4 novembre 2007
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Une réussite totale à laquelle elle pouvait applaudir ! Et David qui était vexé maintenant ! Julie hésitait, debout et immobile, au beau milieu du passage menant à la piste de danse, ne sachant plus que faire. Elle ne se supportait pas en situation de fuite !
Fuir ? Ce corps, derrière elle, si proche… à la frôler ! Ces mains possessives qui prirent sa taille… Ces pouces qui épousèrent, caressants, le creux de ses reins ?
Elle les connaissait si bien ! Autant que l’abandon auquel, infailliblement, ils savaient la réduire…
Elle en ferma les yeux, s’offrant presque davantage à leur contact. Cette voix… chaude et envoûtante... qui lui murmurait à l’oreille tout un bonheur de la retrouver, de la toucher, de la respirer…
Échapper à Gab ? Elle rêvait !
- Bonsoir, mon cœur… Tu m’as manqué… Comment fais-tu pour être plus belle à chacune de nos rencontres ?
- Gab ! Pas ici, pas de scandale !
- Mmmm… Oui, tu as raison, l’endroit est mal choisi. Que j’aime ce parfum ! C’est celui qui dit « regardez-moi, mais ne vous approchez pas ». Celui que je préfère. Je t’emmène où tu veux... tu n’as qu’un mot à dire et...
Canaille ! Tricheur ! Julie se sentit émue qu’il ait si bonne mémoire pour tout ce qui la concernait ! Pourquoi donc David tardait-il tant ? Où était-il passé ? Mais que pourrait-il contre Gabriel ?
Pour parfaire une situation absurde, voilà ce Gauthier qui ne perdait rien du spectacle qu’elle offrait en ce moment ! Était-il indispensable d’afficher une expression aussi effarée ? Elle-même, quelle impression donnait-elle, à moitié défaite entre les bras d’un homme, autre que celui qui lui tenait compagnie il y avait deux minutes !
Elle devait se tirer de ce guêpier, coûte que coûte !
Et remercier le ciel de se trouver dans un restaurant... Gabriel n’osera pas davantage... Ne serait-ce que par égard pour elle, pour ne pas l’humilier en public.
Elle frissonna aux doigts qui se détachaient d’elle, qui la libéraient... La libérer ? Sera-t-elle naïve toute sa vie ! Qui ne le firent que pour lui imposer un demi-tour avant de la reprendre aussitôt, pour mieux la contrôler par deux cercles puissants autour des poignets fragiles, pour l’amener face à lui, permettant à Gabriel de l’envelopper de ce regard qu’il savait toujours l’émouvoir.
- Je ne suis pas seule.
- Je sais, je viens de croiser David. Beau garçon, mais trop tendre pour toi ! À moins que, à force de t’escorter partout, il n’ait acquis certains droits... Julie, mon cœur, ôte-moi d’un vilain doute...
- Cela suffit, Gabriel ! Laisse-le tranquille, tu sais pertinemment qu’il n’est et ne sera jamais rien de plus qu’un ami.
- O.K. ! Que m'offres-tu en échange ?
- Quelque chose dont tu te souviendras jusqu’à ton dernier souffle si tu ne me lâches pas immédiatement !
Une ombre entre eux, qui se matérialisa par un bras qui entoura les épaules de Julie, une bouche qui effleura sa joue et des mots qu’elle peina à traduire.
- Chérie, je suis désolé de vous avoir abandonnée ainsi... Si vous me présentiez votre ami ?
Et Julie respira, uniquement consciente de la main qui l’attirait vers Julien et qui avait surtout le mérite de la dégager de celles d’un Gabriel trop surpris pour s’y opposer. Stupide et silencieuse, elle se tenait entre les deux hommes, presque hors de la réalité, sous une voix douce, d’une douceur qu’elle connaissait trop bien, celle qui annonçait le pire.
- Un ami ? Siffla Gabriel, mâchoire contractée. Vous vous trompez. Rien de moins que son mari, ce que, apparemment, vous ignoriez. Je n’ai pas retenu votre nom ?
