Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
  • Contact

Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

Recherche

Archives

3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 13:05
Je vous ai raconté comment maman nourrit les bébés canaris.

Ben, elle fait exactement la même chose avec tout ce qui, adulte, porte plumes !

Et ça, tous les voisins (si ce n’est TOUT le quartier) le savent. Ce qui fait que, dès que quelqu’un trouve un oisillon tombé du nid, il le mène directement chez nous et le remet aux bons soins de maman. Qui se transforme aussitôt en « mère porteuse ».

C’est à la chaleur de son corps qu’elle entretient l’étincelle de vie de ces fragiles déplumés, et avec une attention sans faille qu’elle les gave !

Jusqu’à ce qu’ils montrent assez de vitalité pour qu’elle estime le temps venu de les éloigner de son sein protecteur, pour les déposer dans un nid bien douillet, préparé à leur intention dans une cage qui leur est spécialement réservée.

Ho, ça ne marche pas à chaque fois et c’est, pour toute la maisonnée, un vrai crève-cœur lorsqu’elle ne réussit pas à en sauver un.

Et dans ces cas-là, la voilà qui creuse une petite fosse bien profonde dans l’un des pots de fleurs de la cour, qu’elle y dépose la petite carcasse inerte, puis la recouvre soigneusement et tasse bien la terre ! Quand elle n’en profite pas pour y glisser, suivant la plante déjà en place, une graine ou deux !

Parce qu’il n’est pas question de balancer aux ordures ce petit être innocent pour lequel elle a lutté ! Bien moins encore concevoir qu’il pût finir au menu d’un rat ! Ha non, alors !

Depuis que je suis en âge de me souvenir, nous avons eu le devoir, chaque année, de partager maman avec des « frères » volatiles. De passage, fort heureusement !

Car, sitôt adultes ou pour le moins assez grands pour se dépatouiller par eux-mêmes, la porte de la cage était ouverte et le restait.

Peu à peu nos miraculés se hasardaient à voleter dans la cour ! Dans cet espace semi-protégé, ils rencontraient leurs semblables, apprenaient à trouver leur pitance, et s’émancipaient progressivement de la sécurité de leur petite cage, osant aller plus haut qu’un toit, plus loin qu’un immeuble, qu’une rue... jusqu’à, finalement, prendre leur envol vers l’infini du ciel, bien loin de notre univers de terriens.

Oui, c’est ainsi que cela se passait toujours... excepté une fois !

Un moineau plus sot ou plus futé que ses prédécesseurs.

Qui n’est jamais parti !

Il faisait de longues promenades, très haut, très loin dans l’azur, mais il revenait toujours vers le confort de son refuge domestique.

Et pourtant, maman a tout tenté pour le rendre à sa liberté naturelle, jusqu’à enlever la fameuse cage, le privant en même temps d’un asile trop accueillant.

Ce qui n’a pas perturbé pour autant notre obstiné qui se posait et dormait, boule soyeuse, sur l’une ou l’autre des volières pendues aux murs de la façade.

Effronté au point de se glisser à l’intérieur de la maison à la moindre occasion pour s’y exercer à mille voltiges pépiantes

Finalement il est resté !

Nous l’avons adopté et baptisé P’titou (ben oui... ) et il a ainsi vécu dans une famille à deux pattes (comme lui !)

S’il passait la plus grande partie de la journée à l’extérieur, migrant d’un coup d’aile d’une plante à une autre, il était désormais naturel de le voir, à l’heure du petit déjeuner, sautiller sur le formica jaune de la table de la cuisine, entre bols et cuillères, en quête des miettes de nos tartines.

Ou bien venir picorer, toutes ailes battantes, un minuscule éclat de jaune d’œuf durci sur un bout de doigt tendu ou sur un coin de lèvre (la spécialité de maman).

Il fallait le voir grimper hardiment aux mailles des rideaux jusqu’à faire l’équilibriste sur les minces tringles d’acier.

Rien d’extraordinaire là-dedans, me direz-vous ! J’en conviens ! Mais... vous en avez vu beaucoup des moineaux en liberté dans une maison, vous ?

Chaque nuit le trouvait, tête enfouie sous une aile, sagement endormi sur l’une des cages couvertes de nos canaris.

Il n’y avait pas que des avantages dans cette cohabitation, il me faut bien le reconnaître !

Etions-nous, ma sœur et moi, assises à la table de la salle à manger, nos cahiers bien ouverts sur la toile cirée, et nous appliquées à nos devoirs du soir, que ce turbulent zigoto s’empressait de venir se poser sur un bras, trottiner sur une épaule, ou s’agripper à une chevelure.

Nous avions beau lui souffler dans les plumes (au sens propre des termes) rien n’y faisait. Une pirouette et il revenait à la charge, osant même à l’occasion parapher à sa manière et d’une encre « douteuse » une laborieuse page d’écriture !

