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PrÉSentation

  • : La Page de Reginelle
  • : Ce blog est une invitation à partager mon goût pour l'écriture, à feuilleter les pages de mes romans, à partager mon imaginaire. Des mots pour dire des sentiments, des pages pour rêver un peu.
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Texte Libre

Création d'un FORUM
 
Naissance du forum "Chaque être est un univers", ici à cette adresse :
 
 
Créé en collaboration avec Feuilllle (dont je vous invite à visiter le Blog – voir lien dans la liste à gauche). Tout nouveau, il n'y a pas grand-chose encore, tout juste référencé... il ne demande qu'à vivre et à grandir. Chacun y sera le bienvenu.

Et puis, j'ai mis de l'ordre dans les articles, au niveau de la présentation... ça faisait un peu fouillis ! Quoique… je me demande si c'est mieux maintenant ! On verra bien à l'usage.
Alors maintenant, voyons ce que ce Blog vous offre :

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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 23:22



    Ils se sont réfugiés à Aups. Enfin, pas vraiment Aups mais aux pieds des premiers contreforts des Alpes de Haute Provence, à une douzaine de kilomètres des Gorges du Verdon, à égale distance du barrage de Sainte Croix et du lac artificiel de même nom.
    Ils se sont accordé une semaine de détente absolue. Jusqu'à ce que Julien récupère l’usage de son bras.
Ils ont, alors, endossé l’uniforme de touristes ordinaires pour quelques incursions sur la Côte d’Azur, de Saint-Tropez à Menton, et sur la Riviéra italienne, jusqu'à Albenga, où ils ont passé une nuit.
Julie a adoré Grasse et les villages posés en bord de mer, les plus petits, les plus discrets... parfois invisibles de la route.
    Ils ont déambulé, main dans la main au travers des ruelles de Mandelieu, et de Mougens, découvrant les trésors des artisans locaux, emportant avec eux des provisions de parfums, de saveurs et de couleurs.
Elle a serré les dents pour le suivre tout au long d’une épuisante randonnée pédestre dans le cadre du Grand Canyon. Sans se plaindre, suant et soufflant au début, jusqu'à trouver son propre rythme de progression. Et elle l’a découvert amoureux d’espace, de mouvements et d’escalades.
Ils ont déjeuné au-dessus du Verdon, ruban d’eau émeraude et placide, enfin sage pour s’être épuisé en turbulences périlleuses dans le secret d’un lit que le soleil ignore pour être trop encaissé entre des falaises grises et ocres. Ils l’ont observé déverser un flot tranquille où glissent des nacelles fragiles, alimentant sans faiblesse le lac de Sainte-Croix, étale et indifférent aux voiles multicolores qui le chevauchent. Des passionnés de planche à voile ? Si loin de la mer !
- Tu as déjà essayé ?
    Elle l’a regardé, bouche bée, comme si elle se trouvait devant un martien. Elle, sur... sur l’un de ces trucs-là ! Comment peut-il seulement l’envisager ?
- Non ? Alors, je t’apprendrai... J’ai faim... il reste encore quelque chose ?
Julien ! Mordant à belles dents dans un quignon de pain débordant de saucisson, buvant à la régalade, assis sur les talons, en équilibre sur un rocher, tout au bord du ravin, à lui donner des sueurs froides... « son » Julien ? Cet homme-là ?
    En échange de tant d’efforts, elle a réussi à négocier deux jours de farniente total. Non, mais !
Et quand le soleil est au plus haut de sa course, durant les heures torrides, ils vont se réfugier dans la grande bâtisse aux murs épais, profiter de sa fraîcheur, du silence, de leur solitude.
La moitié de ses vacances envolée. Déjà !
En fait, depuis une nuit d’orage, une main glissant sur elle, un corps offert aux siennes, et une bouche la réduisant au silence... ils ne se sont plus quittés.
    Deux pleines journées de labeur pour Julie, à peine le temps de boucler quelques dossiers et de passer le relais à Raymond et David, puis un week-end entier à organiser leur départ. Le lundi, très tôt... après un détour inévitable par l’hôpital pour un pansement à renouveler et un coup d’œil de contrôle du Professeur Robin... et leur fuite avant qu’il n’aborde un sujet trop douloureux pour eux.
    À leur retour, il sera bien temps.
    Que pourrait-il leur apprendre de plus ? Dès leur réveil, Julien l’a informée de tout, sans rien omettre, sans rien atténuer. Une infection contractée lors de son accident, à cause de trop d’attente avant d’être secouru, accroché à un métal souillé. Des mois avant les premiers signes, et bien trop tard, hélas, pour un traitement réellement efficace...
- Non Julien, pas au point de nous interdire l’espoir...
- Tu as raison, chérie, rien n’est perdu encore.
Ils ont fermement décidé de faire comme si l’avenir leur appartenait, sans réserve et sans zone obscure. Ils ont quitté Marseille, avec hâte, tendus vers un ailleurs dont ils ont ciselé, par avance, les heures joyeuses.
Et Julien lui a confié le volant, - bien obligé, il doit ménager son bras encore un bout de temps -, rassuré par des lunettes, et conquis par le nouveau profil qu’elle lui a montré.
« Sa » maison.
Ils y sont arrivés en plein midi. Dans un silence assourdissant, où un chant de cigale devient fanfare, où un bruissement d’ailes se fait applaudissements.
La chaleur s’est abattue sur eux, leur coupant presque le souffle, quelques secondes, et Julien l’a prise par la main, l’entraînant après lui... heureux... d’un bonheur insouciant.
Une ruine qu’il a « retapée » sans lui enlever le cachet d’autrefois, avec les matériaux du pays.
À l’intérieur, elle n’y a trouvé que le strict minimum... Il n’a pas exagéré dans ses descriptions, tout est encore à réaliser... en dehors de la cuisine, entièrement équipée...
Dans la chambre, l’essentiel... c’est à dire un lit... et à deux places... heureusement !
Pour le reste... Un pétrin hors d’âge, une table de monastère au plateau érodé de trop d’usage, des bancs au bois éclaté, et deux incroyables fauteuils à bascule, devant ce qui semble être l’emplacement prévu pour une cheminée... sans oublier tout un ramassis disparate d’objets d’un autre siècle.
