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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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3 novembre 2007 6 03 /11 /novembre /2007 15:03

 

        


            - Alors ? Qu’en penses-tu ?
            Fixé à la base du cou par un cercle d’argent, un triangle de délicate dentelle. À peine assez large pour épouser les courbes douces du buste élancé sous les épaules entièrement découvertes, soulignant la finesse de la taille et l’étroitesse des hanches, dénudant le dos jusqu’au creux des reins... Un morceau de ciel d’un bleu translucide, de ce bleu d’avant que la première étoile ne s’éveille, un éclat de ciel d’encore jour ourlant un crépuscule de cascades jaillissantes de soie chatoyante, s’étalant jusques aux pieds en des drapés d’indigo mordoré qu’irisaient les lueurs mouvantes des flammes vives qui dansaient dans l’âtre.
- Un peu osé, pour mon goût, mais certainement ce que tu as fait de mieux jusqu’ici. Et avec cette robe, je pense que ta collection est enfin au point.
- Non, marraine... Pas ce modèle... Lui, il n’est que pour moi !
- Je comprends maintenant pourquoi tu n’as pas mieux réussi que ça ! Si tu gardes les plus belles pièces pour ton usage personnel, tu n’arriveras jamais à rien.
- Je gagne bien assez d’argent pour couvrir mes besoins. C’est fou ! J’en rêvais depuis des mois ! Regarde...
- Avec un corsage un peu plus étoffé... Et en blanc, elle serait idéale pour... Pour un mariage !
            Il y avait longtemps que la conversation ne dérivait plus vers ce sujet !
            Charlotte en avait l’habitude, il lui suffisait de faire la sourde oreille, de ne relever aucune allusion. Elle allait finir par se supposer coupable du pire en n’aimant plus Jacques !
            Qu’y faire ? C’était ainsi et elle n’y pouvait rien changer. En revanche, elle devrait trouver le courage d’en parler ouvertement avec lui. De ne pas le laisser entretenir plus longtemps la certitude qu’elle lui était définitivement acquise.
            Elle pensait que leur séparation allait l’y aider mais il n’en était rien. Au contraire, ses lettres étaient aussi tendres qu’aux premières heures de leur relation, et ses appels de plus en plus pressants. Bien davantage même qu’avant son départ ! Mais il était si seul à Mâcon, c’était sans doute à cause de ça, de trop de solitude.
            Il suffisait d’attendre un peu, le temps qu’il rencontre du monde, qu’il lie de nouvelles amitiés, et puis... Et puis, elle verra bien !
- Et à quelle occasion comptes-tu la porter ?
- Comment ?
- Je t’imagine très bien assister dans une telle tenue à la fête annuelle de l’hospice, ou encore à notre veillée des anciens ! Allons, sois raisonnable et suis mon conseil : ajoute-la aux autres et avec un peu de chance...
- Marraine, les deux châtaigniers du clos, ceux qui ne produisent plus rien... Pourquoi veux-tu les conserver ?
            Elle pouvait froncer les sourcils, se renfrogner tout son soûl ! Que croyait-elle ? Que sa « grande » histoire d’amour était ignorée de tous ? C’était au cœur de l’ombre de ces arbres que, à vingt ans, elle retrouvait son soupirant, là que leur tendre aventure s’était ébauchée, là qu’elle avait grandi, et là qu’elle s’était achevée.
            Comment et pourquoi ? Personne ne l’avait jamais su, mais chacun était certain que c’était cela qui avait fait qu’elle ne se fut jamais mariée.
- Comme ça ! Ils sont très beaux... Et ils ne dérangent personne... Et puis... J’en ai le droit, non ?
- Et moi j’ai celui de posséder... « comme ça »... Un quelque chose qui peut te paraître complètement inutile !
- Écervelée !
- Tyran !
- Gamine capricieuse !
- Radoteuse !
- Mauvais caractère !
- Tout ton portrait ! Le fruit de ton éducation... De quoi te plains-tu ?
            Une autre de leurs gentilles querelles, celles par lesquelles elles semblaient mesurer ou éprouver leur complicité.
