Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
  • Contact

Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

Recherche

Archives

3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 19:22
Chapitre 21
 
 
Il n’avait suffi que de cinq semaines pour que des rires d’enfant et des bruits de galopade résonnent entre les murs de la maison.
Agenouillé à même les lattes de bois sombre, Roland rassemblait de son mieux les traces de la dernière maladresse de sa nièce. Il n’en revenait pas : cette gosse était insatiable, sans aucun moment de répit. À croire qu’elle avait l’intention de rattraper une vie entière d’espiègleries et de taquineries avant la rentrée des classes. Et de bêtises ! Comment Cathy pouvait-elle ne pas céder devant ces yeux-là ? Lui, il en était incapable.
Il ne restait qu’à réparer les dégâts. Après tout, il ne s’agissait que d’un peu de verre brisé, rien de bien méchant. Il était vrai qu’il devrait la raisonner, lui interdire de se jeter ainsi sur lui.
La gronder ? Non, il ne le pouvait pas. Une statuette contre l’élan qu’elle avait eu pour l’embrasser, l’entendre dire combien elle languissait après lui ? Si c’était le prix à payer pour la joie qu’elle venait de lui donner, elle pouvait les casser toutes, il était prêt à les remplacer à chaque fois.
Denise n’était rien de moins qu’une enfant merveilleuse qui ne demandait qu’à s’éveiller au monde.
Et qui devait beaucoup à Catherine.
C’était grâce à elle, à sa patience et à son ingéniosité, que la fillette était sortie de sa coquille. Doucement, sans la brusquer une seconde.
Et il y avait eu, surtout, ce fameux jour, aux fouilles de Thonac.
Catherine l’avait prié de les y conduire, avait insisté pour qu’il demeure près d’elles, l’avait convaincu de gratter le sol. Comme il l’avait aimée pour cela, pour ce cadeau qu’elle lui avait fait !
Ce jour-là… Les yeux de Denise, bouche ouverte sans pouvoir proférer un son, sa course vers lui… Lui ! Et pas un autre ! La petite main qui s’était agrippée à la sienne, le tirant après elle, le guidant vers une forme étrange à peine affleurante sous le sable grisâtre.
Depuis ce bonheur qu’elle avait choisi de partager avec lui, elle ne le lâchait pas d’une semelle et ne quittait plus un étrange bracelet, une médiocre imitation dont il était certain de deviner la provenance.
Une enfant adorable mais fragile... Il saura bien la protéger de tout. Surtout maintenant.
Clotilde n’était plus revenue, ne s’était plus montrée. Il avait découvert sa tanière mais évitait de l’approcher, par crainte de la ramener entièrement dans leur univers et de bouleverser ainsi une sérénité si nouvelle pour eux. Il avait pris les précautions utiles pour maintenir Denise hors de sa portée, et évitait soigneusement de l’évoquer devant la fillette… Il avait exigé que Cathy soit secondée par Jeanne, et prié Gaétan de l’y aider. Il le faisait parfois, lui-même, dès qu’il pouvait se libérer, mais pas autant qu’il le souhaitait.
Demain, Vincent sera de retour. Après plus d’un mois en compagnie de Jérôme, à se promener à travers l’Europe, comment allait-il leur revenir ? Dans quel état d’esprit ?
Contre toute attente, la vie s’était faîte douce, sans nouvelle secousse, sinon, en lui, un souci latent de rester sur ses gardes, pour préserver chacun de cette ombre qui rodait autour d’eux attendant sans doute l’instant propice pour frapper.
Où était Catherine ? D’habitude, à cette heure-ci...
Clotilde ! Clotilde, pouvait-elle être une menace pour elle ? Il chassa cette idée, combattant l’angoisse qu’elle faisait naître en lui.
Mais aussi ! Elle n’avait rien dit sur sa destination, elle était en retard et... Où était-elle allée ? Il n’en pouvait plus de l’attendre... et de souffrir de son absence.
Denise était avec Lucie, Jeanne certainement entre les bras de ce veinard de Gaétan, et son Grand-père... son grand-père… il n’arrivera jamais à lui faire entendre raison !
