de victoire mêlé à cette sensation de perte, d'échec. Les petits cachets, les ruses pour se les procurer, chaque mois, l'inquiétude de les oublier ici ou là, et le tiroir invisible de son meuble à secrets.

 

Dix ans. Soumise à un destin qui n'eut pu durer que quelques jours, quelques heures, à condition de comprendre, de réaliser, que ce mariage honni la libérait aussi de l'autorité de ses parents, l'émancipait. Qu'une dot judicieusement protégée par contrat pouvait être le meilleur sésame vers une totale indépendance. Alors qu'elle s'est enfermée dans une prison dont chaque pierre est un élan de haine envers Lucas, sa sœur, sa tante. Une prison construite et reconstruite jour après jour, érigée par elle-même. Durant toutes ces années elle a été l'artisan de ses propres chaînes.

 

Et il a suffi d'un rien, de si peu, d'un mot inconnu, pour qu'une paroi se lézarde, laisse passer un éclat de lucidité. Pour qu'un paysage change, ou sa façon de le voir. Pour qu'un horizon s'ouvre, ou qu'elle le réalise depuis toujours ouvert pour elle. Et déjà elle se sent libre. Et féconde. D'espoirs à vivre.

 

 

 

 

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7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 13:39
Romans, nouvelles, poèmes, billets d'humeur  en ligne :

ROMAN edité
 

livre.jpg

Des êtres particuliers
: Les chapitres 01, 18 et 21, en extraits.
 
Des êtres particuliers… racontent l'histoire de Catherine et de Roland. Pas seulement la leur. Il y a aussi Denise et Vincent, deux enfants "sauvages" que la vie a malmenés, perdus dans un monde de "grands". Il y a Jérôme, le "méchant" et d'autres encore… des êtres comme vous et moi. Il y a des régions pour lesquelles j'ai eu un gros coup de cœur : le Périgord, sur fond d'archéologie et Saint Malo.
Ce livre est édité au prix de 21 euros par la Société des Ecrivains. Pour qui voudrait se le procurer, il suffit de passer par :
 
Société des écrivains      Amazon       Alapage       Chapitre.com

Par ailleurs, j'en ai quelques exemplaires à disposition. Pour qui en voudrait un "dédicacé", il suffit de me contacter par mail à :

Le contrat qui me lie à la SDE prend fin ce 31 décembre 2007. Ensuite je serai libre de mettre ce livre en ligne comme il me sied.

Pour lire des deux chapitres en ligne, cliquez sur les liens :

°*°*°*°
 

ROMANS en cours de rédaction
 

fillette---bruneline.jpg

 
Les petits cailloux de Brunéline… : 

Les petits cailloux de Brunéline… sont tous ces détails, ces évènements, ces ressentis de joie, de peur, de colère, que nous rencontrons dès la toute petite enfance et tout au long d'une existence, et qui, à mon avis du moins, modèlent ce que nous devenons, et ainsi jusqu'à notre dernier souffle de vie.
 
Prologue
Pas encore rédigé !
Chapitre 01
Chapitre 02
Chapitre 03
Chapitre 04
Chapitre 05
Chapitre 06
Chapitre 07
Chapitre 08
  
à suivre ...
 
 
 
 

Le dessin de la fillette au nounours est de Marie-Noëlle DUMAZ... A qui je dis un grand merci pour sa gentillesse ! Pour visiter son site, c'est ici :
 



°*°*°*°
 

orgeat.jpg
Un parfum d'orgeat :

Un parfum d'orgeat… est pour l'enfant de ce livre ce qu'était la "madeleine" pour Proust… les goût et parfum d'un souvenir heureux. Un orphelin qui n'a pas encore de prénom à ce stade de l'histoire… et je me demande s'il est vraiment utile de lui en donner un. Un parfum d'orgeat qu'il retrouve un jour dans un décor de soie. Cette soie que Charlotte aime tant travailler. Une région, ici aussi… l'Ardèche. Dans laquelle Pierre a décidé de s'installer. Un enfant solitaire, une femme, un homme… et d'autres destins…

  

°*°*°*°
 
fee.jpg
La fée blanche ou le Manoir aux quatre tours :

La fée blanche… et le cercle des Ombre… à la poursuite d'un objet aussi puissant que mystérieux… L'histoire commence en Ecosse, vers le milieu du XVIII siècle, alors que la chasse aux sorcières embrase des bûchers. Remonte plus loin encore… au travers de la découverte d'une amphore contenant un corps de fillette… Se poursuit à notre époque, entre Indre et Val de Loire, à Rivarennes, au cœur de la forêt de Chinon et au parfum des "poires tapées"… Elles sont quatre… Sylvine et Nitia, Elina et Orlane… Sud et Nord, Est et Ouest… Pour quatre tours d'un manoir invisible aux yeux des mortels… Quatre belles et bonnes sorcières, gardiennes vigilantes d'un secret en attente de la réincarnation d'une enfant… 

à suivre... 
 
 
 
 
  

°*°*°*°
 
Pour accéder aux  ROMANS terminés en ligne, il suffit de suivre le lien ci-dessous : 


ROMANS COMPLETS EN LIGNE 
 

°*°*°*°
 
 
Pour accéder aux nouvelles, poèmes et autres textes, il suffit de suivre le lien ci-dessous : 



°*°*°*°
 
 
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7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 13:27


Revenir aux heures douces,
A ces nuits silence hantées de rêves tendres

Au cœur d'une solitude paisible et rassurante
Remonter le temps,
Bien avant les pleurs
Bien avant la peur
Gommer d'une mémoire
Tout le laid, et le gris
Ne garder que le beau
Contempler de nouveau, sans cesse,
Ces horizons inconnus
Pour moi seule tracés
M'envoler sur des notes de musique
Et fermer les yeux
Naître
Ailleurs
Plus loin
Très loin
Naître
Caméléon
Aux couleurs de l'âme
Harmonie et tendresse
Harpe céleste
Sous les doigts du vent
Ecume éphémère
Sur la crête des vagues
Nuit
Profonde
Totale
Absolue
Naître
Flamme et embraser l'univers
Jusques à son tréfonds
Source intarissable et onde vive
Grossir les lits placides des rivières
Déborder les fleuves et gonfler les lacs
Soulever les mers
Défier les océans
Oiseau aux ailes de zéphyr
Aller plus vite que la lumière
Trouer l'espace
Au premier frémissement
et baiser une fleur sauvage
et sourire à un monde
Vivant

Deux notes de musique
Et fermer les yeux
Sur un cri d'espérance
"Ritorno a vivere"
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7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 13:25


Elle voudrait lui parler
Et ne sait que rugir

Elle voudrait le toucher
Et ne fait que le fuir
Vivre de ses rires
Vivre encore
Elle est neige sur feu
Et fond sur sa peau
Au premier corps à corps
Elle est braise au vent
Et s'enflamme d'un souffle
Aux ardeurs du désir
Mourir pour un soupir
Mourir déjà
Les mains inanimées
Qui leur rendra leurs gestes ?
Femme souveraine
Alanguie et lascive
Femme mousse
Aux secrets d’un sous-bois
Femme liane
Femme lien
Femme puis plus rien
Dans des reflets d'or
L'ambre a figé
Son regard lassé
Elle voudrait lui sourire
Et ne peut que pleurer
Elle voudrait le maudire
Et se meurt de l'aimer
Vivre de ses caresses
Vivre encore
Elle est eau sur glaise
Et trace et cisèle
Les rides de son front
Elle est le chant du silence
Et murmure des mots
Dans le froid de sa nuit
Mourir de trop aimer
Mourir enfin
Femme écartelée
Soumise et passive
Femme ronces
Aux ornières d'un chemin
Femme lierre
Femme peur
Femme puis plus rien
Dans ses rets de glace
L'hiver a saisi
Des débris d'âme
... et puis plus rien
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7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 13:23



Les larmes de mes nuits sont griffes de métal
Aux croisées bien closes où s'acharne le vent

Et m'enlise la peur dans un vide létal
Quand s'endeuillent les cieux au glas de l'océan

Maintes vagues brisées expirent aux dunes
En longs cordons de mousse aux éclats de diamant
L'oiseau s'est pris, là bas, dans des cordes de lune
Et épuise ses ailes aux tourmentes du temps

Les veines de sa vie, entaillées par l'orage
Sourdent et gouttent de lourds et lents regrets
Les flots exténués refoulent ses mirages
Aux jusants languissants de saumâtres marées