En revanche le sol est de toute beauté, recouvert de grandes dalles d’ocre sombre, douces et fraîches sous leurs pieds nus.
- Tu aimes ?
- Faut voir. Tu comptes conserver toutes ces vieilleries ?
- Comment trouves-tu la cuisine ?
- J’avoue qu’elle est très belle. Pratique et... ne me dis pas que...
- Gagné ! Les éléments qui la composent étaient dans un état semblable sinon pire que tout ce que tu vois là. Quand j’en aurai fini avec ce que tu appelles des « vieilleries », tu ne les reconnaîtras plus.
- Tu as l’intention de tout meubler ainsi ? Mais... ça va te demander des... pas mal de recherches.
- En effet... des années... Dis-moi, franchement, ça ne te plaît pas ?
- Oui, Julien... beaucoup.
- Sinon, il est encore temps, pour moi, de faire un ou deux compromis. Ne me laisse pas m’échiner comme un forcené sur le plateau de cette table si tu n’as aucun désir de la voir, entre nous, chaque jour... durant des années... Tu sais, elle est faite pour résister aux siècles.
    Des années, des siècles... pour elle, avec lui... En lui aussi, la même évidence, et la certitude d’un avenir commun.
- Viens voir, ce n’est pas fini.
Il l’a tirée à l’extérieur, vers la seule entorse qu’il se soit autorisé dans une volonté affirmée de préserver le passé... Une piscine, qu’il lui assure être pratiquement indispensable pour traverser, sans trop en souffrir, la fournaise des mois d’été...
Où ils ont retrouvé deux hommes s’activant à nettoyer et mettre la fosse rectangulaire en condition de remplir son office.
Une attente insoutenable avant qu’elle n’offre un niveau acceptable.
Jusqu’au milieu de la nuit... Leur premier bain... au cœur d’une pluie d’étoiles, et au son d’un orchestre invisible.
C’est entre le lit, les transats et l’eau qu’ils ont partagé les heures paresseuses de la première semaine.
Des jours et des nuits, sans urgence.
Julie abandonne Julien, pas longtemps, un jour sur deux, à peine le temps de quelques courses, à Aups, pour assurer leur subsistance. « Du repos, une nourriture équilibrée... » Des mots surpris dans le couloir de l’hôpital, auxquels elle s’accroche de toutes ses forces, et, si elle s’en veut parfois des quelques heures de sommeil qu’il perd à cause d’elle, à cause d’eux, elle met tout son cœur à veiller à ce qu’il se nourrisse convenablement.
Julien retrouve Julie, dès son réveil... La vraie Julie. Et les autres n’ont, apparemment, aucun droit de cité dans leur domaine.
À l’exception d’une fois, à l’occasion d’une virée dans un Casino. Il s’est retrouvé escortant une mystérieuse ondine, au corps à peine dissimulé sous une robe, - peut-il vraiment désigner par ce terme un aussi minuscule carré de soie ? -, aux teintes d’eaux profondes irisées d’écume.
Il a tenu une heure avant de céder à un élan de jalousie, court mais féroce, et la ramener à l’abri, chez lui, en dépit de son rire moqueur, très loin de trop de regards libertins.
- Je suis sûr que tu l’as fait exprès !
- Voyons, Julien !
- Et cette Julie-là, je te prie de l’envoyer au Diable.
- Mais pourquoi ! Elle t’aime autant que les autres et tu n’es pas du tout gentil avec elle.
- Moi ? Pas gentil ? Approche un peu, pour voir... montre-la-moi de plus près... Bon... c’est d’accord, elle peut rester, mais, je te préviens... uniquement pour moi !
Et surtout, le plus important, pas de téléphone, rien qui puisse les distraire l’un de l’autre.
Et pourtant...
Il reprend les outils, et affole les insectes et les oiseaux endormis aux crissements de la ponceuse électrique, et il rabote et traite le bois contre des envahisseurs indésirables, et il manipule, vaille que vaille, la pâte à bois et la cire odorante, et il passe des heures sur un détail et lustre à n’en plus finir, jusqu'à obtenir la patine souhaitée.
Elle s’est remise aux fourneaux et à la lecture, elle parfait un bronzage caramel, et veille, sans en avoir l’air, à ce qu’il ne dépasse pas ses limites et que rien ne lui manque, allant jusqu'à remplacer, sous ses patientes indications, un disque abrasif épuisé ou encore découper des carrés d’étoffe duveteuse. Mais elle prend la fuite, dès qu’il semble vouloir l’intégrer totalement à ses occupations.
Deux vies parallèles, qui se rejoignent parfois, quand l’absence de l’un devient trop lourde à l’autre, quelques minutes, le temps de deux mots, d’une caresse, et d’un baiser, juste assez pour s’assurer de leur réalité, par un simple « On est bien. », ou un banal « tu n’as besoin de rien ? ».
Mais lorsque Julien dit « tu ne trouves pas qu’il fait chaud dehors ? », ou que Julie demande « Tu en as encore pour longtemps ? », ils posent livre ou pot de crème à bronzer, outil ou tube de cire colorante, et ils se prennent la main, et ils s’accompagnent, l’un l’autre, d’un pas tranquille, vers leur refuge, et ils s’allongent, l’un près de l’autre, et ils rêvent, l’un avec l’autre.
Pour seulement murmurer des phrases que chacun connaît pour les avoir susurrées, un jour, lui-même, ou encore, caresser et apprendre leur corps, et dévoiler leurs mystères, et s’aimer au gré de l’instant.
Pourtant, peu à peu, sans qu’ils le souhaitent vraiment, les gens de l’extérieur sont timidement apparus dans leur horizon.
Par le passage de quelques marcheurs, indifférents ou curieux de leur solitude, qui leur rappelle que la vie existe aussi ailleurs.
Par un objet qui a retenu leur attention sur l’étal d’un marché de Provence, et qu’ils ont acheté pour le ramener à untel.
Et par une date, inscrite en rouge, sur l’agenda de Julie, qui lui saute aux yeux, dès qu’elle l’ouvre, dans la cabine téléphonique, à Aups, d’où elle appelle secrètement le bureau à chaque fois qu’elle s’y rend. Celle de leur retour...
Et puis, un jour, dans la conversation, après avoir avancé, sans y penser, le prénom de David, puis celui de Justine, Julie a deviné comme une gêne, comme un malaise en Julien.