Deux mots qui la ramenèrent à la réalité, avec toute son énergie et sa combativité !
- Ex mari ! Gabriel, tu es sourd ? Ex... Ce qui veut dire passé, fini, révolu, envolé, disparu, pfuuittt ! ! ! Mets-toi bien ça dans le crâne une fois pour toutes ! Et tu n’as rien à faire du nom de...
- Voyons, chérie ! L’interrompit Julien avant de s’adresser à Gabriel. Ainsi donc, vous êtes l’« ex » époux de « ma » Julie ! Je suis Julien Gauthier… et ravi de vous rencontrer enfin !
Une Julie qui se sentait sombrer en plein vaudeville alors que Julien, souriant et amène, resserrait l’étreinte autour de sa taille, la ramenant au plus près contre lui, d’un geste de propriétaire, totalement inconscient du défi que Gabriel pourrait soupçonner dans une telle attitude. Jusqu’où allait-il le provoquer ? Elle devait intervenir… l’empêcher de…
- Vous perdez la tête ! Cria‑t‑elle presque… Tous les deux ! Julien... cela suffit, vous ne savez pas sur quel terrain vous vous aventurez !
- J’adore ces lueurs de colère dans vos yeux, ce qui promet pour demain.
- Je vous en prie, cessez cela, allons-nous-en !
Elle savait bien qu’ils se ressemblaient tous les deux ! Aussi arrogant l’un que l’autre, mais davantage de maîtrise en Julien qui se montrait beaucoup plus décontracté que Gab... Pour l’instant !
- Un moment, nous ne sommes pas pressés… Que diriez-vous, cher Gabriel, de vous joindre à nous, pour une coupe de champagne ?
- Pourquoi pas ? Répondit froidement ce dernier.
- C’est parfait ! Nous allions justement fêter un quelque chose de… de « spécial » et il eut été dommage que vous n’y participiez pas !
- Vraiment ? Je ne vois pas…
- Je dois admettre que si vous ne l’aviez laissée filer…
Julie se figea… Que racontait Julien ? Que savait-il de leur vie, de leur séparation ?
- … elle et moi, aujourd’hui…
Gabriel fronçait déjà les sourcils sur le regard des mauvais jours... serrait les poings... et...
- Vous et… ? Reprit‑il, laissant en suspens la fin de sa phrase.
- Oui… Je sais, que pour cette occasion, elle désirait fortement vous avoir avec nous. N’est-ce pas, ma douce ?
Où Julien voulait-il en venir ? Et elle, que faisait-elle, là, à les fixer ainsi qu’elle aurait détaillé deux extra-terrestres ?
- Julie, pourrais-tu m’éclairer sur ce qui se passe ? Articula durement Gabriel.
Que pourrait-elle lui expliquer alors qu’elle-même n’y comprenait goutte… Et pourquoi la harcelaient-ils, ainsi… tous les deux ? Où se croyaient-ils ?
- Chérie, tu ne lui as rien dit ? S’étonnait Julien, légèrement grondeur. Tu me l’avais pourtant promis… Eh bien, Gabriel, je suis heureux de vous informer que, ce soir, nous célébrons...
« Que célébraient‑ils ? » s’inquiéta soudain Julie regard rivé aux lèvres de Julien.
‑ … Nos fiançailles !
Leurs… quoi ? Assommée… pire encore ! Elle n’entendait plus rien, se tenait, yeux ronds et bouche ouverte, en apnée totale, poumons oppressés et cœur affolé, incapable d’assimiler une telle élucubration. Tout autant que Gabriel qui, hébété et semblant y croire vraiment, la regardait comme... comme si elle était responsable des divagations de cet illuminé !
- Des fiançailles ? Tu en es donc là et tu ne m’en as rien dit… murmura-t-il d’un ton las.