Les embruns déversent en amères langueurs
Ses pleurs que dans le noir une pâle étoile transcrit
L'oiseau se pose enfin, qui se couche et se meurt
Et frissonne ma peau aux abysses d'un cri
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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 01:08


Je bois
Je bois à ta bouche
Et je m’enivre
Je te touche
Te sens
Me brûle
J’attends
Tes mains
J’aspire
Ton souffle
Je te suis
Te prends
Me donne
Tu as peur

Et tu as raison d’avoir peur !
Pourquoi donc viens‑tu à chaque fois que je t’appelle ? Pourquoi ?
Pourquoi m’obéis‑tu ? Il te serait facile de refuser… de ne pas céder à ce désir qui te soumet autant qu’il te déroute.
Je sais !
Ô combien je sais !
Que, cet appel, tu le guettes, tu l’attends, tu en trembles.
Je sais que, à la moindre sonnerie, ton cœur s’emballe, s’effrite, se décompose.
Je sais que, ton attente, tu l’animes de caresses, d’étreintes, de frémissements.
Que, ce silence qui dure, tu l’habites de mots, de cris, de soupirs, de gémissements.
Je sais tout… jusqu’à cette dépendance ! Je sais que tu te fustigerais presque pour en débarrasser ton corps…
Non… s’il‑te plaît… pas ton corps ! N’abîme pas ton corps… il est si… parfait !
Toi aussi, tu sais…
Tu sais que je joue…
Oui, je joue… parfois je compose un numéro… ton numéro… et je raccroche… très vite…  
Alors, je ferme les yeux et je ressens, à distance, la moindre de tes transes.
Je les connais… je les savoure.
Et lorsque, enfin, j’articule ton prénom à ton oreille, qu’il me plaît cet infime instant de silence ! Quelques secondes… le temps d’un vertige… Et puis ta voix qui répond à la mienne. Tu me dis dans un murmure « Oui… je viens… »
Alors, viens…

Oui, viens
Viens et bois
Bois à ma source
Elle naît de toi
Pour toi
Tes mains
Ta bouche
J’attends
Je tremble
Je veux
Soumets‑moi
Ô toi ! Soumets‑moi
Tu as peur…

Et de quoi as‑tu peur ?
Regarde combien je sais me faire douce… comment je me plie docilement à tes exigences.
Vois combien je m’applique à caresser ton corps, et si tu savais combien je le découvre à chaque fois, combien je m’émerveille de sa chaleur sous mes doigts.
Ta bouche… donne‑moi ta bouche… inspire fort et donne‑moi ta bouche que j’aspire et ton souffle et ton âme !
Là… inspire… expire… et j’aspire ta vie… et je vis… je vis… si fort, si profond… si chaud…
J’en ferme les yeux… et je sens ton désir qui enfle et roule sur ma peau.
Toi aussi tu joues…
Tu joues avec moi… avec mon impatience ! Et je brûle… et je veux te brûler… je voudrais… je voudrais… te marquer aussi profondément qu’un fer rouge.
Je te dessine du bout d’un doigt et tu souris… ne souris pas ! Pas maintenant… Prends‑moi… Qu’attends‑tu ?
Ton sourire… ce maudit sourire, voilà que je le cueille d’un baiser, alors que je voudrais l’éteindre ! Je te respire… visage contre cou… je te respire et je capte, avide de toi, la goutte salée qui dérive sur ta peau… Je prends ta saveur à pleine langue, et toi… ah ! toi… tu mords ma nuque !
Le jeu te plait, je le sens bien. Je le vois bien.
Et je chuchote et tu m’appelles et je recule et tu me ramènes…
J’aime quand tu ne retiens pas tes mains… j’aime leur insolence… j’aime quand elles errent, quand elles effleurent,  et caressent et pétrissent et exigent… et ces garces qui se posent… non ne freine rien… ne joue plus… ne joue plus !
Viens…

Viens donc…
Tes mains savent
Ton corps
Tendu
Et moi
Vaincue
Offerte
Ouverte
Viens
Viens
Prends
Envahis
Pourfends
Tu as peur

Je ne veux pas que tu aies peur !
Regarde comment nos corps s’accordent, regarde comment mon sexe t’accueille, et te tient, te retient, te caresse, t’étreint… Laisse‑le faire… Laisse‑moi t’aimer en moi…
Ton corps qui pèse sur mes dunes blanches et tes hanches soudées aux miennes.
J’emprisonne tes jambes de mes cuisses serrées, je te garde…
Tu es à moi… et combien je t’appartiens…
Ne bouge pas… je veux que cet instant dure… laisse‑moi…Laisse‑moi, ciseler ton désir, et le moduler… longtemps… pour que tu m’habites… et que je te porte… jusqu’à… jusqu’à… la fin de la nuit ?
Et voilà que tu ris… Gourmande ? Oui… bien sûr… je le suis ! De toi… de la vie… et de toi… et de nous… d’aujourd’hui… de demain…
Oui demain… Je ne veux pas que tu grimaces ! Il y aura un demain… tu le sais …
N’aies pas peur !
De ces heures qui viennent où tu ne seras pas… Ces heures, je les redoute aussi, sais‑tu, car elles m’éloignent de toi… Mais à peine ! Puisque toujours tu es en moi…
Qu’importe le temps… et la douleur qu’inévitablement il va nous amener… n’abîme pas ces instants qui nous réunissent…
N’aie pas peur ! Te dis‑je… Demain, demain, tu le sais bien, nous unira de nouveau…
Et viens

Maintenant
Viens
Va
Aime‑moi
Aime‑le
Ce corps
Qui te défie
Dompte‑le
Vois
Il te résiste
Et roule
Se dérobe
Te rejoins
Coquin
Mutin
Et n’aie pas peur

N’aie plus jamais peur
Demain, ton téléphone sonnera… et tu trembleras… et je dirai ton prénom… et tu murmureras « oui… je viens… »
Et moi… je viens… je viens…
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7 novembre 2007 3 07 /11 /novembre /2007 19:30

 