- Je suis au courant, tu sais, ma nièce m’a tout raconté et tu n’y es pour rien.
- Peut-être, je ne sais pas. Je me sens coupable, parfois. J’ai accepté sa compagnie parce que d’une certaine manière, elle me reliait à toi. C’était inconscient, involontaire, mais j’aurais dû me méfier.
- Elle me décrivait vos sorties, ses émois, et ta gentillesse. Tu t’es bien appliqué avec elle ! Avec les autres aussi ?
- Qui ?
- Les deux gravures de mode qui ont gravité autour de toi pendant une dizaine de jours. Elle en était jalouse.
- Pas toi ?
- Si peu ! Alors ?
- Tu n’avais qu’à être présente. Deux mannequins pour un projet quelconque, dont j’ai oublié jusqu’aux prénoms... et qui n’avaient aucune importance.
- Jolies ?
- Quand j’y réfléchis, il y en avait une... tout à fait mon idéal féminin !
- Elle me ressemblait alors.
- Pas du tout, rien à voir avec toi.
- Julien... ne me dis pas que... Alors c’est vrai, ton « idéal féminin », ce n’est pas moi ?
- En fait, non. Je dois avouer que, sur ce plan, Suzanne y correspondait mais toi...
- Suzanne ? Cette fille ?
- Non, mon ex à moi. Dis donc, je crois bien que je ne t’en ai jamais parlé !
- Tu as été marié, et... et tu n’as rien dit ?
- Pardon, chérie... et j’ai un fils aussi, Nicolas, il va avoir seize ans. Il devrait être avec moi... avec nous, en ce moment, mais... sa mère a jugé plus utile de l’envoyer parfaire son anglais chez une amie à Londres.
- Une femme, un fils... pas à ton goût physiquement... et... tout ça en même temps ! Tu n’as rien d’autre à m’asséner ? Un enfant, tu as un enfant... tu as donné un fils à cette femme !
- Julie, ça remonte à des années en arrière, je ne te connaissais pas encore, j’ignorais jusqu'à ton existence... Tu ne vas quand même pas m’en vouloir pour ça !
    Elle a envie de le bousculer, de lui enlever toute tentation de rire ou d’ironiser sur une possible et ridicule jalousie qu’elle est à des lieues de ressentir. Du moins pas envers une autre femme... Sinon de ce que, elle, a su obtenir de lui.
- Arrête ! Tu ne comprends rien ! C’est seulement que... toi, toi...tu ne me l’aurais pas refusé. Toutes ces années perdues à supplier, à espérer... avec toi, elles auraient été différentes.
- Chérie... Ne pleure pas, je ne me moquais pas de toi. Alors, tu désirais un enfant ?
- Oui, mais pas Gabriel. J’ai même essayé de le piéger une fois... Sans succès. Pour lui, nous nous suffisions l’un à l’autre, et c’est sans doute pour cela que j’ai commencé à me détacher de lui. Et maintenant... j’aurai trente-six ans dans... trois mois, et je suis trop vieille pour... serre-moi, je t’en prie, serre-moi fort.
    La laisser s’abandonner aux larmes, vider un trop-plein de chagrin.
- Je n’ai pas été le meilleur des maris, ni le meilleur des pères, tu sais. Trop rarement chez nous, j’ai fait passer mon travail, ma passion, avant eux. Tu n’aurais sans doute pas supporté cette existence.
- Non, je crois que j’aurais su l’accepter, du moment que tu me revenais. Nous aurions pris des accords, ou fixé des dates, défini les moments importants.
- Mes absences duraient un mois, parfois deux, mais je n’ai jamais raté un Noël, ni un anniversaire. Loin d’eux mais pas indifférent à ce point. Ça suffit, chérie, calme-toi, maintenant.
Se sentir impuissant à la consoler et à lui rendre une espérance, pouvoir seulement lui dire combien elle compte pour lui, combien elle est importante dans sa vie.
Et aussi combien elle est merveilleuse, unique, séduisante... tout autant, non... - Que dit-il là !- bien plus que tous les mannequins du monde. Sans mentir !
Et il est ravi de retrouver une étincelle intriguée dans le regard qui se lève vers lui, déjà inquisiteur, enfin défi.
- Et pourtant je ne te plais pas !
- D’où sors-tu ça ?
- Pas d’après certains critères. Et puis, ta femme idéale, elle ressemble à quoi ?
- Oh ! Tu y penses encore ? Eh bien, disons... j’ai toujours aimé les hanches un peu plus... j’apprécie certaines rondeurs.
- Où ?
- Julie, ce n’est pas le plus important pour moi, je t’aime pour ce que tu es, et non pour ce à quoi tu ressembles.
    Une émotion nouvelle, plus forte par tout ce qui lui est promis à travers quelques mots, rassurée qu’il les ait prononcés, et ne pouvoir l’en remercier en l’aimant davantage pour l’aimer tant déjà !
- C’est vrai ?
- Tu peux en douter ? Et puis, toi... tu es très bien comme ça.
    Oui... mais, on ne sait jamais... Lui plaire totalement, absolument, sans concession aucune... juste pour lui.
- Cause toujours ! Dis-moi où.
- Tu manques un peu de... Là, tu vois, juste à peine... mais c’est un avis qui n’engage que moi.
    Rien que ça. Et c’est pour cela qu’il n’est pas entièrement satisfait ? Il s’amuse comme un enfant heureux, elle le voit bien. Et l’entendre rire, et rire avec lui... elle a si peur parfois. Tout prendre, chaque instant, sans en laisser perdre un seul.
- Bien sûr, tu n’as aucun goût. Mes fesses ! Elles sont parfaites. C’est tout ?
- Pour le reste... il y a aussi... je ne sais pas si je peux en parler.
- Quoi encore ? Non, n’en rajoute pas, je ne veux rien entendre. Si je corresponds si peu à tes fantasmes, je me demande ce que je fais là. Combien ? Un, deux kilos ? Rassure-moi, pas plus... dis-moi, Julien... combien pour te plaire tout à fait, sans réserve ?
- La question est intéressante, je vais prendre tout mon temps pour y répondre. Ces calculs sont trop complexes pour ne pas y réfléchir attentivement.
    Et l’emporter dans une étreinte folle, pour lui montrer à quel point il la désire, elle.