- Gabriel… attends… ce n’est pas…
- Allons, Julie… La coupa Julien, il fallait bien qu’il l’apprenne un jour ou l’autre ! Voilà qui est fait !
Comment revenir en arrière… et effacer ces derniers mots ? Pourquoi Julien avait-il prononcé ces mots idiots ? Désormais, il risquait le pire, et elle... elle ! Seigneur, elle !
- Dans ce cas… profitez-en le temps que cela durera. Décréta Gabriel, ayant visiblement retrouvé toute maîtrise. Julie, mon cœur, je te laisse à… ces festivités. Quand tu t’en seras lassée ou que tu auras recouvré tes esprits… tu sais où me joindre. Quant à vous, Gauthier... un conseil : ne vous aventurez pas très loin dans cette voie... elle ne vous mènera nulle part et pourrait s’avérer... périlleuse.
- Avec Julie à mon côté ? Cela en vaut la peine, non ? Rétorqua Julien !
Qu’il se taise ! Elle savait combien Gabriel supportait mal que quelqu’un s’opposât à lui, et il suffirait d’un rien pour que... Oh, non ! Pas ici ! Elle n’oserait plus jamais remettre les pieds chez Lucciano !
- Rien n’est jamais définitivement acquis. Souligna Gabriel froidement.
- Je le sais, c’est ce qui fait la vie intéressante, parfois.
- Attention…
- Ne vous inquiétez pas, je saurai veiller sur elle ! Le coupa Julien, mettant ainsi un terme à leur discret affrontement. Excusez-nous, mais nous sommes attendus. Bonne soirée ! Venez, chérie, ma sœur nous fait signe. Tenez ! Voilà David ! Il était temps qu’il revienne.
Ses jambes ? Du coton ! Elle devenait sourde, sans force, ni réaction aucune. Fiancée ! Elle aura tout intérêt à décrocher son téléphone, à changer de numéro et... à déménager ! Elle allait trouver Gabriel assis devant sa porte à toute heure du jour et de la nuit... L’hôtel ! Elle ira à l’hôtel ! L’unique solution à adopter, au moins durant les prochains jours.
Julien était-il fou ! Qui lui avait demandé d’intervenir ? Où l’entraînait-il ainsi ? Croyait-il qu’elle pouvait courir dans un fourreau à peine assez large pour lui permettre de respirer ? Il allait se faire démolir. Il ne restera rien de lui après que Gab s’en sera occupé... et ce sera bien fait pour lui ! Elle qui ne rêvait que d’une vie tranquille ! Elle avait gagné le gros lot cette fois. Qui étaient ces gens ? Pourquoi David s’énervait-il ? Il n’avait aucune raison de le faire, lui ! Bonne idée qu’il avait eue de s’esquiver... Tout ce qui était arrivé depuis... c’était de sa faute !
De quoi parlaient-ils ? La raccompagner ! Qui ? Julien ? Jamais ! Et ce lâche de David qui acquiesçait. Sa veste ? Évidemment qu’elle allait la prendre. Encore un qui s’adressait à elle comme si elle n’avait pas plus de six ans ! Qu’avaient-ils à la dévisager ainsi ? Que lui tendait cet individu ? Un sac ? D’où sortait-il son sac !
- Julie ? Ça ne va pas ? Trop d’émotions à la fois ?
- Comment ?
- Vous n’avez pas l’air bien du tout.
- Moi ? Moi ! Oh ! Souciez-vous plutôt de ce qui vous attend ! Vous ne réalisez pas… Gabriel va vous éreinter et... ce sera tant pis pour vous ! Vous m’avez placée dans une position impossible. Qui vous a prié de vous mêler de ma vie ? Des fiançailles ! C’était la pire des sottises à avancer. Seigneur ! Il doit être dans un état de fureur incroyable et je vais avoir toutes les peines du monde à le convaincre que...
- Du calme !
- Me calmer ? Me calmer après que...
- Votre mari nous observe.