Claire se tenait, raide et immobile, très près du bord de la falaise qui domine la baie de Cassis. Une zone bien assez escarpée et friable pour inquiéter François, qui, désorienté par une froideur et un détachement inhabituels chez sa jeune amie, n’osait esquisser un geste pour l’en éloigner.
- Et maintenant, que vas-tu faire ? Se risqua-t-il enfin à demander.
« Faire… ? » Répéta-t-elle d’une voix détachée, toute droite face à l'étendue marine. Regard troublé sondant le cœur des flots sages et immuables, elle semblait les consulter, attendre d'eux la réponse adéquate à une question secrète, ou un conseil rationnel. Puis elle secoua doucement la tête et examina, pensive, le ciel qui suspendait des lambeaux de gaze purpurine sur le fil tendu de l’horizon.
- Je ne sais pas, reprit-elle… Réparer mes erreurs et ensuite…
- Quelles erreurs ? Tu n’es en rien responsable de la fourberie de Thomas ! En fait, tu devrais tenter de le retrouver et le contraindre à…
- Le retrouver ! Lui ? L’interrompit-elle. Alors que je voudrais oublier jusqu'à son existence ! Et l’obliger à quoi ? Quand comprendras-tu que, finalement, ce n’est pas à lui que j’en veux mais à moi-même ? De plus, le revoir ne me rendra rien, bien au contraire, et surtout pas le goût de vivre !
- Je pourrais t’y aider... si seulement...
- Si seulement... quoi ? Je ne t’ai pas appelé, je ne t’ai rien demandé... je n’ai nul besoin de toi, et je ne veux jamais plus attendre quoi que ce soit de quiconque !
- Je ne suis pas ton ennemi, tu n’as rien à craindre. Murmura-t-il avec tendresse.
Claire ne répondit pas, de nouveau songeuse. Peur de François ? Non, bien sûr... pas de lui, l’ami de toujours... Elle tendit les mains au-dessus du gouffre béant, ouvrit les doigts, libéra son offrande. Le tulle blanc, la couronne de fleurs d’oranger, deux cercles d’or, glissèrent, tourbillonnèrent. Symboles honnis livrés au caprice des rafales du Mistral qui la transperçaient et plaquaient contre son corps la précieuse étoffe d’une robe dont elle avait rêvé pendant des semaines, qui ne lui inspirait plus qu’horreur depuis quelques jours.
À qui pourrait-elle confier ce saugrenu sentiment de délivrance, presque indécent dans les circonstances actuelles ? Surtout après ces longues heures à patienter, au milieu de tous ces individus, de leurs coups d’œil d’abord intrigués, puis anxieux, enfin empreints de pitié pour quelques-uns, et d’ironie cruelle pour la plupart.
Thomas n’était pas venu ! Ce qui n’avait rien à voir avec la dérobade d’un individu qui, placé au pied du mur – ou plutôt de l’autel – aurait paniqué devant un engagement supposé "à vie". Non… seulement la logique conclusion à une grotesque et sinistre mascarade, résumée en quelques mots griffonnés, visiblement à la hâte, sur un bristol : "Pas pour cette fois-ci, Poupée, mais ne désespère pas, un jour qui sait ? Bonne chance."
Une manière aussi cavalière que brutale, sinon abjecte, d’en terminer avec elle. Ce dont elle était pleinement consciente, autant que d'un irrationnel désir d’en remercier malgré tout Thomas, regrettant presque de ne pouvoir le faire.
Elle était libre ! Libre, enfin ! Et jamais plus… plus jamais un homme ne la mènera à la même aberration !
Elle avait été aveugle et stupide - surtout stupide !-, refusant l’évidence... Pourquoi ne pas l’avoir fui, lui, avant ? Par ignorance ? Même pas !
Elle avait toujours su, pourtant, que les hommes se ressemblaient... tous ! Des menteurs, des tricheurs, des brutes égoïstes ! Elle devait admettre qu'elle était seule responsable de ce qui lui arrivait. Pour s’être pliée à une autorité détestable, une fois de trop, et avoir été crédule au point de s’être laissée guider. Car elle y avait cru, très fort ! Elle avait cru en Thomas ! En lui et en chacune de ses promesses, jusqu'à ce qu’il montrât son véritable visage.
Elle n’aurait jamais dû se taire, ni subir. Pour ne pas avoir su se battre elle lui avait permis de détruire son innocence. Mais il paiera un jour… lui ou un autre ! Quelqu’un, quelque part, devra payer pour cela. Elle saura bien prendre sa revanche !
- Claire...
- Laisse-moi, je n’ai nul besoin de sympathie, ni de la tienne, ni de celle de qui que ce soit... Je rentre !
- Viens, fais-le avec moi !
- Et ma voiture ? Non, va devant, je te suis.
- Vraiment ? Tu le feras ?
- Il faut bien que j’y retourne, soupira-t-elle.
Avait-elle une autre alternative ? Ses parents, les invités... Claire les imaginait sans peine ! Combien patientaient encore ? Et les frais engagés... les fleurs, une débauche de fleurs... les tables surchargées de nourriture... Du gaspillage... à l’image de sa vie... une vie pour rien...
Et les meubles qui attendaient d’être livrés, choisis avec ce qu’elle avait pris pour de l’amour. Était-il trop tard pour les décommander ? Sinon...
- Claire, tu sais ce que j’éprouve pour toi. Si tu le voulais, nous pourrions les réduire au silence.
Que suggérait François ? Clore le bec de ces idiots en l’épousant, lui ? Il divaguait ! Elle finirait par le haïr, et se mépriserait, tôt ou tard, pour avoir accepté.
Sachant qu’elle sortait enfin, par miracle, d’une situation qui lui avait complètement échappé, qui lui faisait horreur, comment pouvait-il supposer qu’elle prendrait le risque d’y replonger ? Même avec lui ! Comment l’aiderait-il ainsi ?
Elle se rapprocha davantage des lèvres avides du précipice, y poussa du bout du pied quelques cailloux, écouta le bruit de leur chute se répercuter dans l’air autour d’eux.
À moins que... lui, François, prétendît simplement profiter du désespoir dans lequel elle devrait se trouver pour obtenir d’elle… Elle rejeta cette idée hideuse, consternée, ne sachant ce qui l’écœurait davantage : lui, de l’imaginer ainsi ou elle, de le concevoir.
- Je ne veux que te protéger des railleries. Tu dois me faire confiance…
Confiance ! Ne connaissaient-ils que ce terme-là ? Et lui… qu’il les laisse rire, elle... elle ne les craignait plus.
- Je ne suis pas Thomas !
En effet, mais ne rien avoir en commun avec ce dernier ne suffisait pas... elle ne l’aimait pas… enfin pas d’amour, pas ainsi qu’il l’espérait...
Et ce ne sera pas de sitôt qu’elle se laissera de nouveau prendre au même piège. Elle ne permettra plus à un homme de détruire son univers… plus jamais ! Tous à maudire, à chasser de son avenir.
- Tu sais que je n’attends rien pour moi-même, mais... seulement le temps que tout passe, que tout s’oublie... te donner celui d’organiser ta vie, comme tu le voudras ! Tu resteras libre.
Claire refoula un sanglot. Son cher François ! Que lui faisait-elle ? Son ami ! La seule personne à qui elle pouvait se fier. Depuis toujours ! Déjà enfants… et il ne méritait pas de souffrir ; pas à cause de ce que, elle, même involontairement, pourrait lui faire subir.
- Dis quelque chose, ne reste pas comme ça... parle-moi !
- Pardonne-moi, François. Je... Laissons cela, je pars.
Il ne put rien pour la retenir, incapable de trouver les mots qui auraient su calmer la fureur froide qui la dominait. Contre elle-même et sa naïveté ? Uniquement contre Thomas ? Et comment lui révéler tout ce qu’il savait sur cette brute sans la meurtrir davantage, et surtout sans qu’elle lui en veuille.
L’annonce de ses fiançailles et de son prochain mariage avait détruit ses espérances. De la voir ainsi, il était prêt à accepter et endurer jusqu'à l’insoutenable, à tenter l’impossible pour qu’elle redevienne la jeune fille qu’il connaissait si bien. Mais il ne pouvait obliger Claire à s’y plier, bien moins à le désirer, elle aussi. Tout comme il ne savait plus si lui-même devait entretenir encore la moindre illusion.
Il sursauta aux plaintes d’un moteur maltraité. À quelques mètres de lui, la petite automobile blanche démarra à toute allure et se rua vers la dangereuse route de la Gineste. En s’y aventurant ainsi, son amie risquait le pire !
- Claire, attends ! J’arrive... Hurla-t-il ! Elle va trop vite ! Seigneur, elle est folle !
Tandis que François s’élançait à sa poursuite, Claire appuyait sur l’accélérateur, sans même s’en rendre compte. Elle avait le désir de faire mal, de blesser, et il fallait qu’elle se vide de la violence qui la faisait trembler.
Et sa robe... trop de blancheur... une pureté trompeuse... elle ne portera plus jamais rien de blanc... plus rien de la couleur du mensonge.
La nationale s’offrait devant elle, plus vite, encore, toujours. Des virages qu’elle abordait à une vitesse démente. Chez elle, là-bas, un autre homme devait s’impatienter... qu’elle soupçonnait furieux, pour lequel elle n’avait que mépris, haine parfois... son père...
Lui aussi... Comme les autres.
Il avait eu sa part d’aventures, il avait trouvé les moyens de faire taire sa femme, il avait su duper, se cacher, mentir, préservant par des pirouettes un semblant de quiétude dans son foyer tout en prenant ailleurs tout le bon temps souhaité.
Les larmes de sa mère, ses embarras, son amertume… Claire serra les dents : pas elle, jamais ! Rien d’aussi sordide pour elle, se jura-t-elle, dans les craquements d’un levier de vitesses malmené.
Elle se retrouva aux portes de Marseille... elle était allée trop loin, devait rebrousser chemin, reprendre la direction d’Aubagne, rejoindre Auriol où sa famille attendait... Sa famille ! Elle frémit devant l’ironie de ce terme.
Pour l’appliquer à deux individus pour qui elle n’existait pas, qui la toléraient au lieu de l’aimer, aux yeux de qui elle ne remplacera jamais ce « Fils » dont ils avaient tant rêvé avant d’apprendre que la nature ne leur accorderait pas d’autre enfant. Un père et une mère qui, après lui avoir durement fait comprendre qu’ils n’accepteraient de sa part ni échec ni médiocrité, se déclaraient satisfaits de ses aptitude à l’étude, de son travail, de ses résultats, des diplômes qu’elle accumulait… et qu’ils pouvaient fièrement exhiber devant leurs amis et relations moins bien lotis qu’eux avec leur progéniture.
L’étalage de la confirmation irréfutable de leur propre réussite !
Qu’avait-elle reçu en contrepartie de ces années d’efforts ? Rien ! Jamais ! Pas un mot de félicitation ou d’encouragement. Pas la moindre liberté, pas l’ombre d’un droit ! Rien, hormis la possibilité de s’exprimer au travers d’un emploi au sein de l’entreprise familiale, avec pour seule rémunération le règlement des frais relatifs à sa couverture sociale… sans tenir compte, pour ne pas être monnayable, de la satisfaction toute personnelle de s’y découvrir bien plus que compétente !