Depuis le premier jour.
Pour un regard étonné levé vers lui et qui l’a envoûté à jamais, pour une bouche, source vive à laquelle il se désaltère, pour un corps flexible, contre lequel il lutte avec plus de plaisir à chaque fois.
Pour des moments de tendre guerre, où il la découvre adversaire hardie et audacieuse, où elle devient complice et alliée, pour une aptitude en elle à rendre chaque instant particulièrement intense... Pour une sensualité à fleur de peau, qui le grise, uniquement de la regarder, de la vivre, de l’accompagner. Et pas seulement cela... et bien plus encore.
    Pour une personnalité complexe, forte et fragile en même temps, tout ce qu’elle porte en elle, qu’elle ne livre qu’à lui, peu à peu, et parce qu’il sait, depuis le premier jour, qu’elle lui est destinée.
Sans se demander pourquoi, une évidence.
Parce qu’elle est Elle et qu’elle Lui permet de l’aimer.
Encore deux semaines, toutes à eux... Ensuite... ils verront bien.
Demain, il a quelque chose à faire, une course urgente... Une rencontre prévue pour la mi juillet avec Robin, en vue d’autres contrôles. Pour un début d’espoir, sans réelle certitude d’y avoir droit et dont il ne lui dira rien.
Puis ils reprendront leur rêve.
Demain... Demain n’existe pas.
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 23:21

- Non, Julie. N’en parle même pas !
- Pourquoi ? Je me suis renseignée, je ne risque rien.
- Il n’en est pas question et tu sembles ne pas réaliser ce que tu veux me demander.
- Si c’est d’en assumer la responsabilité qui t’ennuie, je t’en dégage immédiatement.
- Te rends-tu compte de tes propos ? Pour qui me prends-tu ? Me dégager de quoi ? Toi ! La vie s’en chargera bien sans ton aide. Chérie, n’enfouis pas la tête dans le sable, ne joue pas le bonheur parfait.
- Raison de plus ! Crois-tu que j’accepte si aisément l’idée de te perdre ? C’est vrai, je n’y crois pas, je ne veux pas y croire, parce qu’il me semble que le simple fait d’en admettre l’éventualité peut la rendre inévitable.
- Seigneur ! Je ne le verrai peut-être pas grandir. Et toi, seule avec... comment feras-tu ?
- Comme tant d’autres ! Il vaut mieux que je sorte d’ici.
- Julie !
- Laisse-moi... Ça passera. Tout passe.
Egoïste ! Un monstre d’égoïsme, lui aussi, pas pour les mêmes raisons mais, au bout du compte, il ne veut rien lui donner de lui-même.
Plus cruel encore que Gabriel, car si le destin le lui prend, elle n’aura plus rien. Rien qui la retienne, pour remplir sa vie ni pour l’aider à aller de l’avant.
Aimer à nouveau comme elle l’aime, lui ? S’imaginer entre d’autres bras, s’endormir aux battements d’un autre cœur, et trouver auprès d’un autre la même entente, pas seulement physique... surtout la même complicité... Combien de fois se sont-ils retrouvés à mi-chemin, chacun souffrant de l’absence de l’autre au même instant. Ils ont tellement en commun.
Il a deviné son désir d’enfant avant même qu’elle ne lui en parle, il a dit « non » seulement de le lire dans ses yeux... Le mot « bébé » n’a même pas été prononcé, comme si ainsi il en refusait totalement la possibilité, comme si, de lui permettre de planer entre eux, il le faisait déjà présent et plus difficile pour lui de le lui dénier.
Mais par cela il la condamne à la solitude.
    Le silence autour d’elle, sans pouvoir le fuir, où qu’elle aille, quel que soit l’endroit où la guident ses pas... le silence qui l’attend pour les années à venir.
    Julien ne peut mesurer tout ce qu’un enfant représente pour elle... Le moyen de ne pas le perdre totalement, pour rechercher et traduire une ressemblance dans un trait du visage, dans une expression des yeux, dans leur forme ou leur couleur, ou bien dans un geste, ou seulement une attitude. Et le retrouver, et savoir qu’il ne l’a pas laissée seule, qu’il demeure près d’elle, sous une autre apparence, mais avec autant d’amour.
    De l’amour ! Elle en a tant à donner... Elle saurait le rendre heureux. Un garçon, ou une fille, dont il aurait pu être fier, bien plus, orgueilleux. Leur enfant ! Pour lui, elle aurait su trouver les mots pour raconter son père, le lui présenter, le faire tangible, pour qu’il l’aime autant qu’elle.
Et elle, en fermant les yeux, en détaillant leurs souvenirs, elle pourrait l’imaginer... vivant et seulement absent... parti pour un quelconque voyage et sur le point de lui revenir.
    L’herbe crisse sous ses pas, elle avance dans les premières lueurs d’un crépuscule qui ne lui apporte aucune joie.
Elle s’est trop éloignée et Julien va s’inquiéter. Tant pis !
Il est temps, pour lui, de réaliser, qu’elle-même, n’est à l’abri de rien, que la vie peut la malmener ou qu’un caprice du hasard peut l’emporter... bien avant lui...
Leur première nuit... à cause de quelques mots et d’un possible accident...C’est uniquement cela qui l’a contraint à refouler ses stupides scrupules, parce qu’elle lui est apparue vulnérable et mortelle, et que la crainte de la perdre a fait reculer celle de la souffrance qu’il pouvait lui occasionner.
Sa main sur elle, ce soir-là, elle en ressent encore la douceur et toute la chaleur... une nuit de tendresse, pas seulement à cause d’un bandage qui le gênait mais parce qu’il devait en être ainsi, parce qu’elle ne désirait rien d’autre, et lui pas davantage, sinon, se respirer, s’absorber et se mêler. Sans pouvoir maîtriser la vague d’émotion qui l’a menée au bord des larmes.
Elle doit rentrer... ils ont encore du temps devant eux, bien assez pour le convaincre, ce n’est qu’une bataille... leur première et ils en auront d’autres.
Encore deux jours et ils auront quitté cet endroit.
Pas pour longtemps, ils ont décidé d’y revenir à chaque fin de semaine. Il faudra bien cela à Julien pour finir de poncer une maudite table !
Une sirène têtue ? Il va voir à quel point...