- Que voulez-vous que j’y fasse ! Lui mettre un bandeau sur les yeux ? D’ailleurs, il n’y a pas davantage de mari ici que de… que de fiancé… et cela depuis longtemps !
Elle se ridiculisait davantage à chaque mot prononcé. Quant à la sœur de Julien elle semblait se divertir comme jamais ! Julie changerait volontiers de place avec elle, immédiatement, juste pour voir si la situation l'amuserait autant qu'elle le laissait paraître.
- Il vaut mieux que je vous ramène chez vous.
- Vous ! J’ai envie de vous... de vous... si je pouvais...
- J’ai hâte de voir ça ! Allons-y, vous me montrerez en route. Hélène, je t’appellerai demain. Amusez-vous, les enfants ! En piste... « Chérie ! »
Qui l’autorisait à l’enlacer ainsi ? Toutefois, si elle faisait mine de se dégager, elle aurait à affronter Gabriel ! Patienter jusqu'à la porte, ensuite, un taxi fera l’affaire ! À moins que l’énergumène qui la serrait à l’étouffer n’en décidât autrement.
- Où m’emmenez-vous ?
- Au paradis… Hé ! Ne vous emballez pas ! Chez vous nous suffira. Et si vous vous décidiez à mieux jouer votre personnage de jeune fiancée follement amoureuse ?
- De qui ? De vous ? En effet… il faudrait être folle pour…
- Attention, nous approchons d’une zone à risques. Il est à deux doigts d’intervenir ! Cet homme tient à vous et je me demande si j’ai eu raison de l’éloigner.
- C’est bien le moment de vous en préoccuper ! Ne me serrez pas si fort.
- Cela vous ennuie ?
- Lui surtout. Vous ne...
Elle céda subitement à l’élan instinctif de se rapprocher davantage de Julien, seulement de deviner dans le regard de Gabriel une invitation à le rejoindre, à oublier leur différend. Non, elle ne devait pas s’y laisser prendre, ne pas supposer qu’il avait enfin changé. Elle savait bien que non… que son but véritable n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait toujours espéré en vain trouver en lui… qu’il ne voulait que récupérer ce qui lui avait, jadis, appartenu.
Si ce n’était… une étrange perception à laquelle Julie ne s’attendait pas et qui la fit trembler un peu.
- Ne me lâchez pas maintenant.
Une prière murmurée à l’oreille de Julien. Parce qu’elle avait eu le temps de lire un violent désir mêlé à une profonde tristesse dans les yeux qui la suivaient, et qu’elle n’était pas certaine d’y résister.
- Que ferait-il si je vous embrassais ?
- Lui ? Mieux vaudrait ne pas vous y risquer, et moi... moi, je vous en ôterais l’envie, une fois pour toutes.
- Diable ! Ce serait pourtant le meilleur moyen de le persuader que votre cœur est pris ailleurs !
- Je me charge de la suite à donner à « mon » histoire. Nous sommes loin, vous pouvez me lâcher.
- Pas question, ne vous retournez pas, il nous suit à trois pas.
- Je ne vous crois pas !
- Regardez, devant vous, son reflet dans la porte vitrée. À quoi dois-je m’attendre ? Est-il du genre à en venir aux mains ?
- Oh, oui ! J’en suis navrée pour vous car c’est bien la seule méthode qu’il connaisse pour éloigner radicalement de moi tous ceux qu’il juge importuns. Laissez-moi, je vais lui parler. Vous n’avez aucune raison de vous exposer à un coup de poing.
- Qui vous dit que je ne saurais pas le rendre ! Du sang-froid ! Nous sommes arrivés. Installez-vous, lui ordonna-t-il tout en lui ouvrant la portière d’un véhicule. Et essayez de me sourire... une petite grimace de circonstance !
Assise, à l’abri, elle pouvait voir Gabriel, qu’elle ne savait aimer encore ou plus du tout, debout, sur le seuil du restaurant. Quelques secondes, le temps que Julien mette le contact, s’éloigne sans accélérer plus qu’il ne fallait, sans hâte, pour montrer qu’ils n’avaient aucune crainte et qu’ils ne fuyaient personne.