Combien de fois avait-elle sauvé la mise à son père ? De combien de mauvais pas l’avait-elle tiré ? Du fait d’une ambition autant démesurée que maladroite... D’impulsions incontrôlables, aux conséquences désastreuses si elle n’avait trouvé, à chaque fois, la bonne parade.
Les choix de son père !
Jusqu'à Thomas !
Le seul parti digne, à l’en croire, d’entrer dans le cercle familial... En raison, sans doute, de l’aisance financière qu’il affichait et des deux entreprises lui appartenant. Un moyen pour son géniteur de consolider la sienne... ou de lui donner un nouvel essor. Une belle réussite !
Elle pressa plus fort la pédale sous son pied droit, roula plus vite. Comme pour fuir à jamais ces visages après les avoir abandonnés sur un bord de route… et s’en éloigner jusqu’à les y oublier.
Autant qu’elle voudrait se fermer à hier et ne plus penser qu’aux lendemains.
Demain… tous ces demains à naître ! Elle allait avoir du temps pour organiser son avenir. Quinze longues journées ! La durée prévue pour un voyage de noces et l’installation dans un nouvel appartement.
L’appartement ! Elle n’y pensait plus à celui-là... il lui restait sur les bras !
S’il était besoin d’une énième preuve de sa stupidité… les documents étant établis à son nom, elle devra en assumer les charges. Y vivre ? Pas question, pas après ce qu’elle y avait subi...
Hoquetant de dégoût, elle se réfugia derrière ses paupières crispées, closes sur ces images d’un passé terni… Pour ne plus les voir… ou… disparaître, sans que rien d’elle ne persiste, sans que nul n’en garde la moindre souvenance… ou pour se convaincre que tout cela n’était qu’un affreux cauchemar, qu’elle allait émerger d’un profond sommeil, remonter le temps, renaître avant la première blessure, effaçant ainsi de son corps toute souillure !
Un son strident déchira ses tympans, la ramenant brutalement à une réalité abhorrée et… Le feu ! Le feu était rouge ! Freiner ! Elle devait freiner ! Pied déjà à l’ouvrage, dans un geste réflexe, alors que, devant les roues hurlantes de son automobile, à quelques centimètres à peine du capot surbaissé par l’effort, une masse bleue déviait, s’écartait, l’évitant de justesse, ralentissait enfin, jusqu’à s’arrêter.
Claire, hagarde, fixait les portières du véhicule, pas même soulagée devant l’homme qui en jaillit, indemne, bien plus inquiète lorsqu’il en fit descendre deux enfants en pleurs.
Ils étaient si petits, si fragiles ! Et c’était elle, elle et sa folie qui étaient à la source de leur frayeur !
Tétanisée, l’esprit détaché d’un corps insensible aux mains inertes, à la bouche âpre d’une nausée à la saveur amère, la jeune femme détaillait de très loin, d’ailleurs, presque de l’inconscience, la scène d’un présent auquel elle n’appartenait plus. Où évoluaient ces êtres inconnus, qui n’étaient en rien responsables de l’effondrement de sa vie ! Des êtres qui avaient droit à leur destin.
À quelques dizaines de mètres, la silhouette sombre s’accroupit, tâtant les membres des enfants tout en les consolant tendrement avant de les aider à reprendre leur place à l’intérieur de l’habitacle... un ange maléfique, tout de noir vêtu, qui se dressa jusqu'à masquer l’horizon au regard opaque d’une statue de marbre froid, doigts figés sur un cercle de cuir.
Elle devait... bouger et s’extraire d’un siège, quitter la fausse sécurité d’un siège et… elle s’immobilisa ventre noué, et se plia sous la douleur.
Et la peur...
Devant un individu qui n’exprimait que fureur et violence... et si grand... si fort... Trop... bien trop pour qu’elle put espérer s’en défendre.
Elle devait… commander à ses membres, faire un pas... un seul... et s’en trouva libérée, et reprit le contrôle de son corps... encore un... et elle s'appliqua à ordonner ses pensées... Cela ne pouvait être grave... il ne le fallait pas... pour eux tout allait continuer... tout était encore possible...
Un bruit de moteur… des grincements de freins, de pneus dérapant sur les broussailles de l’accotement ? Claire soupira. François... François était là !
Qui se tenait déjà près d’elle, lui prenait la main, s’inquiétait... Lui, il allait lui dire ce qu’elle devait faire ! Il saura l’aider, la protéger... il allait...
- Claire, ça va ?
- Je crois que... j’ai failli les tuer...
- Tu vois bien qu’ils n’ont rien.
- Tu en es sûr ?
- Oui, ils ont eu plus de peur que de mal... Éloigne-toi...
- Où ? Où veux-tu que j’aille ? Regarde... Je ne peux pas fuir... c’est...
- Il ne s’est rien passé, il n’y a aucun blessé, et tu ne fuis rien, tu entends ! Je me charge de lui expliquer que tu n’es pas bien.
Pas bien ? Où était le bien ? Elle n’avait jamais fait de mal à personne...
Et cet homme ! Il était si près ! Bien assez pour planter dans ses yeux écarquillés de terreur, un regard glacé de colère.
Sans le réaliser, sans le vouloir, Claire fit un pas en arrière, puis un autre. Rester ? Elle ne le pouvait pas. Encore un qui allait la torturer, lui arracher jusqu’au dernier semblant de dignité... Lui aussi, après son père, après Thomas, il allait se servir de sa force contre elle. Bien davantage qu’elle ne pouvait en supporter...
Elle sursauta devant le bras tendu, se déroba sous la main prête à agripper son poignet.
- Pardon...
Un mot, péniblement articulé par ses lèvres au goût de parchemin, avant de se réfugier dans sa voiture, de reprendre la route, cordon d’asphalte brouillé par les larmes, laissant François affronter seul la rage de l’inconnu.
- Qui est-ce ? Demanda l’homme.
- Est-il vraiment indispensable de vous le dire ? Temporisa François. Laissez-la en paix, elle est…
- Quoi donc ? Folle ? Irresponsable ? Lâche ?
- Que savez-vous d’elle pour la juger méprisable et inconsciente ?
- Elle est partie, non ? Sans même s’inquiéter de la conséquence de ses actes !
- Non, ce n’est pas ça… murmura François.
    Comment ce type pourrait-il comprendre ?
- … je suis navré de ce qui est arrivé, reprit-il plus fermement.
- Vous n’y êtes pour rien.
- Oui, je l’ai incitée à partir, sans moi, elle serait là… Reconnaissez que, finalement, il n’y a rien ici de bien grave ! Pas même de la tôle froissée !
Rien en tout cas qui justifiait une telle hargne. Ce n’était, après tout, qu’une maladresse, un moment de distraction, de ceux qui arriveraient à n’importe qui… à lui, à eux… et heureusement sans conséquence dans le cas présent.
Tandis que, Claire, seule avec sa souffrance, son angoisse, sans quelqu’un pour la réconforter alors que sa vie entière avait basculé, qu’elle endurait le pire.
Mais, cet homme ! Que pourrait-il en savoir! Il ne l’avait jamais approchée, il ignorait quelle rare personnalité elle abritait ! Oui… Autrefois, il n’y avait pourtant pas si longtemps, quelques semaines à peine, elle était encore « sa petite Claire » gaie et volontaire, chaleureuse et sensible. Mais qui était désormais à bout de résistance, sur le point de se briser !
François s’agaçait, il perdait du temps alors que l’important était de la rejoindre, de la préserver.
- Excusez-moi, je dois y aller, je crains pour elle.
- Peut-être fallait-il vous en préoccuper avant de la blesser à ce point.
- J’aimerais être la cause de tout cela, rétorqua-t-il amèrement. J’aurais alors la possibilité de tout effacer. Je vais vous donner mes coordonnées...
- C’est inutile ! Ainsi que vous l’avez justement souligné, il n’y a ni dégât ni blessure. Mes neveux sont seuls et j’ai assez perdu de temps avec ça… quant à votre amie… Est-elle vraiment désespérée ?
- Davantage que vous ne le supposez.
- Alors, dépêchez-vous et rattrapez-la avant qu’elle ne provoque effectivement un accident. Elle n’est pas loin, je la vois d’ici. Je crois qu’elle vous attend ou du moins, pour le moment, elle s’est immobilisée là-bas… sur le bas-côté.
- Merci... je suis désolé... pour tout. Adieu.
L’homme s’écarta de la route, s’effaçant devant le véhicule qui s’élançait à la poursuite de cette femme.
Désespérée ? Que connaissait-elle d’un désespoir véritable ? Les deux enfants, qui l’attendaient à deux pas, en savaient à ce sujet bien plus que cette imprudente en robe blanche.
Blanche ? Sa sœur, sa toute petite. C’était impossible, un cauchemar... Blanche et Roger ! Disparus, tous deux, si jeunes. Réduits à des corps disloqués, par un autre fou, plus loin, sur cette même route, dans des conditions pratiquement similaires. Désormais, l’important c’était les gosses... il devait les rassurer, les éloigner, les emmener loin de tout cela... très loin, au calme, dans son coin perdu, hors d’atteinte de chauffards assassins.
Deux fois, en quelques jours, la même frayeur… c'était trop ! Il se hâta de les rejoindre… Bientôt, quelques heures seulement, et ils pourront revenir à la vie. À la joie.
Il jeta un coup d’œil en arrière, malgré lui, à cause... d’un regard qu’il n’avait pas su déchiffrer, d’un cri plus fort de n’avoir pu naître, ou qu’il n’avait pas voulu entendre, une prière à laquelle il était resté sourd.
Il observa les carrosseries sous les lueurs d’incendie du crépuscule, plissant les paupières pour mieux voir… les deux silhouettes, l’une soutenant l’autre. C’était mieux… et… Non... Celle en robe blanche, qui s’affaissait... que l’homme soulevait... emportait... Plus grave qu’il ne le croyait...
Et il s’en voulut. Trop pris pas la colère, il n’avait pas su traduire la douleur sur le visage de cette fille.
Ce n’était pas uniquement de la peine mais également une terreur réelle, profonde, qu’il avait sans doute accrue. Et autre chose aussi... qui déclencha en lui un étrange sentiment de malaise. La bizarre impression d’avoir assisté - et participé ? - à la disparition d’un quelque chose de précieux... une flamme vacillante, fragile, qui aurait expiré devant lui. Quel gâchis !
Et ces yeux… les évoquer seulement et il regrettait son emportement. Deux lacs d’eaux profondes, opaques d’une tristesse de ciel de tourmente...
Ces yeux... S’il pouvait revenir en arrière... prendre le temps d’écouter, de comprendre et de... de quoi donc ! Il s’égarait... pourquoi s’inquiétait-il !
Ça lui passera, les chagrins passent, cette jeune femme oubliera.
Elle, comme chacun...
Comme ces deux enfants qui déjà lui souriaient.
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7 novembre 2007 3 07 /11 /novembre /2007 19:29