À l’extérieur, le jour baissait, il dut allumer la lampe sur son bureau, et, même ainsi, n’arriva pas à se concentrer sur les papiers étalés devant lui.
Ce vide, ce silence, il y était mal à l’aise. Elle n’était jamais partie seule aussi longtemps. Et puis... en cet instant précis, ils devraient se promener, tous les deux, au hasard, dédaignant les chemins, comme elle aimait le faire, comme tous les samedis... Son bonheur à lui... ces moments-là, seulement ceux-là...
Depuis ce jour… ce merveilleux jour où elle l’avait entraîné hors du sentier de gravier blanc et que, le voyant hésiter devant la pelouse impeccable, elle s’était gentiment moqué de son conformisme tout en lui affirmant que c’était là-bas, sous les arbres, au plus secret de leur ombre, que tout se passait… Quel tout ? Et lorsqu’il avait souligné combien il était difficile et délicat d’entretenir un tel tapis vert, elle lui avait juré que l’herbe ne garderait aucune trace de leur passage, qu’elle n’en dirait rien à Alfred, et que, elle, préférerait mille fois un vulgaire chiendent sur lequel elle pouvait courir au plus précieux des gazons !
Elle lui avait montré l’endroit idéal pour installer une balançoire pour Denise, d’autres où il serait judicieux de placer des abris pour les oiseaux, plaidant leur cause avec force arguments auxquels il n’avait su répondre qu’en lui rappelant qu’ils étaient encore, et seulement, au cœur de l’été.
Comment avait-il pu oublier que le temps s’enfuyait très vite, que l’hiver viendra bien assez tôt, et qu’il fallait donner à tous ces pauvres petits volatiles le temps de prendre des habitudes ! Évidemment !
Mais surtout, il ne s’était pas attendu au reste… il ne s’était jamais douté de rien… Dès les premiers fourrés, à chaque fois que nécessaire pour briser leur aspect trop apprêté, presque figé qu’il leur avait toujours connu, partout, elles avaient bêché, creusé, semé, rendant toute liberté à la nature, lui apportant l’essentiel mais la laissant l’utiliser à son gré. Seulement des prémices, rien n’y était parfaitement abouti, des promesses pour demain, dans quelques mois, le temps que la vie s’y installe, y prenne ses aises.
Il ne s’interrogeait plus désormais sur le pourquoi Cathy semblait si lasse parfois le soir, pourquoi Denise sombrait dans le sommeil aussitôt le drap remonté sous le menton. Curieusement, Alfred s’était déclaré ravi, satisfait au-delà du possible, jurant même, à qui voulait l’entendre, qu’il n’existait pas de meilleurs assistants. Le naïf ! Elle en faisait ce qu’elle voulait, oui ! Quant à lui, il savait à qui surtout il devait le bosquet devant son bureau.
Il y eut, ensuite, « l’autre idée ». Seigneur ! La plus... la plus épuisante ! À quelques mètres de la pièce d’eau, en plein cœur du parc, la construction d’une maison de poupée, mais à la taille de Denise. D’accord, elle était plutôt petite pour son âge, mais quand même !
Catherine, aussi entêtée qu’extravagante, l’avait supplié de lui apporter son aide… « … nous irions plus vite. Et il faut qu’elle soit assez solide pour résister au temps ! ».
Prière à laquelle, sans l’ombre d’une hésitation, il avait cédé… Pour le regretter très vite !
Il avait sué sang et eau, se meurtrissant les mains, pestant contre le monde entier, se maudissant pour cet instant de faiblesse, râlant comme un putois devant les exigences d’une adorable sorcière qui, non satisfaite d’avoir obtenu gain de cause, s’était montrée tatillonne pour certains détails.
Et lui, pourtant si peu distrait par nature, s’était surpris à commettre plusieurs fois les mêmes erreurs. Pour le seul plaisir de l’avoir près de lui, qu’elle lui montre ce qu’elle en attendait, le guidant, doigts mêlés aux siens.
Oui… lui, notable juriste sensé et responsable, en avait même oublié des dossiers, les déléguant à d’autres, désertant les bureaux de Périgueux trois jours entiers. Il avait perdu toute raison !
Insensé ? Sans doute ! Mais, au fond, il devait bien se l’avouer, heureux, merveilleusement heureux ! Comme jamais auparavant.