- C’est fini, vous pouvez respirer.
- Pour le moment !
- Savez-vous que j’ai eu du mal à vous reconnaître ? Lui dit-il d’un ton léger.
- Comment ? Euh… La tenue sans doute. Rien à voir avec celles qui se portent pendant les heures de labeur !
- Dommage ! Vous êtes... bien plus que ravissante ! Je comprends votre ex mari, il est fou de vous.
- Du moment que vous le dites, c’est sans doute la vérité !
- D’ailleurs, pendant un moment, au début du moins, j’ai cru assister aux retrouvailles de deux amants et j’ai apprécié toute l’émotion qui s’en dégageait. Surtout de vous, pratiquement consentante.
- Très élégant de votre part de le souligner ! Pour tout dire, malgré l’échec de notre union et en dépit de toutes ces années de séparation, j’avoue qu’il exerce toujours un certain pouvoir sur moi. Je n’en suis pas totalement libérée.
- À quel point ?
- Euh… Disons que… même avec la meilleure volonté du monde, il m’est impossible de nier que, physiquement, Gab sait très bien comment s’y prendre avec moi et je ne parviens pas toujours à lui dire non. La chair est faible !
- Pardon ?
- Oui, je n’y peux rien... J’ai du mal à... Vous le faites exprès ? À moins que vous ne soyez trop coincé par une moralité rétrograde pour comprendre ce que je veux dire !
- Rassurez-vous, vous ne pourriez être plus claire dans vos explications. En revanche, je ne m’attendais pas à une réponse aussi... directe.
- Il faut bien appeler un chat, un chat.
- Je ne vous contredirai pas là-dessus ! Votre adresse ? Je me suis porté volontaire pour vous reconduire, mais je n’ai pas l’intention de rouler au hasard toute la nuit.
- Un hôtel, le plus proche du bureau. Et demain, à la première heure, j’enverrai Claudine chez moi, prendre des vêtements.
- Un... ? Je rêve ! Pincez-moi ! Madame Julie Castel en déroute ! Je savais que ce moment serait mémorable !
- Ravie de constater combien mes ennuis vous amusent !
- Écoutez, je vous accompagne jusqu'à votre porte. Vous vous enfermez à double tour, et vous n’ouvrez plus à personne. Le grand méchant loup ne vous croquera pas cette fois-ci.
- Vous ne savez rien ! Il va encore me harceler au téléphone.
- Débranchez-le !
- Fffffff !!! J’en ai déjà l’habitude. Il n'empêche que, demain matin, il m’attendra au pied de l’immeuble et…
- Je passerai vous prendre. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus, à moins que vous ne m’invitiez à dormir chez vous !
- Vous ! Chez moi ? Ne vous égarez pas en vaine supposition ! J’apprécie le service rendu, mais nous n’irons pas plus loin que « merci » et « au revoir » !
- J’ai dit « chez vous » et non « avec vous » ! Je ne suis pas fou au point de désirer qu’il en soit autrement ! Vous côtoyer est beaucoup trop dangereux !
- Je m’en doutais : courageux mais pas téméraire ! Vous avez peur de Gabriel, vous aussi… comme les autres !
- De lui ? Détrompez-vous. En revanche, à en juger par votre comportement avec les hommes, et à votre attitude suite à l’effet que vous leur faites, la prudence exige de se tenir à une distance raisonnable de votre petite personne !
- Vous ! Vous n’êtes qu’un goujat, et de la pire espèce ! Arrêtez ce véhicule !
- Cessez donc de prendre la mouche à chaque mot ! C’était un compliment ! Vous n’avez rien à craindre. Vous ne courez aucun risque en me permettant de vous ramener à bon port et je n’ai d’autre intention que vous rassurer. Alors ? Votre adresse ? Dois-je fouiller votre pochette ?