 

Claire avait rendez-vous à dix-sept heures. Dans quelques minutes elle sera fixée sur sa prochaine destination. Une autre mission, si vite ! Elle avait espéré disposer d'un peu de temps devant elle.
Elle venait à peine de boucler le dossier sur la succursale de Nancy. Il lui aurait été agréable de reprendre souffle avant de filer vers ailleurs. Juste quelques jours, chez elle, dans une atmosphère douillette, loin de l’anonymat d’une chambre d’hôtel.
Chez elle... Deux mots trop ordinaires pour dépeindre l’importance qu’elle donnait à un banal appartement perché tout en haut d’un escalier vieillot. Un « chez-elle » niché sous les toits d’un immeuble planté au bord de la place du tertre, en plein cœur de Montmartre, à deux pas du Sacré-Cœur ! Davantage qu’un chez-soi : son véritable refuge...
Combien d’heures avant qu’un train ou un avion, ne l’en éloigne ?
Elle aura vingt-cinq ans dans deux jours et elle était presque décidée à célébrer l’achèvement d’un quart de siècle en compagnie d’une coupe de champagne. Une seulement ? Pourquoi pas deux… ou trois ! Pour honorer l’aboutissement concret d’une seconde naissance, l’évolution d’une nouvelle existence depuis... depuis... Il y avait longtemps !
Si longtemps ? Pas vraiment... quoique le temps était une notion des plus abstraites, semblant passer très ou trop vite pour certains, et s’éterniser pour tant d’autres ! Peut-être selon l’intensité des émotions qui parsèment sa course ou de la monotonie de son écoulement...
À ce propos elle avait oublié combien la circulation pouvait être dense ! Pourquoi avait-elle pris un taxi ? En métro, elle serait déjà rendue.
Mais elle avait si peu le loisir de profiter de Paris ! Ils longeaient déjà la Seine, ils approchaient de la Conciergerie, elle apercevait Notre Dame et la Tour Saint-Jacques ; ils n'étaient plus très loin de l’Île Saint-Louis.
 Peut-être aura-t-elle le temps d’une halte au marché aux fleurs ? Et d’un petit détour sur la rive gauche ! Celui aussi de chiner un peu dans les éventaires des bouquinistes ? Mais uniquement après son entrevue !
Pourquoi si tôt ? Et un message aussi laconique, qui, pas du tout dans le style de ceux auxquels l’avait habituée Lucien Clériac, ressemblait à une convocation ! Et si… Stop : ne plus y penser, elle était sotte de se torturer l'esprit pour des détails sans importance.
Paris ! Une ville inconnue, où se noyer et disparaître. Le lieu idéal pour y déambuler invisible. Le plus bel endroit également pour renaître.
Quatre ans déjà qu’elle s’y était fixée et elle n’en avait presque rien vu. Elle l’avait seulement effleurée des yeux, à peine caressée, trop occupée à se bâtir une nouvelle existence.
Un nouvel emploi, de nouvelles relations mais peu de vrais amis. Une autre vie, austère et solitaire, dans laquelle elle s’était installée, où elle avait appris la sécheresse, l’indifférence et le cynisme, à ne pas avoir pitié des uns, à ne rien accorder à d’autres, à surtout ne rien attendre de personne.
Ils étaient à hauteur du Pont d’Arcole ! Obéissant à une impulsion Claire tapota l'épaule du conducteur du taxi.
- Arrêtez-vous ! Je descends ici...
- Mais nous y sommes presque !
- Je sais, justement ! J’ai envie de marcher un peu... Tenez, dit-elle, lui tendant quelques billets… Merci et bonne soirée !
La température était très douce pour un mois d’avril et ce fut avec un réel plaisir qu'elle suivit l’arche qui enjambe la Seine, qu'elle s'y posa quelques secondes. Mais elle était en retard. En passant par le Pont de Bois, elle arrivera plus vite !
Elle se hasarda sur la chaussée, se faufila entre les véhicules arrêtés par un feu rouge et faillit heurter une carrosserie au noir fuselage luisant.
Séduite par la ligne parfaite et racée de ce corps de panthère métallique, elle ne put s'empêcher de la flatter de la main, d’en suivre les courbes douces du bout des doigts pour une caresse légère avant de s’en détourner.
Hâtant le pas, elle jeta un dernier coup d’œil sur l’Île de la Cité et l’enfilade de passerelles la reliant à la rive droite. Paris et ses ponts ! Elle ne s’en lassait pas.
Les ponts… elle avait coupé ceux derrière elle. Elle n'avait jamais tenté de contacter ses parents, toujours à Auriol, depuis leur séparation et ne ressentait aucun besoin de renouer avec eux. Ils l’avaient traitée telle une coupable, lui refusant tout soutien, le moindre geste de tendresse. Elle n’oubliera jamais la colère de son père, évoquant les ricanements de ses employés, ni l’affolement de sa mère devant les frais engagés qu’ils s'étaient retrouvés devoir assumer seuls. Ce dont ils l’avaient rendue responsable, lui déniant la plus petite qualité, la moindre capacité à séduire un homme, à s’en faire aimer. Il lui semblait avoir encore quelquefois dans les oreilles, les cris et les accusations crues de celui à qui elle devait la vie, avec toute sa vulgarité et la même virulence… "Incapable de retenir un homme… Pas même bonne à mettre dans un lit !".
Elle était partie, sans un mot d’adieu, le lendemain même de cette affreuse journée, n'emportant qu'un bagage des plus restreints, ne voulant rien qui aurait pu lui rappeler plus tard cette période.
Et sa voiture ! "Sa" parce qu'elle l'avait bel et bien volée, et sans aucun scrupule ! Que ce véhicule serait encore propriété de l'entreprise paternelle si elle n'avait pas elle-même rempli et transmis à la préfecture un acte de cession à son profit, juste avant son départ vers l'inconnu.
Un voyage financé par le remboursement de billets d’avion pour Rome, désormais inutiles.
Elle y était ! Deux étages encore et puis... elle verra bien !
De toutes façons, elle n’avait rien à redouter de Lucien Clériac, l’une des deux personnes à qui elle devait d’être ce qu’elle était devenue.
La route n’avait pas été sans embûche, et même très difficile. Trop jeune, trop fragile d’apparence, il lui avait fallu se montrer plus dure et tenace que certains, elle avait appris à se battre, à défendre sa place parmi eux, à s’y imposer. De longs mois d’application avec une persévérance telle qu’elle avait fini par retenir l’attention de celui qui se tenait sur l’échelon le plus élevé, et ce fut lui qui l’avait incitée à aller plus loin, à toujours apprendre, qui l’avait modelée, formée, jusqu’à enfin lui offrir la chance de faire ses preuves
Presque à l’heure ! Et Marjorie, toujours fidèle au poste, courait vers elle, bras tendus et mains offertes.
- Claire ! Grâce au ciel, tu es là ! Comment vas-tu ?
- Je vais très bien, merci... et puis-je savoir ce qui se passe ?
- Je craignais que tu ne trouves pas mon message...
- C’est si grave que cela ?
- Grave ? Non, pas du tout, mais tu sais combien il peut être impatient parfois ! Et puis, il t’expliquera lui-même... Tu peux y aller, je le préviens que tu arrives... Dépêche-toi...
Claire emprunta un court vestibule aux parois de bois vernissé jusqu'à une porte qui s'ouvrit avant qu'elle ait eu le temps d'y taper.
- Mon petit... entrez, venez vite... je vous attendais.
- Bonjour Monsieur, je suis ravie de vous retrouver.
- Et moi donc ! Asseyez-vous et racontez-moi... Alors, cette dernière tâche ?
- Terminée... Vous avez bien reçu mon rapport ?
- Évidemment ! Précis et complet, parfait, ainsi que vous m’y avez habitué...
- Y a-t-il des problèmes que j’aurais omis de résoudre ?
- Non, pas du tout... Mais… du fait que vous ne parlez jamais des difficultés que vous rencontrez, je crains que, parfois, certains ne se montrent agressifs à votre égard et...
- Je suis capable de faire front.