Où est la maison ? Il devrait lui être interdit de sortir dans un tel état d’énervement, à chaque fois elle se débrouille pour se retrouver dans une position invraisemblable. Là, sur la gauche, un arbre qui lui paraît familier... Et pourtant... une butte devant elle ? Il ne lui semble pas avoir grimpé un seul instant ! Pourquoi doit-elle se mettre dans des situations pareilles ? En maillot de bain, perdue en plein cœur d’une garrigue frémissante de mille bruits, et il est l’heure à laquelle la nature s’éveille, vibre, et palpite sous la fraîcheur des premières ombres de la nuit.
En prenant tout droit, elle finira bien par arriver quelque part. Non, ne pas s’embrouiller davantage dans un dédale de mauvais chemins, il suffit de gagner le haut du tertre, bien à l’abri sous l’arbre qui se découpe sur les traînées sanglantes de l’horizon. De là, elle pourra tenter de se situer au plus juste, ou, dans le cas contraire, y attendre le matin.
Julien va devenir fou d’angoisse et il n’a pas besoin de cela pour le moment.
Perdue ? Plus que ça, ce serait difficile... Pour le peu qu’elle puisse en juger sans lunettes, il n’y a pas la moindre maison devant elle... ou alors... sur la droite !.. des lumières qui naissent, qui se font fête ou incendie dans l’obscurité. Et une qui s’en détache, qui avance... Vers elle ?
Un peu de patience, et ne pas quitter la sécurité du monticule, plus bas, elle risquerait de la voir disparaître, et s’égarer davantage.
C’est bien Julien ! Elle doit attendre qu’il soit à portée de voix et lui rendre la paix. Où va-t-il ? Il change de direction... Non, seulement contourner un obstacle. Là, encore un peu... et il devrait pouvoir enfin l’entendre.
Elle aime lancer son prénom au-devant d’elle, l’entendre remplir l’espace et se répercuter tout autour d’eux. Elle le crie, de toutes ses forces, une fois, une autre, créant un écho factice, et encore... encore pour le plaisir...
Détachée du tronc noueux, agitant les bras pour être plus visible, et heureuse de voir un faisceau lumineux décrire des arcs de cercle, plus bas, en guise de réponse.
Julien l’a vue, quelques minutes et il l’aura rejointe. Et elle n’est pas certaine d’échapper à un joli sermon, alors autant ne pas en avancer l’échéance. Ici, ou en bas... Il sera mérité.
Des brindilles qui craquent... il arrive et elle ne va pas y couper !
Julien est là, et elle va devoir lever la tête, et rencontrer ses yeux, et essuyer sa colère. Elle ne s’attend pas à ce qu’il prenne place près d’elle, l’entourant simplement d’un bras.
- Tiens, j’ai pensé que tu en aurais besoin.
    Une chemise, l’une des siennes.
- Merci... Tu... tu es fâché ?
- Non, chérie... pas après toi. Je suis bien, là, et si je tendais la main, je suis certain que je pourrais toucher le ciel. Je t’aime, Julie, de toutes mes forces, pour une heure, une année, pour l’éternité.
- Julien, si tu savais...
- Je te crois, toi aussi... Tout autant, je le sais. Viens contre moi, je n’ai pas envie de retourner à la maison. Vois-tu, ici, j’ai l’impression que nous faisons partie de... tout ça.
- Complètement, un banal élément de la nature, toi et moi, ensemble ou séparément. Mais notre véritable importance, c’est en nous qu’elle naît, par ce que nous éprouvons l’un pour l’autre. Seul l’amour nous donne une dimension. Sans lui... nous ne sommes plus rien... Sans nous, la terre continuera ses rondes, le soleil d’irradier son éclat et l’univers sa fuite dans le temps. Avec ou sans nous, Julien. Nous ne sommes qu’une étape, à la limite inutile, un maillon insignifiant.
- Après nous, il serait dommage que la chaîne disparaisse.
- Nous ne pouvons rien y changer, c’est ainsi pour tous.
- Non, je veux dire... seulement nous deux... notre continuité à tous deux. Que préférerais-tu, un garçon où une fille ?
- Julien... Tu serais d’accord pour...
- De quel droit te refuserais-je l’essentiel ? Si tu n’étais pas partie aussi vite... Déjà en la rejetant, cette idée m’a rendu l’espoir, et pour toi... Julie, même si c’est la dernière chose que je puisse réaliser... finalement j’ai eu le sentiment très fort que te donner cet enfant n’était que la justification de mon existence, que ma tâche essentielle était de t’octroyer ce présent que tu désires tant, que je n’ai vécu que pour cela... Vivre pour que tu portes la vie, bien mieux, les nôtres mêlées à jamais, de génération en génération... Un défi lancé au temps... et l’amour de Julien pour Julie.
- Je préfère l’amour de Julien et Julie.
- Et si nous nous y mettions dès maintenant ?
- Ici ? En plein air ? Tu es complètement fou !
- Non, tu ne te rends pas compte, avec la complicité de millions d’étoiles, toutes celles dont tu parlais dans tes lettres.
- Tu les a lues.
- Une seule, mais je suis certain que c’est la plus belle... Ton amie, la fée céleste, sais-tu où elle se trouve en cet instant précis ?
- En nous, sa place véritable, nous avons chacun la nôtre.
- Alors, peux-tu imaginer, un enfant, à nous, avec une marraine pareille, non deux. Et puis, cet arbre, la terre, le ciel, regarde... écoute... Ils t’en supplient ; tu ne vas pas faire celle qui n’entend rien ! Julie, j’aimerais tellement que tu me donnes « ce » bébé. Tu ne vas pas me refuser ça ?
- Tu sais si bien m’en prier. Julien... Julien, je vais t’offrir un enfant unique au monde.
- Aussi spécial que le Petit Prince ?
- Ça aussi, tu l’as vu ! Vois-tu, ces pages ont hanté toute mon enfance... Et ce livre... c’est par lui que j’ai appris le rêve et je le gardais dans l’attente, qu’un jour... comme un cadeau à transmettre. Je n’y croyais plus, tu sais... depuis longtemps. Tu ne peux pas mesurer le bonheur que tu me donnes, tout ce que tu me rends d’espérance. Pour moi, c’est bien plus qu’un joli conte.
- Et nous le lui lirons ensemble... Julie...