Et comme, personnellement, cette page, il n’était pas question que je la recommence, ces pâtés malvenus m’ont valu quelques réflexions acides de Madame Béranger, mon institutrice du CE2.

J’aurais pu lui expliquer le pourquoi du comment mais... non... Un moineau comme compagnon de jeux... ce n’était vraiment pas le genre de personne apte à comprendre et moins encore admettre une chose pareille !

Et les chats vous exclamez-vous soudain ! Parce que si vous avez tout bien lu jusqu’ici, vous n’avez pas oublié que notre toit abrite également un, deux ou trois spécimens de la gent féline.

Hé bien, rassurez-vous, nos chats font bon ménage avec P’titou... Nous trouvions d’ailleurs très amusant de les voir dormir les uns à quelques pas de l’autre !

Le contraire eut mieux valu sans doute !

Car ainsi, notre petit ami aurait appris à s’en méfier, ou alors en aurait trouvé les lieux de beaucoup moins hospitaliers ce qui l’aurait poussé à s’en éloigner...

Parce que un soir...

Oui... un soir... P’titou voletait dans la cuisine ! Il y a eu le ronronnement de la moto de papa, annonçant son retour... Papa a ouvert la porte mais, par cet accès soudain offert, quelque chose l’a devancé, une masse de poils qui s’est propulsée à l’intérieur de la pièce... vive comme l’éclair et... les feulements de nos gentils matous domestiques devant cette intrusion sauvage... et nos hurlements !

Un affolement total aiguilloné par une angoisse sans nom ! Nos piétinements, nos gestes malhabiles et impuissants à arrêter une violence aveugle et meurtrière... et P’titou a filé vers un placard ouvert, s’y est engouffré poursuivi par une gueule béante...

Je revois la main de papa, encore enfermée dans l’épais gant de moto de cuir noir, se saisir de la porte du placard, la rabattre avec une force terrible sur le corps ramassé du prédateur... j’entends toujours mon cri :

- « Tue-le ! Tue-le ! Tue-le ! »

Combien je me souviens encore de cette rage hystérique qui s’était emparée de moi, celle qui nait du désespoir !

Et puis papa a relâché le battant de bois, il s’est penché sur le corps inerte du chat et il a délicatement dégagé la douce et chaude carcasse de notre P’titou d’entre les machoires ensanglantées... un P’titou qui ne volerait plus jamais...

Nous avons tous pleuré ! Un vrai et profond chagrin...

Et, en moi, une colère infinie contre cette injustice atroce !

Mais alors que je vidais mon cœur, que je me réjouissais de la mort de l’auteur de cet acte barbare, que, entre deux sanglots, je remerciais papa de l’avoir si justement puni, il a hoché tristement la tête en me disant qu’il n’avait jamais eu l’intention de faire ça !

Le retenir, le coincer... à la limite l’assommer... oui... mais pas le tuer !

Devant mon début d’indignation il a souligné que ce qui s’était passé là était absolument normal. Que les chats coursent logiquement les oiseaux, et qu’il ne fallait pas voir en cela un signe de cruauté !

Que, la nature étant ainsi faite, tous les animaux sont à un moment donné, chacun la proie d’un autre.

Que, à la limite, pour avoir domestiqué un oiseau au point d’éteindre en lui tout instinct de prudence, nous étions, nous, davantage coupables que ce pauvre matou qui n’avait fait qu’obéir au sien propre... de chasseur !

Il a avoué ses regrets pour, poussé par une angoisse égale à la nôtre, ne pas avoir su mieux se contrôler.

Que le chat ne méritait pas plus la mort pour avoir voulu gober notre P’titou que le boucher qui abat, pour nourrir ses clients, un bœuf tendrement élevé par une fermière.

Et à mon « Papa ! Mais c’est P’titou que ce monstre a tué, ce n’est pas n’importe quel oiseau ! »

- Justement, Brunéline... pour lui, ce n’était qu’un oiseau comme un autre !

C’est ce jour-là que j’ai pris conscience que tous, autant que nous sommes, nous ne comptons pas, nous ne sommes rien.

Et que si nous devenons un jour importants, précieux, essentiels pour quelques-uns, c’est par l’amour que nous leur portons et par celui que nous recevons d’eux.

Peu de temps après ce drame, papa maman m’ont offert le Petit Prince...

Je l’ai toujours... un des trois ou quatre livres, avec le Chat Botté, qui m’ont suivie partout.

Je le lis encore souvent. Et... je ne sais pourquoi... sa lecture m’apporte à chaque fois une émotion différente.

Suivant que j’ai le cœur lourd ou léger.
Partager cet article
Repost0

commentaires