Quelque chose n'allait pas. Il n’y avait rien eu de particulier dans cette mission sur Nancy. Qui consistait en une simple réorganisation du temps de travail et une redistribution des responsabilités au niveau de la direction. De l’agressivité à son encontre ? Elle s'y frottait effectivement, mais au début, à cause de l’inquiétude que suscitait sa présence et le motif de son enquête. Généralement, toute tension disparaissait bien avant la fin de ses interventions.
- Je ne fais rien sans concertation, et vous me connaissez assez pour...
- Oui, oui... Je sais cela ! Mais c’est si désagréable à assumer... et je m’inquiète pour vous... si jeune...
- Moins aujourd'hui qu’il y a deux ans et vous me faisiez confiance à cette époque !
- Et avec raison, vous ne m’avez jamais déçu.
- Alors, je ne comprends pas… pourquoi ce souci soudain ?
- À cause de… de votre nouvelle destination.
- Laquelle ?
- La Bretagne.
- Et cette région présenterait un embarras particulier ?
- Peut-être... Dites-moi, que penseriez-vous d’y séjourner en touriste, d’y prendre quelques jours de vacances ?
Elle n’avait rien sollicité de tel, n’en ressentait d’ailleurs aucune nécessité. Il y avait autre chose...
- Voyez-vous, Claire, en mettant à jour les fiches du personnel, Marjorie a constaté que cela fait déjà seize mois, bientôt dix-sept, que vous n’avez pris aucun repos véritable...
- Je ne vois pas en quoi...
- Elle m’a grondé, m’accusant d’en être responsable pour me conduire envers vous tel un tyran sans pitié !
- Mais…
- Voulez-vous me donner des remords ? Et si vous tombiez malade ?
- Moi ? Monsieur Clériac, mettons cartes sur table, où voulez-vous en venir ?
- Eh bien... à vous voir vous distraire un peu !
- Et rien de plus ?
- Seulement cela ! Je vous l’assure ! Mais, au bout de cette… heu… récréation, bien méritée, il y aura une affaire, très délicate, à traiter sur Brest.
- De quelle sorte cette fois-ci ?
- Vous le saurez quand le moment sera venu, et pas avant !
Point sur lequel Monsieur Clériac n’avait aucune intention de négocier. Pire encore, il était prêt à lui retirer jusqu’au dernier des dossiers en cours et même, - pourquoi pas ? – isoler sa ligne téléphonique ! Et ce, jusqu’à ce qu’elle accepte ces deux semaines de détente.
- Je pourrais partir plus tard ! Insista la jeune femme. Pourquoi maintenant ? Ai-je commis une erreur ?
- Claire, allons ! Il ne s’agit ici que de vous accorder un peu d’évasion. S’empressa de la rassurer le vieil homme, affirmant qu'elle ne devait voir aucun blâme dans sa proposition.
De plus, pour bien lui permettre de mesurer au plus juste l'importance que cette mission avait pour lui, il l'informa qu'il était prêt à lui confier "sa perle" : - Pour cette occasion, je vous prêterai Marjorie. Et puis dites-vous que c’est une manière comme une autre de vous remettre à neuf.
- Pour mieux me battre sur le terrain ?
- Petite obstinée ! Si vous préférez voir les choses sous cet angle-là, oui, à peu près.
- À partir de quand dois-je m’estimer dégagée de toute obligation ?  
- Nous sommes vendredi, je suis sûr que, dès cette porte franchie, vous serez ravie de vous considérer en villégiature.
- Direction Brest, immédiatement ?
- Si vous le souhaitez, pourquoi pas ! La Bretagne est un réel enchantement pour celui qui sait regarder et je sais de quoi je parle : j’y suis né ! Si ces quinze jours ne suffisaient pas, nous pourrions même envisager une troisième semaine. Alors ?
- Et je n'ai pas le choix ?
Monsieur Clériac secoua la tête.
- Non, lâcha-t-il avec un clin d’œil, ajoutant très vite qu’il ne voulait surtout pas la contraindre s’il devait ainsi risquer de la perdre… jamais ! Mais qu’il serait vraiment comblé de la voir prendre un peu de repos. De vrai repos !
Il avait beaucoup d’estime pour elle... bien plus : de l’affection. Elle lui rappelait tellement sa petite-fille ! Cette dernière avait à peu près son âge actuel lorsque la fatalité la lui avait enlevée. Ce prochain dimanche, ce sera leur anniversaire ! À toutes les deux ! Il y avait aussi, entre elles, une sorte de ressemblance qui faisait que… que… qu’il serait profondément heureux de pouvoir lui offrir, en découverte, une région qu’une autre, très chère à son cœur, avait particulièrement aimée.
Et puis, pour faire taire ses stupides scrupules, ainsi qu’il l’avait suggéré plus tôt, elle n’avait qu’à y voir un moyen de mieux aborder les problèmes qui l’attendaient. Il était vrai qu'elle les résoudrait bien mieux si elle connaissait l’âme de ce merveilleux pays.
- Si vous le dites, concéda finalement la jeune femme ! Bon, eh bien... c’est d’accord, et uniquement pour vous faire plaisir. Dans cinq minutes, je serai officiellement en vacances mais pas plus de quinze jours.
- Nous verrons... Nous verrons ! À bientôt, petite et profitez bien !  Marjorie vous attend.
- Merci Monsieur Clériac, je… je penserai à vous là-bas.
- Pas autant que moi... certainement pas autant !
Pensive, Claire quitta le bureau, se heurtant presque à Marjorie qui la guettait, pratiquement collée à la porte, une grosse enveloppe à la main.
- Tu as dit oui ?
- Tu n'as pas tout entendu ?
- Allez ! Alors ?
- Que pouvais-je faire d’autre ?
- C’est parfait ! Tiens, voilà les clés de sa maison, celle de son enfance. C’est le berceau de la famille Clériac et peu de personnes y ont accès. J’oubliais !… Ta nouvelle voiture t’attend. Le garage a appelé, tout est en ordre, et tu peux passer la récupérer dès ce soir…
- Ça tombe bien !
- Si tu veux, je peux les prévenir pendant que tu t’y rends !
- Oui, merci… Regarde : Il a pris la peine de m’établir l’itinéraire idéal avec les lieux qui méritent de s’y arrêter. Il est… incroyable ! Il m’a parlé de sa petite-fille aussi… il dit que je lui ressemble !
Disparue dans un accident, lui apprit la fidèle secrétaire, quelques mois avant l’arrivée de Claire dans la société. Par une étrange coïncidence, elles étaient nées le même jour, mais à quatre années d’écart. Quant à leur ressemblance elle se situait plutôt dans une manière d'aborder les événements que dans leur physique. Bien que, de l’avis de Clériac, Claire affichait davantage de froideur… de sécheresse… se tenait trop à distance de tous.
- Pour lui, tu as dû souffrir pas mal pour te comporter ainsi... suggéra timidement Marjorie.
- Comme n’importe qui, répliqua Claire, sur la défensive. Je ne suis pas plus dure que certains et bien plus juste que d’autres !
- Je sais, et il l’a bien vu, lui aussi. Et c’est pour cela qu’il s’est autant attaché à toi.
Claire ne devait pas omettre, continua la jeune femme, que, au-delà de sa position, Clériac n’était plus qu’un vieil homme, trop solitaire. Un seul fils, œuvrant à l’autre bout du monde, pratiquement plus de famille proche, et cette dernière l’évitait comme la peste !
Pourtant, il ne méritait pas une telle mise à l’écart. C'était un homme d’une grande bonté, aussi bien en dehors qu'au travers de ses activités, n’agissant qu’avec un réel respect des personnes concernées.
En fait, il représentait une autre époque.
- Je n’ai pas le droit de t’en raconter davantage, je t’en ai d’ailleurs déjà beaucoup trop dit, conclut Marjorie. C’est sa vie privée ! Je souhaite seulement que tu apprécies ce qu’il t’offre en ce moment.
- C’est ce que je fais. Eh bien, il est l’heure ! Pour quinze jours, me voilà hors fonction.
- Et alors ? Comment te sens-tu ?
- La même. Que croyais-tu ?
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7 novembre 2007 3 07 /11 /novembre /2007 19:28