- Aime-moi, Julien... aime-moi, de toute ton âme.
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 23:20

- Mais qu’as-tu, Julie ? S'exclama Claudine. Depuis que tu es rentrée de vacances, tu n’as pas cessé de me houspiller !
- C’est la troisième fois que je te retourne ce courrier, si tu ne sais plus taper un rapport correctement, tu... oh ! C’est de ma faute... j’ai inversé mes chiffres... Je suis désolée.
- Ce n’est pas grave...  
- Sans doute, mais je n’ai pas à passer ainsi mes nerfs sur toi...
- Tu sais, soupira Claudine, avec un air résigné, c’est le triste lot de toutes les secrétaires.
- Vraiment !
- Si je le dis, tu peux le croire...
- C’est bon à savoir, je me sens soudain beaucoup moins coupable ! Pas de message pour moi ?
- Mais... tu as pris tous les appels de la matinée ! Tu m’inquiètes... si tu as un problème...
- J’ai seulement un peu de mal à me remettre dans l’ambiance, tu verras, dans quelques jours, ça ira mieux.
- Voilà qui ne te ressemble pas.
- Que veux-tu... tout arrive ! Bon, je te laisse... en cas de besoin, je suis à l’étage...
    Sortir ! Elle doit sortir de là, d’un périmètre de murs où rien ne peut la réconforter, où rien ne sait la distraire d’une attente insoutenable.
Un mois entier, à se remplir de lui, à l’apprendre, à le regarder vivre et à vivre par lui. À peine un petit mois, déjà envolé... dont Julie ne veut rien oublier, pas même les moments de doute, pas même les nuits et leurs heures silencieuses à l’écouter respirer jusqu'à épouser le rythme apaisant de son souffle, à redouter un front soudain moite ou à guetter une faiblesse et trembler de soulagement entre la force tranquille et assoupie de ses bras... elle veut tout garder intact en elle, aussi bien la joie que la souffrance, pour les avoir ressenties par lui... jusqu'à la moindre émotion...
Trop peu de temps, pas suffisamment pour endurer le cœur léger des séparations trop longues...
Pourquoi s’obstiner à rejeter l’offre de son oncle ! Rien ne l’obligerait à travailler avec elle, si c’est ce qui le freine, mais il pourrait rejoindre l’équipe de Michel ou celle de Raymond, ils se plaignent constamment d’être débordés... Et ils ne sont pas assez ambitieux pour piloter efficacement leur département... Julien, lui, saurait en assumer la pleine direction.
Il n’est pas question que Julie renonce à son poste, mais lui céder le secteur impression et mise en page ne l’ennuie pas du tout, un service complémentaire du sien mais que rien n’empêche de devenir indépendant, avec ses propres clients et une totale autonomie sur le choix de ses contrats ou objectifs.
Déjà trois jours... à se traîner, à gaspiller son énergie dans une tentative absurde d’être efficace, ne s’animant vraiment qu’aux alentours de Midi. Parce que Julien la rejoint, parce qu’elle lit dans ses yeux la même impatience, parce que sa main est toujours prête à saisir la sienne.
Encore deux... et ils reprendront la route vers Aups.
    Elle a hâte de se réfugier dans une maison qui la rassure, avec ses murs épais et solides, semblables à des murailles invincibles derrière lesquelles elle le veut à l’abri, où elle peut le maintenir hors d’atteinte de tous. De tout. Où il n’appartient qu’à elle.
Julien... C’est bien trop long ! Quand va-t-il se décider à la joindre, à lui communiquer les résultats des dernières analyses ?
Il connaît pourtant la mesure de son angoisse... Comment pourrait-il l’ignorer ! Et s’il n’appelle pas... c’est mauvais signe, c’est que... ça doit mal se passer !
Non, pas après les dernières semaines sans aucun symptôme alarmant. Et à quand remonte la dernière poussée de température ?
En fait... il n’y en a eu qu’une seule... quelque chose d’atroce, qui lui a rappelé les accès de malaria dont souffrait l’un de ses oncles, et Julie voudrait ne plus avoir à y faire face... pour ne pouvoir rien... rien qui soulage vraiment... sinon être là... près de lui.
Une crise survenue dès le lendemain de leur arrivée... et qu’elle a voulu justifier par une intervention chirurgicale qui l’avait affaibli, un changement de lieu et la fatigue d’un trajet en voiture dans la chaleur lourde d’un début d’été... ou tout simplement à cause d’elle, d’une émotion nouvelle dans sa vie... pour plein de raisons logiques... parce que, depuis, plus rien... sinon deux ou trois suées insignifiantes, et, en Julien, une énergie sans cesse renouvelée, et à chaque matin, plus intense.
L’insensé ! À aucune occasion, il ne lui a donné l’impression de quelqu’un qui devrait à tout prix se ménager. Encore heureux qu’elle se soit trouvée à ses côtés, par son manque total d’entraînement et son inexpérience, elle l’a contraint à limiter ses grimpettes et ses escapades au strict minimum... et à un rythme acceptable dans son cas.
Quand elle y pense... un Julien en pleine forme ! C’est, pour elle, l’épuisement assuré si elle s’obstine à le suivre partout.
Et cependant, au bout de la course, la récompense promise était à la hauteur de l’effort demandé et il lui a appris à regarder une région, qu’elle croyait pourtant bien connaître, d’une tout autre manière.
Et pas seulement cela... Ils en ont fait leur territoire, leur paradis à eux, à travers chaque halte prolongée, par chaque arbre, confident inattendu de leurs désirs et de leurs rêves.
Ils se sont dessiné un avenir, ils ont élaboré tellement de projets... ils ne peuvent que les mener à terme... tous ! Et il n’est pas question de se laisser abattre, ni seulement décourager, elle veut une Julie heureuse et souriante... pour Julien.
Pour commencer, une maison, bien à eux... L’appartement de Julie est splendide, mais il y a trop de tristesse entre ses murs, et elle se découvre superstitieuse au point de l’imaginer contaminer leur bonheur tout neuf.
Quant au bric-à-brac de chez Hélène, c’est bien joli... mais un temps. Pas trop ! Il ne leur ressemble pas et puis... ce n’est pas « chez eux ». Ils s’y savent seulement de passage, et elle veut un endroit qui les retienne, qui les sécurise, elle veut situer leur existence dans un environnement stable, surtout construit pour durer l’éternité.