Ce qui ne l’empêcha pas, à peine le chef-d’œuvre achevé, de jeter jusqu’au dernier pinceau, se jurant qu’elle ne l’y reprendrait plus.
Rien que d’y penser, il en avait mal aux articulations.
Le pire était que pas encore remis de ces derniers efforts, voilà qu’elle proposait de… Non, là, elle ne l’aura pas !
Mais s’étant malgré tout, laissé séduire par sa dernière idée, il s’était efforcé de trouver comment la réaliser.
Avant la fin de la semaine, Catherine pourra emmener Denise sur une plate-forme conforme en tout point aux plans qu’elle avait conçus, mais construite et installée par des professionnels, satisfaisant ainsi à toute exigence de sécurité.
Pour sa part, pas question qu’il y risque le bout d’un doigt ! Il n’était pas fou au point de s’aventurer à escalader un arbre gigantesque alors qu’il évitait le moindre escabeau comme la peste. Si elle venait à découvrir qu’il était sujet au vertige, elle trouverait le moyen d’ironiser à ses dépens.
Se moquer de lui ? Elle ? Non, elle en serait incapable… mais lui… lui voudrait n’avoir aucune faiblesse à avouer devant elle.
Roland se redressa, bien décidé à se concentrer sur les documents étalés devant lui, modifia l’orientation de la lampe, tripota un stylo, rassembla quelques trombones éparpillés, les déposa dans une coupelle de cristal, consulta l’éphéméride ouvert devant lui à la date du seize… Le seize ! Déjà le seize ! Il restait si peu de temps ! Dans une quinzaine de jours, les gosses quitteront la maison et Catherine suivra, repartira à Saint-Malo. Il ne voulait pas y penser, pas encore. D’ici là... Mais où était-elle ?
Ce n’était pas normal, il était très tard... L’heure du repas approchait, et... Avec cette voiture… sa vieille 2CV… sur la route ! Elle devait être en panne quelque part ! Il se leva, d’un bond, n’en pouvant plus de rester assis, là, à attendre, alors que quelque part… mais où ? Où la chercher ? Il n’en avait aucune idée et... le téléphone ! Il sursauta à la sonnerie du téléphone, se précipita… C’était elle qui appelait... il en était sûr... elle avait un problème !
- Roland ? C’est Cathy... pour toi... lui annonça Lucie.
- Enfin ! S’exclama-t-il, incapable de dissimuler son inquiétude. Je le savais, Lucie... poursuivit-il, sans même réaliser que cette dernière ne l’entendait plus… elle a des ennuis... Va savoir où elle s’est perdue... Cathy, Allô ! Catherine, où êtes-vous ?
- Bonsoir Roland, lui articula à l’oreille une voix calme et lointaine. Je vais très bien, je n’ai aucun tracas et je suis là, pas perdue pour deux sous !
- Où ?
- Mais avec Ted et les autres ! Ils partent demain et ils sont en train de se démener pour organiser un semblant de fête.
- Une…
- J’appelle pour vous dire que tous comptent sur vous.
- Moi ?
- Et Denise surtout !
- Den…
- Roland ! C’est à deux minutes, cela ne durera pas très tard, c’est de l’improvisation, quelque chose de très simple.
- Je...
- J’ai promis à Ted. Pour la petite ! Ils veulent tous l’embrasser !
- Ce…
- Gaétan et Jeanne vont passer vous prendre, nous avons tout organisé !
- Mais…
- Vous n’allez pas refuser de les accompagner !
- Cath…
- S’il vous plaît ! Vous ferez plaisir à tout le monde. Vous n’allez pas dire non !
- Oui !
- Oui ? Oui, vous venez ou oui pour...
- Oui.
- C’est vrai ?
- Impossible de placer plus d’un mot à la fois dans cette conversation et il m’a fallu jouer serré pour glisser celui-là ! Il faudra vous en contenter.
-...
- Vous êtes fâchée ? S’alarma-t-il devant le soudain silence à l’autre bout de la ligne.
- Non... non… pas du tout ! Mais vous m’avez fait peur ! Oh ! Ils m’appellent ! Merci de venir, je... je vous attends... murmura-t-elle en raccrochant.
«Je vous attends… »... Des mots qui le rassurèrent.
Et elle avait craint un refus de sa part ! Elle était aussi aveugle que ces statuettes qu’elle ramenait de la nuit des temps à la lumière du soleil.
Mais pour le moins, il savait qu’il ne lui était rien arrivé.
 
Partager cet article
Repost0

commentaires