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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 15:14



           J'sais que je suis vivant, je le sais ! Quand mes yeux se posent sur le miroir fendu et terni pendu juste face à mon lit, j’les vois… ils sont là : deux éclats de vie .
            Oui, je suis sûr qu’ils existent puisque je les vois ! Et j’les  regarde, mes éclats de vie. Ils m’observent, eux aussi, et ils bougent, ils me poursuivent sur la glace piquetée. J’voudrais jamais les perdre mais ils me quittent quand même, retenus à l’opaque du cadre déglingué ! Ce miroir, il est pareil à la mare boueuse qui s’étale au beau milieu du jardin potager. Mes « éclats de vie », ils sont pareils aux points lumineux qui dansent quelquefois sur les reflets graisseux de cette eau sale. Qui glissent de zébrure verte en zébrure bleue, se perdent dans un trou noir, s’en échappent, courent, ricochent et se font happer par l’ombre vorace qui hante les touffes d’herbes jaunes des bords.
         Alors, je regarde fixement, bien devant moi. Et je les retiens, mes « éclats de vie », tellement, qu’ils n’arrivent pas à se dégager pour aller se balader ailleurs. Et puis c’n’est pas la peine, ailleurs, y a rien à voir ; et de toute façon, même si y’avait quelque chose, ils sont pas assez brillants pour éclairer la nuit.
        J'aime pas la nuit… Parce que même en ouvrant les yeux très grands, le plus que je peux, si fort que, des fois, je crois qu’ils se déchirent presque aux coins, j’y vois rien.
        La nuit, elle se colle sur tout, elle s’installe autour de moi, et elle est tellement là que je sais plus où commence le chemin pour m’enfuir.
        La nuit, elle me fait peur ! Elle vient lentement, en silence, surtout en silence, et c’est ça qui m’énerve. Mais moi, je dis à la nuit qu’elle m’aura pas, même si j’suis pas grand, même si j’ai pas beaucoup de forces.
            Le jour, lui, il s’annonce. Y a plein de bruits qui se réveillent avec la lumière.
            Tiens, dans le couloir : d’abord c’est les pantoufles de Cutie qui se traînent ! Et elles claquent, et elles soupirent à cause des pieds énormes qui font craquer leur tissu dégueulasse ; ensuite il y a le bruit de l’eau. Trois fois qu’elle la tire, Cutie, la chasse d’eau ! Comme ça elle est sûre d’embêter tout le dortoir. Mais elle se goure, moi, je suis content quand je l’entends, parce que je sais que c’est le matin et que j’ai encore gagné !
            Et après c’est le grand portail qui s’ouvre. J’sais pas pourquoi, ni pour qui, mais il s’ouvre et il grince ! Comme si ça le dérangeait qu’on le bouscule. Il est presque arraché du mur, sur un côté, et il pend drôlement ! Sûr qu’un jour, il va se péter ! Faudrait y mettre la Cutie dessous : une belle crêpe que ça ferait ! Toute plate, avec de gros orteils qui dépasseraient de dessous la tôle tordue.
            J’aime pas Cutie, elle arrête pas de nous gueuler dessus ! Et un jour... Un jour... Quand je serai grand, plus grand qu’elle, je lui mettrai mon poing en plein milieu de la grosse vague qui ondule sur son ventre. Pareil qu’elle a fait à Olivier. Et elle pleurera ! Ça oui, elle pleurera, comme lui, et encore plus que lui.
            Je déteste Cutie comme j’aime pas la nuit ; elles se ressemblent toutes les deux, toutes noires, et je peux jamais les éviter, je peux pas les empêcher d’approcher.
            Et y a le vieux Timothée ; il tousse tout le temps en poussant le chariot des poubelles. Paraît qu’il finira pas l’année, mais il le dit depuis que je suis arrivé, alors...
            Je veux partir d’ici ; ils disent que c’est pas possible, qu’y a personne pour moi dehors. Je sais que c’est pas vrai, ils sont tous des menteurs. Je crois que c’est eux qui veulent pas que je parte, ils veulent pas que je sorte. Mais je suis plus fort qu’eux, moi, je m’en irai un jour... Il faudra bien que je m’en aille. C’est eux qui vont crever ici, pas moi ! Eux, ils sont obligés de rester là.
            Et Cutie, et Timothée, et le Dirlo tout con avec ses cigares puants, et cette sorcière de cuisinière ! Les grands, ils disent qu’elle garde tous les bons morceaux pour elle. Elle peut les bouffer tant qu’elle veut, moi, j’ai pas faim, j’ai plus jamais faim. Mais quand je sortirai d’ici...
            Quand je sortirai d’ici, j’aurai des gâteaux tous les jours, avec des lacs de crème, et des montagnes de glace, et des rivières de sirop, des sirops à tous les parfums... À la menthe verte, à la groseille rouge, et à l’anis bleu... Et celui qu’a un goût d’amande, et qui est blanc comme du lait ; maman en achetait rien que pour moi. C’était maman et je ne sais même plus comment il s’appelle... Mais y a si longtemps que je suis là ! Y a tout qui s’embrouille dans ma tête.
            Encore un peu ! Il faut que je tienne encore un peu. Si je ferme les yeux, la nuit va s’installer à ma place, et je vais tomber dans le trou noir qu’elle creuse partout où elle se pose, et je vais plus savoir comment revenir.
            Les grands, ils s’en vont. Le soir, ils sont là, ils ont l’air un peu triste, même qu’on croit qu’on les dérange quand on leur parle, et le matin, ils y sont plus. Mais ils disent pas où ils s’en vont. Y doivent pas avoir le temps... Ou y savent pas... Ou on leur dit pas...
            C’est parce qu’ils sont grands ; les petits - les plus petits que moi - ils partent pas sans qu’on le sache, et ils sont contents, et ils s’en vont pas tout seuls : des gens viennent pour eux. Je le sais parce que je les ai vu arriver et comment ils partaient…
            Oui... Y a des gens qui viennent, et le Dirlo les emmène dans son bureau... Et puis Cutie elle va en chercher un, un des plus petits, et il s’en va avec eux...
            Olivier il croit que c’est comme ça que les vieux ils font pour être papa et maman, et qu’il a tout compris : les grands, ils doivent partir parce qu’ils sont presque comme les vieux qui viennent ; et il dit qu’il faut pas qu’on grandisse trop vite, sinon on va se faire repérer et ce sera notre tour.
            Il sait pas ! J’ai bien essayé de lui expliquer qu’un bébé ça arrive dans le ventre d’une maman, et qu’il commence à grandir tout près de son cœur, et que c’est pour ça qu’une maman ça aime tellement. Mais il a dit que je suis fou et que je raconte des histoires parce que je me rappelle plus quand mon papa et ma maman sont venus me choisir... Avant... Avant quand j’étais plus petit.
            Si maman était là, elle saurait lui montrer, elle lui ferait sentir comment une petite sœur ça bouge fort... J’ai vu, j’ai touché, moi !
            Et combien elle riait avec papa... Papa et maman... Avant qu’ils s’endorment dans la voiture cassée... Je veux pas dormir... Pas avec la nuit...
            Et je veux pas que des inconnus m’emmènent n’importe où ! Et je vais grandir, et qu’ils le voient ou pas : je m’en fous !
            Quand je serai prêt, quand je serai assez fort, je filerai sans qu’ils s’en rendent compte !
            Pourront toujours courir pour me rattraper ! Je m’entraîne tous les jours et c’est moi le plus fort !
            Ils pourront pas m’avoir... Pas moi !

 

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