Dès leur retour, ils se sont lancés dans l’aventure, sans avoir spécialement défini ce qu’ils recherchent, et dans l’attente d’un coup de cœur.
Ils en ont visitée une, pas plus tard que la veille. Pas très grande mais bien assez confortable, avec une exposition exceptionnelle et... une piscine, pour qu’ils puissent continuer leurs ébats aquatiques...
Julie ! Est-ce bien le moment de penser à cela !
Trois chambres, une cuisine, deux grandes pièces, toutes ouvertes sur la rade, et une énorme cheminée... Dans le Midi ! Quelle idée saugrenue de prévoir, pour une région pareille, un âtre digne des froids polaires !
Et sans oublier une aile à restaurer. Juste ce qu’il faut pour un bureau où Julien se sentirait totalement indépendant, et ... une salle de jeux pour les jours de pluie... mais ils ont le temps... ils décideront sur place... ça, c’est secondaire.
Un prix trop élevé et qui devra être discuté, mais si elle plaît autant à Julien qu’à elle-même, elle est prête à signer immédiatement.
Julien... Que fait-il ? Où en est-il ? Ça n’en finit plus...
Tiens, pourquoi ne pas demander à David et Raymond, d’y faire un tour, d’en prendre quelques photos et de lui croquer un projet de rénovation ? Une façade de maison de poupée, avec un pignon, des arabesques de tuiles, des murs de coquillages transparents, sans porte ni fenêtre infranchissables, offerte à l’air du large, aux embruns...
Rêve, fillette, rêve... Plus sérieusement... la dessiner à leur image pour qu’ils y vivent heureux.
Comment ne plus entendre les haut-parleurs qui la narguent, qui appellent Raymond, Stef ou Gisèle... et jamais elle.
Bientôt l’heure du déjeuner et toujours rien ! Sinon David, vu trop tard pour lui échapper, qu’elle imaginait chagriné à cause du départ de Justine, et qui, apparemment, s’en est fort bien remis.
- Salut, Julie ! Tu me tiens compagnie ce midi ? Tu es ravissante... Fais voir tes yeux... Vert et or ? Le nirvana ! Dis donc, trois jours sans un cri, sans un rappel à l’ordre, à croire que tu nous offres des vacances !
- Idiot ! Va demander à Claudine ce qu’elle en pense. En revanche, en mon absence, vous vous êtes débrouillés comme des champions !
- Oui, à d’autres ! Tu as dû dépenser une fortune au téléphone... Au fait... nous avons un rendez-vous à seize heures.
- Avec qui ? Personne ne m’a rien dit.
- Un certain... Castel Gabriel.
- Encore !
- Oui, il semble désireux de nous confier sa prochaine campagne publicitaire, et il pense que, cette fois-ci, tu ne la refuseras pas... « Julie sera trop occupée ailleurs, pour y mettre son nez » Textuellement !
- Il se fait des illusions. Un gros budget ?
- Intéressant... Un début, je pense. Alors ?
- C’est à voir... nous allons étudier son affaire sérieusement, comme un client ordinaire et en gage de paix entre nous.
    Une voix qui résonne... qui clame un prénom...
Et Julie tremble, le cœur au bord des lèvres, sans courage, prise de vertige, sans plus savoir où situer le téléphone le plus proche...
- Julie ? Bonjour, c’est Ed. Comment allez-vous ?
    Elle doit se retenir au bord du bureau. De soulagement ? De déception ? Elle ne sait plus. Elle avait complètement oublié Ed Musslër et sa promesse de les rejoindre dans le courant de la journée.
- Ed ? Très bien. Alors, vous arrivez toujours ce soir ? Par quel avion ? Si vous le désirez, j’irai vous prendre à l’aéroport.
- Je suis déjà là, petite. J’ai pris celui de sept heures et je suis avec Julien. Il tient à me faire voir je ne sais quoi, que paraît-il, vous aimez beaucoup. Il est encore entre les mains du Professeur Robin et il m’a chargé de vous appeler.
- Ce n’est pas fini ? Ed... vous ne savez rien ? Rien de plus ?
- Non, Julie, et ça risque de durer un moment. Ensuite, cette affaire dont il ne veut rien me dire et puis... nous nous retrouverons à la maison.
- Ce soir ? Pas avant.
- Attendez... Deux secondes. Non... Julien vous demande de rester au bureau. Dès que nous en avons fini, nous passerons vous prendre.
- C’est d’accord. Comment va-t-il ?
- Très bien, ne vous tracassez pas. Je m’occupe de lui.
- J’y compte, Ed. Merci pour tout. Ne tardez pas.
- C’est promis.
    Ne pas pouvoir contrôler le tremblement de ses mains. Elle ne doit pas lui infliger le spectacle de son désarroi. Elle se veut forte, pour lui, pour eux.
Un déjeuner sans lui, le premier depuis... Autant accepter la compagnie de David, et s’abrutir de travail.
Le temps est un ami charitable, il a beau s’étirer, paraître cesser sa course, il n’en finit pas moins par passer. Sans retour, ce qui est parfois regrettable, inévitablement, ce qui est mieux, dans certains cas.
Encore le téléphone, Claudine toujours en vadrouille, et une lettre à dicter... Vivement que la journée s’achève. Sur un café. Un autre. Une vraie pelote de nerfs à vif ! Le haut-parleur... Cette satanée gamine va en prendre pour son grade !
Et deux coups à la porte...
- Entre. Où traînais-tu encore ?
- Je viens d’arriver.
Une voix sous laquelle elle frissonne… et une main... sa main... qu’elle connaît si bien, qui dépose un gobelet fumant devant elle. Faire pivoter son fauteuil... revivre une émotion oubliée.
- Julien...
- Noir, serré et sans sucre. Tu désires autre chose ?
    Et il ose le demander ! Alors qu’elle est déjà debout, doigts tendus à la rencontre des siens, rassurée de leur étreinte chaude, ferme, et tranquille.
- Toi ! Seulement toi ! Tu m’as manqué... Si tu savais.
- Tu en as fini ici ?
- Oui, je peux tout laisser. Rien que je ne puisse reporter. Nous partons dès que tu le souhaites. Attends ! Le rendez-vous... Tant pis, ils se débrouilleront sans moi. Viens, filons.