            Charlotte était heureuse de retrouver la Marraine d’autrefois, de il y avait peu, de juste avant un stupide accident dont, apparemment, il ne restait plus rien. Sinon une lassitude un peu inquiétante pour être inhabituelle chez une personne aussi énergique.
            Un dernier coup d’œil, juste pour le plaisir.
            Sa plus belle réussite ? Du moins jusqu'à la prochaine. Depuis qu’elle était revenue dans sa maison du bord de la rivière, l’inspiration ne manquait pas, elle avait même du mal à la canaliser.
            Ces couleurs... Des couleurs à foison... Des teintes éphémères qu’un rien suffisait à modifier... Seulement le cours du temps... La lumière du jour différente de minute en minute, de seconde en seconde… Comme si chacune portait en elle sa propre coloration et pouvait l’imprimer à une nature qui ne serait plus que toile vierge, docile et complaisante. Une palette infinie d’harmonies subtiles et parfaites… intensifiées par une ondée, éclaircies au caprice d’un soleil éclatant, ou diluées par les vapeurs évanescentes des brumes matinales...
            Parfois elle avait l’impression d’être engagée dans une course contre le ciel ; d’un regard à un autre, ce n’était déjà plus la même nuance.
            Mais il était tard... Très tard, et il serait raisonnable qu’elle s’active à mettre un peu d’ordre autour d’elle, à ranger bacs et poudres, aiguilles et bobines de fils, et ôter un rêve qu’elle avait fait réalité avant que de le tacher ou de l’abîmer...
- Charlotte... Viens vite ! Il y a quelqu’un sur la route...
            Et alors ? Les gens étaient libres de circuler comme bon leur semblait ! Elle, pour le moment, elle devait défaire une agrafe à peine fixée, se concentrer pour agir avec délicatesse et...
- Il est entré dans le jardin !
            Voilà ce qu’elle avait oublié ! Donner un tour de clé à la serrure du portail ! Marraine avait raison : elle n’était qu’une écervelée !
- Il avance...
            Il devenait essentiel de juguler une crise de nerfs naissante chez Marraine, et ensuite… allumer la lampe du porche pour faire comprendre à l’inconnu qu’il était découvert en espérant que cela suffira pour qu’il déguerpisse !
- Il... Il arrive ! Qu’allons-nous faire ?
- Rien de particulier.
- Rien ? Et si…
- Si quoi ?
- S’il forçait la porte ?
- Allons bon ! Pourquoi le ferait-il ?
- Pourquoi ne le ferait-il pas ?
- Bon, eh bien… pendant que je le surveille, va me chercher le fusil de grand-père.
- Mais… il est hors d’usage !
- Tu le sais... Je le sais... Mais pas lui ! Allez... Dépêche-toi !
            Charlotte se posta derrière la fenêtre, souleva légèrement la fine dentelle du rideau et risqua un regard dans l'allée. Elle fronça les sourcils devant la silhouette penchée qui louvoyait de gauche à droite. Pourquoi cet individu n’approchait-il pas de front ? Il paraissait contourner volontairement le halo de lumière... À moins que ce ne fut pour se protéger de la pluie en longeant le mur du garage... Et... Elle le vit faire un bond pour éviter la flaque d’eau qui s’était formée au bas des marches... Qu’il escalada deux à deux !
- Ça y est ! Je suis prête !
            Charlotte eut bien du mal à retenir un sourire au spectacle que lui offrait sa marraine, fièrement campée sur ses jambes et tenant fermement entre ses mains une archaïque pétoire bien trop poussiéreuse pour paraître menaçante...
- Astique un peu le canon au moins pour que cet engin semble entretenu ! Tu n’effraierais pas même un enfant avec ça !       
            Deux coups à la porte... Et elle ne sut plus que faire...
            Encore un et une voix qui se glissa jusqu'à elles...
- Il y a quelqu’un ?
            À son avis ? Pourquoi une maison brillerait-elle de toutes ses ampoules si elle était déserte ? Et elle n’avait pas à s’affoler : que risquaient-elles ? Les serrures étaient solides et...
- Ouvrez ! J’ai besoin d’aide...
            De l’aide ? À cette heure de la nuit ? Un coup d’œil vers Marraine, visage décomposé, escopette tendue et tremblante au rythme de son angoisse...