 

Ce fut avec soulagement que Claire retrouva son nid sous les toits.
Il était très tard et elle n’avait pas même achevé de défaire ses valises.
Mais il sera bien assez tôt pour cela demain ! Une seule priorité dans l'immédiat : récupérer Moustache.
Quant à prendre la route... elle verra bien !
Confortablement installée dans un fauteuil, véritable maîtresse des lieux, Dame Mâtine, un magnifique persan bleu, l’ignorait et le fera encore durant de longues heures. Pour la punir de l’avoir abandonnée entre des murs trop silencieux, sous la surveillance de Rose, leur voisine de palier, charmante personne, et, comme la plupart des locataires de l’immeuble, retraitée de son état.
Chez qui Moustache avait pris ses aises. Chien maladroit, balourd, tout fou, étrange croisement entre un griffon et un caniche, si elle s’en tenait aux affirmations du vétérinaire qui l’avait soigné après qu’elle l’eût ramassé, pratiquement mort de faim et de froid, à demi noyé dans un caniveau.
Trois ans déjà que ces deux compagnons lui rendaient les retours plus agréables, plus sereins. Grâce à eux, elle vivait entourée d’amour et de caresses sincères.
- Que vais-je faire de vous deux pendant la durée de ce séjour ? demanda-t-elle à Mâtine tout en lui gratouillant le crâne. Et si... ?
Elle entendait Moustache qui se déchaînait à côté. La sentant proche, il l'appelait, gémissant et aboyant à fendre l'âme. Il était temps de s’en préoccuper, de satisfaire à son impatience, et surtout de ramener le calme et le silence à un étage d'ordinaire paisible.
Et pour cela, il suffisait de sonner à la porte de l’appartement contigu au sien.
Toute menue, retenant avec difficulté une masse de poils couleur chocolat, Rose levait vers sa jeune amie un visage au teint transparent sous un nuage de poudre impalpable, offrant à baiser des joues fripées d'une infinité de sourires.
Pareille à la peau d’une pomme d’été, pensa Claire... de celles oubliées sur les étagères de la resserre, dans la maison des Hautes-Alpes, chez François. François ? Qu’était-il devenu ? Ces années de complicité, leur enfance… toujours ensemble, pour courir, escalader, faire des bêtises… surtout chiper ces fruits étranges ! Elle adorait en respirer l’odeur.
Autant que le subtil et délicat bouquet de jasmin qui émanait de ce petit bout de femme qui l’invitait à pénétrer chez elle.
- Doucement Moustache, tout doux. Assis ! Ordonna Claire. Alors, Rose, tout s’est bien passé ?
- Mais bien sûr ! Allons, viens... installe-toi. Cet idiot de cabot m’a servi de protecteur durant toute ton absence. Tellement que je n’ai pu faire aucune conquête à cause de lui.
- Eh bien, vous allez vous rattraper maintenant. Je vous ai ramené vos chocolats préférés, tenez. Mais souvenez-vous, pas plus d’un par jour.
- Un à la fois, promis ! Pour ton chat, tes absences lui pèsent !   
- Je le vois bien ! Mademoiselle boude ! Et voilà que… Rose, je vais devoir repartir, demain ou lundi. Je n’ai pas décidé encore.
- Sois tranquille, tu peux compter sur moi, sur nous tous.
- Non, pas cette fois-ci. Je pars...
- Pour toujours ?
    Claire embrasserait sa voisine pour cette tristesse spontanée dans la voix, seulement de supposer qu’elle pouvait les quitter. Elle se hâta de lui rendre le sourire en lui parlant de possibles vacances en Bretagne, de cette région que Rose lui racontait sans même la connaître. Mais il y avait Moustache et Mâtine ! Elle les savait sages et dociles mais il en était autrement pour le propriétaire des lieux.
Elle devait lui demander la permission de les emmener ! S’il ne donnait pas son accord pour cela, il n'était pas question de les imposer à qui que ce fut alors que, elle, se distrairait ailleurs.
- Où ?
- Où ? Eh bien…
Il était temps d’ouvrir l’enveloppe, d’en apprendre un peu plus...
- Mais il s’agit d’une île, s’exclama-t-elle, ravie, tout en déchiffrant les premiers mots écrits ! L’Île d’Ouessant... C’est magnifique ! Monsieur Clériac est tellement gentil avec moi...
- Ton patron ? Fais attention. Et dans quel but ?
    Rose qui s’affolait d’une éventuelle intrigue sentimentale ? Voilà qui était nouveau. Surtout que, son employeur, étant à peu près de son âge et doté d’un bel esprit, ne pouvait que lui plaire.
- Ah ? Oui... Bon... éluda Rose. Alors, si c’est dans ces conditions ! Tu pars seule ?
    Claire ouvrit la bouche, et demeura quelques secondes comme absente.
- Je ne sais pas trop. Dit-elle, enfin. Je viens de penser à quelque chose et… et… En fait, c’est comme pour mes deux fauves, je dois en discuter auparavant avec Monsieur Clériac ! J’y vais et je vous tiendrai au courant ! Il faut que je vous laisse, Rose ! S’écria-t-elle en se levant très vite tout en embrassant son amie. Je vous adore ! À tout à l’heure !
Claire se précipita chez elle, Moustache sur ses talons, visiblement excité par son évidente exubérance. Un appel à donner, un seul ! Pour donner une pleine réalité à une idée complètement folle, et elle composa fébrilement un numéro, espérant de toutes ses forces qu’il ne fut pas trop tard pour joindre Monsieur Clériac !
Non ! Il était encore au bureau, s'inquiétant déjà seulement de l’entendre, redoutant surtout qu’elle n’ait changé d’avis alors qu'elle s'embrouillait en lui parlant de son chien, de son chat, précisant qu’ils s’appelaient Moustache et Mâtine, lui jurant qu'ils étaient d'une propreté et d'une docilité exemplaires - deux amours ! - obéissants au possible, autant que pouvaient l’être un cabochard et une pimbêche infatuée de sa personne. Et Rose aussi !
- Rose ? Un autre animal à poils ? Ou bien à plumes celui-ci ? Interrogea son lointain interlocuteur.
- Monsieur Clériac ! Si elle vous entendait ! Rose est une ravissante et adorable demoiselle, qui est née et a vécu tous ses soixante-huit ans entre les murs de son appartement. Alors j'ai pensé que… si vous n'y voyez pas d’inconvénient...
- Les emmener tous les trois avec vous ? Aucun problème !
- Bien vrai ? C’est merveilleux !
Elle éclata de rire, soulagée, et heureuse au point qu'elle l'aurait embrassé si elle l’avait pu !
Cela n'avait plus rien à voir avec un banal séjour : elle allait pouvoir offrir à Rose son premier voyage !
Si tout allait bien ? Entendit-elle son employeur questionner. À la perfection ! Répondit-elle.
Au point de la trouver différente ? Disait-il ?
À qui la faute ? L’accusa-t-elle.
N'était-ce pas grâce à lui qu’elle était en vacances.
Et puis, il y avait les clés, la maison, mais aussi toute cette attention affectueuse dont il l’entourait depuis qu’ils se connaissaient et pour cela…
- Je ne sais comment vous remercier, murmura Claire, la gorge nouée d’émotion.
- Comment ? Hum… Hum… toussota Monsieur Clériac… Là, ce sera facile ! Il vous suffit d’oublier tout ce qui concerne Paris, de vous rendre sur mon île au plus tôt, de vous y amuser, d’y rester le temps qu’il faudra pour... pour faire… eh bien… Hum… Hum… heu… pour faire sa connaissance ! Et surtout apprendre à l’aimer… Oui, à l’aimer de tout votre cœur !
- Mais… Monsieur Clériac ! Je…
- Allons, allons ! Heu… Voilà qui est réglé ! À bientôt, Claire !
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7 novembre 2007 3 07 /11 /novembre /2007 19:27