- Avenue du Prado, le 334. À cinq minutes. Dépêchez-vous, j’ai hâte de... me retrouver seule.
- Idem pour moi ! Demain matin, soyez prête à huit heures.
- Sept heures trente ! Sinon, je me débrouillerai sans vous.
- Pas de problème ! C’est un vrai plaisir ! Je n’ai jamais rencontré de ma vie une femme d’aussi désagréable. De quoi décourager un saint ou la moindre approche d’un individu normal !
- Parfait, je suis ravie de vous déplaire, voilà qui me garantit des lendemains tranquilles…
- Aucun risque que j’entre en concurrence avec votre ex mari ! Tout bien réfléchi, je me demande ce qu’il trouve en vous de particulièrement attirant : une jolie façade, mais rien derrière !
- Tant mieux… Vous, après lui… ce serait comme tomber de Charybde en Scylla… pire encore ! D’ailleurs seul un sot ou un faible d’esprit pourrait imaginer, qu’avec un... un... un animal de votre espèce, il puisse en être autrement ! Hé ! Cria-t-elle, projetée en avant par un inexplicable coup de frein, évitant de justesse se heurter au tableau de bord. Nous n’y sommes pas encore, pourquoi vous arrêter ?
- Pourquoi ? Pour ceci !
Elle n’eut pas le temps de réagir... et moins encore celui de reculer, de tenter de lui échapper.
- Ne me touchez pas ! Ne vous avisez pas...
- Trop tard, Julie ! Il ne fallait pas réveiller la bête qui dort... en chacun de nous.
Une brute ! Contre laquelle elle ne put rien, sinon demeurer inerte sous les mains qui capturèrent son bras et sa nuque, qui la contraignirent à subir la bouche qui violenta la sienne, sans force contre des lèvres qui insistèrent et exigèrent. Qui se montrèrent expertes, habiles et patientes. Qui devinrent douceur et caresse.
Jusqu'à éveiller en elle, malgré elle, un picotement sur la peau, un frisson qu’elle connaissait trop bien, qui la trahit, qui l’affaiblit. Une tentative pour le repousser, pensée, pas même esquissée, avant de céder à une vague incontrôlable, qui la fit docile, enfin soumise. Assez pour le déconcerter, qu’il en devienne attentif et soucieux de son attitude, pour l’amener à lui offrir l’initiative.
Et par cela, ce fût elle qu’il surprit à son tour. Elle, seulement habituée à répondre au désir de l’autre, presque dressée à lui plaire, à le satisfaire. Pas à recevoir ni à exiger.
Et ce fut elle qui demanda, qui provoqua, elle qui se dévoila audacieuse, et aussi avide que lui... au point de s’en effrayer soudain et de reculer.
Sans qu’il cherchât à la retenir.
Deux à reprendre souffle.
Et il suivit la confusion d’un regard un peu égaré, se muer en colère... contre lui seulement ?
- Julie... Je suis désolé...
- Je ne veux rien entendre !
- Je ne voulais pas...
- Taisez-vous !
Julien obtempéra, surpris devant une réelle fureu. A cause d’un baiser ? Rien de plus qu’un baiser... Seulement ? En revanche, voilà qui allait, à coup sûr, envenimer leurs rapports au bureau. Déjà qu’elle avait un fichu caractère !
Non... demain, elle aura oublié.
Lui aussi.
Lui ? Vraiment ?
Quand Julien lança le moteur ce fut bien plus pour dissiper un silence soudain trop lourd, entre eux, que dans le but de la ramener chez elle.
Ils n’échangèrent plus un seul mot jusqu'à l’entrée de l’immeuble… pas même un « merci » lorsqu’elle quitta le véhicule, dont elle s’éloigna, sans un seul regard derrière elle.
Comme promis, Julien attendit, quelques secondes… deux minutes… jusqu'à ce qu’une lumière troue l’obscurité, trois étages plus haut.
Bonne nuit, Julie !