12 juin 2006
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Le C.P. 1 (pourquoi « 1 » ? Vous comprendrez plus tard)... et c'est toujours l'année de mes six ans !
Colère ! Colère ! Quand tu nous tiens !
Mademoiselle Cadou aussi est souvent en colère après moi !
« Brunéline, vas-tu, oui ou non, prendre ton porte-plume ! »
Une Brunéline toute droite, tout défi, mains croisées devant elle ! Six ans et déjà entêtée !
Et le doigt tendu de Mademoiselle Cadou m’indiquant… le coin ! Le coin encore… chaque jour ! Il me souvient y être allée quelquefois avant que d’y être envoyée…
Pour me refuser à exécuter pleins et déliés, à tracer des lignes d’insipides bâtons, à composer des colliers de cercles parfaits.
Pour refuser de répéter des b, a, ba ! assommants ! Pour me taire alors que toute la classe récite en chœur sur un ton monocorde : un, deux, trois, nous irons au bois…
Pour ne pas chantonner sur un rythme lénifiant chiffres et nombres et nombres et chiffres…
Papa, maman, convoqués, mois après mois. Et les remontrances à la maison !
«Mais pourquoi ne veux-tu pas écrire, et compter, et réciter ? »
Pourquoi ? Pourquoi ! Mais… mais… Mais parce que toutes ces choses-là, je sais déjà les faire ! Et que je suis encore tout imprégnée de mon 1er prix d’excellence décroché quelques mois auparavant !
Comment cette infâme maîtresse ose-t-elle me demander de régresser ainsi ? Suggérez donc à un super habile chirurgien de revenir aux points de suture ! Peut-être y consentira-t-il une fois, juste pour voir… mais jamais recommencer sa carrière à ses débuts !
Je suis au C.P. pour apprendre davantage, pour aller plus loin, pour… oh… ces colères qui me prennent, ces vagues de haine qui me submergent, ces poussées de révolte rageuse qui me font trembler !
Toutes ces longues, longues heures « au coin »…
Dois-je préciser ici que Mademoiselle Cadou s’est tellement attachée à ma petite personne qu’elle a décidé me garder une année de plus ?
Oui, j’ai redoublé le C.P.
Qui serait surpris d’apprendre que, tout du long de cette seconde année, c’est avec le plus grand zèle que je me suis appliquée à exécuter des pleins et déliés, des bâtonnets, à réciter des b, a, ba !, des nombres et des chiffres…
Le prix de ma liberté… il fallait bien cela pour que Mademoiselle Cadou acceptât de se séparer de moi et me laissât enfin passer en C.E. 1.
Où je retrouvais ma sœur cadette ! Parce que mes parents, pas tout à fait sots, eurent cette fois l’idée de demander une dérogation pour que, elle, sautât le C.P.
Pas la meilleure place finalement que celle d’aînée…
Mais il m’a bien fallu deux années, ces deux années-là, pour apprendre que, face à une obtuse indifférence, il valait mieux quelquefois céder un tantinet… pour préserver l’essentiel !
Au fait… j’oubliais : je n’ai jamais, jamais… mais jamais ! aimé Mademoiselle Cadou !