3 novembre 2007
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15:07
- Comment ? Débarrasser quoi !
- Toutes les bogues qui sont tombées derrière le mur. Et il faudrait tailler les arbres pour éviter que cela se reproduise.
- Ben voyons ! Et ensuite, je demanderai au vent de ne souffler seulement que de ce côté-ci !
- Écoutez, je ne fais qu’obéir aux ordres, et je peux vous dire que le patron n’est pas du genre souriant ! Moi, je n’y suis pour rien, vous savez, et de plus, vos châtaignes, ça fait trois jours que toute l’équipe s’en régale.
- Ah !
- Oui... Alors, nous, nous nettoierons ce qu’il y a par terre. Mais pour les arbres...
- Cela n’a aucun sens !
Et même si elle avait la bêtise de s’exécuter et de supprimer quelques branches, cela ne résoudrait rien. Ils étaient trop hauts, trop grands. D’ailleurs, qui pourrait prévoir où ils se délesteront de leurs fruits ?
- Là, vous avez raison...
- Pour ce que ça change ! Regardez-les, ils sont magnifiques ! Les plus beaux des environs.
- J’l’sais bien et je suis navré, mademoiselle. Bon, il faut que j’y aille, le camion attend. Bonne nuit, et à demain.
- Oui, bien sûr... À demain.
Elle avait bien besoin de ça ! Elle pensait être enfin au terme des désagréments de ces dernières semaines : la construction complètement achevée, plus d’arrivées et de départs de camions bruyants, plus de cris d’ouvriers s’interpellant d’un bout à l’autre de la propriété. Un presque retour à la normale et elle, dans les meilleures dispositions pour souhaiter la bienvenue à des étrangers.
Position qui était, désormais, à reconsidérer !
Mais pourquoi s’inquiéter ? Il suffira aux nouveaux venus de quelques mois pour se faire aux habitudes du pays, seulement leur donner le temps de se frotter à l’esprit Ardéchois ! Il n’y avait qu’à laisser passer l’orage.
- Charlotte ! Où es-tu ?
- J’arrive !
Une vie calme et paisible ? Ici ? Vraiment !
- Ah ! Te voilà enfin ! Où est passé le clafoutis ?
- Je l’ai mis à refroidir sur le rebord de la fenêtre comme tu me l’as demandé...
- Tu as dû le rêver !
- Il n’y est plus ? Encore !
- Comment encore ?
- Rien... Rien d’important... Je vais en préparer un autre, ce sera vite fait.
Voilà qui devenait inquiétant !
Tout avait commencé cinq ou six jours auparavant… Des choses qui disparaissaient, comme ça. Deux terrines de foies de volaille, un pot de confiture de mûres, un autre de poires au sirop, et un saucisson qui n’avait pas encore eu le temps de sécher... Et ça, c’était bien fait pour le chapardeur !
Pas plus tard que ce matin, elle n’avait plus trouvé la couverture qu’elle avait étendue la veille pour l’aérer un peu, et maintenant le clafoutis ! Eh bien, dans l’immédiat, il suffira de poser un cadenas sur la porte de l’appentis, et d’ouvrir l’œil...
Mais l’incroyable était que, cette fois, cela se fut produit en plein jour alors que toutes deux se trouvaient à la maison, avec tous les risques que cela sous-entendait pour le coupable de se faire surprendre.
Des risques ? Pour qui, finalement ? La maison était hors du village, à peine visible de la route.
Pour s’y être aventuré à plusieurs reprises, l’auteur de ces larcins avait dû les observer, et noter qu’elles étaient seules à demeurer là. Jusqu'à présent, il n’avait opéré que la nuit. Mais de même que la faim faisait sortir le loup du bois, une situation désespérée pouvait amener un homme à un acte regrettable... Et rien ne garantissait que celui qui rôdait saura se maintenir dans les limites de l’acceptable.
Marraine, à son âge et dans son état, n’avait pas besoin d’une frayeur ! Donc, mieux valait ne lui parler de rien et prendre toutes les précautions utiles à sa sécurité. Et puis il n’y avait aucune raison de s’affoler, il ne s’agissait que d’un peu de nourriture, et d’une couverture. Rien de très important, pour elles du moins. Alors que, pour celui qui les avait pris, cela pouvait être vital.
Qu’un être en fut réduit à cela !
Pourquoi se cacher ? Il aurait suffi de demander… mais elle oubliait que demander n’était pas toujours facile.
- Dis, Charlotte, que tu en fasses un autre, je veux bien, mais où est passé le premier ?
- Le premier ? De quoi ? Ah, oui, c’est vrai ! Eh bien, sans doute… les ouvriers d’à côté ! Qui ont dû croire qu’il était là pour eux.
- Ça alors ! Un sacré toupet !
- Mais non, c’est que, vois-tu, ils... Ils ont effectué quelques petits travaux pour moi et... Et en échange, à l’occasion, je leur prépare un quelque chose, une gâterie. Ce qui explique la confusion.
- Tu me rassures. Bon, maintenant, passons aux choses sérieuses. Où en es-tu de ton travail ?
- Ça va, il avance.
- C’est ce que tu dis ! Cela fait des jours et des jours que tu n’as plus touché à rien !
- Je n’ai plus de toiles de fond. Ce soir, je m’occuperai des bains de teinture.
- Veux-tu que je le fasse ?
- Ce serait bien, mais...
- Dis donc ! Tu oublies qui t’a tout appris !
- Les bases, Marraine... Seulement les bases.
- Il n’y a pas trente-six manières de teindre un bout d’étoffe.
Et Charlotte sourit.
C’était là que sa Marraine se trompait, des deux, cette fois, c’était elle qui allait apprendre, elle qui allait devenir élève attentive.
Juste le temps de lui livrer quelques petits secrets, et ensuite elle lui offrira des couleurs jamais vues, pas même imaginées. Et elle lui montrera comment emprisonner un morceau de rêve dans un carré de soie.
La soie, l’écrin idéal pour tous ceux qu’elle portait en elle.
Mais avant, une idée idiote : Une besace, une bouteille de vin, une demi miche de pain, un fromage bien crémeux et deux tranches de jambon cru... Et, sans se faire voir, suspendre le tout au portail du jardin avant qu’il ne fasse plus sombre.
Il n’y avait aucune raison pour que quelqu’un ait faim, là-bas, quelque part dans les bois.
Pas de dessert ? Non, celui à qui cela était destiné en avait déjà pris une portion bien plus que raisonnable.
Peut-être la prochaine fois !