 

Jamais Claire n’avait envisagé qu'il lui serait si difficile de persuader Rose de la suivre.
Elle s'évertuait depuis une longue et patiente demi heure à démontrer que, du fait d'une tâche - très importante ! - à remplir au bout de leur séjour, chacun, à Ouessant, devait - absolument ! - ignorer pour qui elle travaillait.
Si elle se faisait connaître en tant qu’employée Clériac, toutes les portes se fermeront devant elle et dans le métier qu’elle exerçait, la surprise était un atout majeur.
Grâce à Rose les choses seront plus faciles : Rien de plus simple, pour brouiller les pistes, qu’imaginer une vieille amie de Monsieur Clériac, à qui ce dernier aurait ouvert sa maison ! Et elle, Claire, se voyait très bien tenir le rôle de « demoiselle de compagnie ». L’idée n’était-elle pas amusante ? Surtout à leur époque !
Qui s'y tromperait ? Et pourquoi pas ! Et puis, Rose avait beau jeu de prendre un air offusqué en évoquant de possibles ragots. Elle n’était qu’une cachottière : à qui pourrait-elle faire croire qu’une telle situation n’avait rien pour la séduire ?
- Tu me connais donc si bien ?
- Rose, puis-je vous poser une question ? Très indiscrète, je vous préviens.
- Comme toute question… Je t’écoute.
- Pourquoi ne vous êtes-vous jamais mariée ? Vous êtes toujours ravissante aujourd’hui, et tout au long de votre vie, vous avez dû affoler l’esprit de pas mal d’hommes !
- J’ai tout simplement perdu celui qui m’était destiné et je n’ai jamais rencontré quelqu’un capable de me le faire oublier. Sans plus.
- Il vous a quittée, vous aussi... s’exclama Claire. Pardon ! Je ne voulais pas... se reprit-elle, confuse.
Mais Rose souriait… Loïc ! La quitter volontairement, lui ! Non... il n’avait rien fallu de moins qu’une guerre pour le lui enlever ! Un de ces fléaux barbares que sait si bien engendrer l’humanité, une tourmente aveugle, très loin, hors de France...
Ils s'étaient rencontrés trop tard ! Trop pour rompre un engagement signé comme ça, sur un coup de tête. Et il était si jeune ! Bien trop pour avoir l’expérience des batailles… ou avoir appris la méfiance.
- Alors… Il est… il est… murmura la jeune femme.
- Oui, ma chérie, il est tombé à la première balle qui a croisé sa route.
- Et vous lui avez été fidèle depuis ! C’est… beau !
    Rose secoua la tête. Fidèle à un souvenir ? Sans doute, d’une certaine manière, par le cœur, par l’esprit. Pour le reste... C’était bien suffisant, non ? D’ailleurs, Loïc n’aurait jamais accepté qu’elle refuse la vie, et elle ne lui avait rien enlevé, bien au contraire.
- Vois-tu, il me semble que les… les autres… n’ont fait que me le rendre plus important pour ne pas parvenir à... Hé ! En voilà assez ! Je vais finir par dire des bêtises à force de te raconter tout cela... s’interrompit la vieille dame, rougissante.
- Ainsi, aucun n’est parvenu à vous le faire oublier ? Insista sa jeune amie.
Rose se laissa aller contre le dossier du fauteuil. Le regard humide de ses yeux délavés par les années se promena un instant sur les murs de la pièce. Des murs entièrement recouverts de photos miroirs d’un fantôme omniprésent, de feuilles de papier froissé et jauni porteuses de phrases mille fois lues et relues parce que écrites par une main adorée, de cartes postales témoins de villes aux immeubles hier détruits et désormais reconstruits mais aux mêmes pavés foulés d’un pas familier, de fleurs séchées humbles reliefs de modestes offrandes reçues comme présents royaux et religieusement conservées, de tickets de cinéma déclinant des titres de film les ayant fait rire ou pleurer à l’unisson, de programmes de spectacle paraphés de glorieuses signatures et dédicacés à deux noms ainsi à jamais liés, d’un châle qu’il disait aimer lui voir porter, vestige de dentelle effilochée qu’elle n’osait même plus dépoussiérer tant la trame en était fragile, comme verre filé.
Sa vie entière s’étalait, là, autour d’elle, épinglée à même une tapisserie fanée. Rien d’enfoui dans un obscur et secret tiroir, tout et toujours immédiatement accessible.
- Oublier ? Oublier quoi ? Murmura-t-elle. Peut-on s’oublier soi-même ? J’aime Loïc autant, sinon plus, aujourd’hui qu’hier. J’ai connu le meilleur du bonheur avec lui, tu sais. Alors… après... Si j’avais vécu le pire, s’il m’avait blessée, j’aurais pu espérer, poursuivre une quête, mais ainsi... Il est vrai que, en effet, d’une certaine manière, je suis restée prisonnière de mon passé. Même si volontairement. Alors que toi… Toi, Claire, tu as la vie devant toi. Assura-t-elle tranquillement.
- Moi ? Peut-être. Je m’en veux, vous voilà chagrine !
- Pas du tout ! Ma vie a été belle jusqu’ici !
- Tant mieux ! Bon… alors, pour Ouessant ? C’est oui, Rose ? Vous acceptez de me suivre, les yeux fermés, et vous vous hâtez de préparer vos valises !
- Hé bien, soit ! Mais les yeux fermés... c’est vite dit. Je n’ai aucune envie de me priver d’admirer tous ces beaux endroits. C’est d’accord, mais à une condition : ne pas prendre l’autoroute !
- L’autoroute ?
- Tu y rouleras bien trop vite !
- Et vous enlever ainsi plein de jolies choses à contempler ? Pas question !
Elles étaient en vacances ! Précisa Claire, ce qui signifiait tout loisir de flâner. Et puis... que dirait Rose de prendre la direction de Dieppe et de rejoindre l’île d’Ouessant en suivant la côte, en passant par Etretat, et... ses falaises ?
- Les falaises ? Pour moi ?
Et le Mont-Saint-Michel... et tout ce qu’elle voudra... Dès demain, samedi. Pas question d’attendre jusqu'à lundi, ce qui leur donnera deux jours entiers pour en découvrir davantage.
Et Claire qui se laissait aller à rire pour un rien, seulement d’entendre Rose énumérer l’indispensable à leur déplacement, imaginant le coffre de son véhicule se faire extensible, se dilater à volonté, devenir montgolfière.
Ce repos, finalement, elle devait reconnaître qu’il lui était nécessaire.
Ne serait-ce que pour lui rendre le goût d’une certaine insouciance.
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