        Elle tressaillit à de nouveaux tapotements contre les carreaux, et hésita, main posée sur la clé... Jusqu’à, sans vraiment le vouloir, finalement la tourner, actionner la poignée et entrebâiller la porte, s’aventurant même à montrer le bout du nez...
- Vous ?
            Elle eut à peine le temps d’exprimer son étonnement qu’une explosion, derrière elle, la fit sursauter, et elle ne put retenir un véritable hurlement lorsque deux bras la saisirent et la projetèrent sur le côté...
- Vous n’avez rien ?
- Je... Je ne crois pas... Que s’est-il passé ?
- Je n’en sais rien... Il y a eu un éclair... Un bruit et... Et de la fumée...
- Marraine ! Où est Marraine ?
Écroulée sur une chaise, cheveux et doigts noircis, Marraine contemplait d’un regard hagard le fusil posé sur ses genoux... Ou du moins ce qu’il en restait.
- Je suis là... Je suis désolée... Je ne l’ai pas fait exprès...
            Et ce fut l’inconnu qui arriva le premier auprès d’elle, s’assurant qu’elle ne souffrait d’aucune blessure tout en la débarrassant des reliefs de sa mésaventure.
- Ça ira, elle va bien... Simplement un peu choquée... Ça passera très vite.
            De quoi se mêlait-il ? N’en avait-il pas assez fait déjà ? Sans lui, rien de tout cela ne serait arrivé... Mais elle aussi, quelle sotte ! Comment lui était venu cette idée stupide d’exhiber une arme dangereuse !
- Marraine... Comment est-ce possible ! Tu m’as toujours assuré que ce fusil était déchargé !
- Il l’était ! J’ai vérifié... La chambre était vide... Je ne sais pas comment c’est arrivé... J’ai dû appuyer sur la gâchette par mégarde, et... C’est la poudre... J’ai dû actionner la pierre... Et... Comment pouvais-je supposer que...
- Ce n’est rien... C’est fini... Et vous, ne restez pas planté ainsi... Aidez-moi à l’allonger...
- Je n’ai plus le temps... J’ai un gosse malade qui attend et je ne peux le laisser seul trop longtemps....
- Un gosse malade… le médecin le plus proche est à… .
- Non, non… je suis médecin, ce dont je manque c’est de médicaments. Écoutez... Il faut que j’y aille, il est mal en point et... En fait, je dois trouver une pharmacie ouverte et j’espérais que quelqu’un pourrait veiller sur lui durant mon absence... Ce n’est pas loin... Juste la maison à côté...
- À côté ? Vous ! Alors c’est vous qui... Nous verrons ça une autre fois ! Donnez-moi le temps de coucher Marraine, de me changer et je vous rejoins. Oh, j’y pense ! Avant d’aller plus loin, voyez à l’Hospice, en haut du village, ils auront certainement de quoi vous dépanner.
- L’hospice ?
- Oui, on y assure des soins médicaux. Cela va d’un rhume à... Et mince ! Je n’arrive pas à défaire l’agrafe de la ceinture.
- Tournez-vous... Voilà qui est fait. Au bout du village ?
- Une grande bâtisse toute repeinte de neuf, il est impossible de la rater. Je peux les avertir ou bien... Vous pouvez leur parler et voir directement avec eux s’ils disposent de ce qui vous est nécessaire.
- En effet, et pendant ce temps...
- Je me dépêche !
- Je suis désolé, vous vous prépariez à sortir et...
- Non, pas du tout... Ce n’était qu’un simple essayage.
- Vraiment ? C’est une très jolie robe et qui vous va à ravir.
- Merci ! Tenez, voici le numéro. J’en ai pour deux minutes.
- Attendez ! Vous vous appelez... Charlotte, c’est cela ?
- Oui, et il faudra faire avec !
- Ça me convient tout à fait...
- Tant mieux. Et vous ?
- Moi ?
- Oui, vous… Votre nom ?
- Oh… Pardon… moi, c’est Pierre. Pierre Brussac.
- Enchantée, Pierre !
- Moi surtout, car de nous deux, c’est en vous qu’est le merveilleux... Pas en moi.

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