- On se sauve ?
- En catimini ? Et Ed ?
- Reparti. Il t’embrasse, et... moi aussi...     
- Julien...
    Se laisser aller contre lui, en arriver à le détester pour un visage impénétrable, et trembler pour la douleur qu’il pourrait vouloir ainsi lui cacher, et s’offrir sans réserve à ses lèvres. Et tout prendre...
    À peine le temps de ramasser son sac, d’un signe à Claudine, et de croiser David et Gabriel, exacts au rendez-vous.
- Que vient faire ici ton Gabriel ?
- Il est là en client, et tu oublies le possessif. Tu comptes m’entraîner jusqu’où comme ça ?
- Eh bien... Je pensais t’inviter à dîner quelque part. Enfin... pas toi... une autre. Tu sais, une de tes Julie... celle qui me poursuit depuis un certain soir. J’ai quelque chose à rattraper avec elle, ou à me faire pardonner.
- Oh ! Celle-là ? Exactement la même ?
- Tu pourrais la réveiller, dans le moindre détail ?
- Je te promets qu’il n’y manquera rien, mais, pour cela, je dois passer chez moi... à l’appartement... tout ce qui peut te la rendre s’y trouve.
- C’est encore mieux. Je t’y dépose et je t’y retrouve à dix-neuf heures. Ça ira ?
- Si tard ! Julien...
- Allez, monte, dépêche-toi !
- Pourquoi ? Rien ne presse, j’ai tout mon temps.
- Pas moi, une course importante que je ne peux remettre.
- Où ?
- Sais-tu ce qui arrive aux individus trop curieux ?
- Non. Et je ne te donnerai pas la satisfaction de m’en faire une démonstration. À ce propos, tu n’as rien... à me dire ? Pour...
- Non, rien de nouveau. Plus tard, Julie... pour le moment, je ne veux penser qu’à nous.
    Blottie contre lui, l’esprit fermé aux pensées tristes. Il veut la Julie de ce soir-là, et elle va la lui rendre, aussi scintillante, aussi... Chameau ! Lui qui disait la préférer au saut du lit.
    Arrivée au bas de l’immeuble, elle est sortie du véhicule, sans un baiser, sans un regard en arrière. Déjà prise par son personnage. Cette nuit-là.
    Celle où elle a tant souffert et il a le culot de la lui faire revivre. Que déduire de toutes ses cachotteries ?
Ses clés ! Pas encore... Non, elles les a.
    C’est cette Julie-là, qu’il veut ! Il va être servi.
    Un soin attentif à ne rien omettre. Zut ! Les cheveux, plus la même teinte, à cause de trop de soleil. Tant pis, il s’en accommodera.
Elle redevient sirène, un plaisir oublié.
Elle réalise, qu’en effet, depuis quelque temps, elle n’a plus le besoin de jouer, de se dissimuler.
Les fards ? Rien de plus qu’un geste habituel. Une habitude ? Pour elle ? Il est temps de se reprendre, sinon, il va s’ennuyer.
Elle a dû lui devenir monotone ; et elle ne s’en est pas rendue compte. Et son exigence n’est, sans doute, qu’une façon gentille de la secouer... seulement cela.
La dernière touche, la poudre d’or. Et sa bouche. À peine un soupçon de rouge. Voilà... c’est fait... tout y est !
La robe, les chaussures. Fini !
Et le carillon de la porte... Pile à l’heure.
Son sac, son châle, le même geste qu’autrefois, celui de lisser sa robe, de voiler son regard, mais inconsciente d’une autre attente, presque timide.
- Julien, je suis prête.
- Vous êtes merveilleuse, Mademoiselle Julie Gaillette. Nous y allons ?
    « Vous ? » Il reprend tout au début ! Autant jouer le jeu.
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 23:19

    Ils ont suivi le même itinéraire mais sans Justine ni David.
Un verre à La Samaritaine, quelques pas sur le vieux port.
Ensuite La Galiote, la même table, et, quoique Julie n’en jurerait pas, certainement le même menu.
Puis... Le quartier de la Plaine, le Piano-bar... mais avec un Julien en pleine forme, lui accordant la liberté de danser entre d’autres bras, heureux de la voir courir vers lui la dernière note envolée, et l’accompagnant à son tour, sans faiblesse aucune.
Au fond, elle trépigne... Pour le calme dont il ne se départit pas, pour le regard serein qui la suit, qui la caresse et pour la façon de la vouvoyer, la maintenant à distance.
L’échec de la sirène ? Elle n’a pas dit son dernier mot.
Cette fois, c’est lui qui a donné le signal du départ... Pour une échappée en bord de mer.
Comme autrefois, elle l’a abandonné dans le véhicule, pour quelques pas en solitaire, lui offrant à nouveau un spectacle d’ombre chinoise se déplaçant sur un horizon étincelant.
Elle s’est assise, et elle a attendu qu’il vienne la chercher.
Un Julien désireux de reprendre leur histoire à ce moment précis. Il ne l’a pas contrainte à se relever, et il s’est contenté de s’asseoir près d’elle.
- Julie, ces parenthèses de solitude... Même chez nous, à Aups, elles te sont nécessaires, n’est-ce pas ?
- Oui, un moyen de redevenir moi-même, quelque part. Tu vois, en ce moment, je suis en paix avec tout ce qui m’entoure.
- Et j’aime particulièrement te retrouver ainsi... Julie... pour nous, c’est cette nuit-là que tout aurait dû commencer.
- Je l’ai espéré très fort... c’était davantage qu’une espérance... une finalité, ou une certitude.. nous deux...
- Je sais... Il fait meilleur ce soir, il n’y a pas de vent et l’eau doit être chaude.
- La meilleure heure pour apprécier la plage.
- Nous sommes seuls.
- Je vois ça.
- Ça te dirait ?
- Quoi ? Non ! Un bain de minuit ? Un vrai ?
- Tu peux en imaginer un autre, pour nous ?
- Tu oserais ?
- Plutôt deux fois qu’une !
- Un pari de gamin...
- Serais-tu raisonnable ?
- Tu n’avais qu’à mieux choisir ta Julie, celle-ci est bien plus que sage car elle risque de disparaître dès la première vague.
- Eh bien, si tu crois qu’il n’y a aucun moyen de la persuader, tant pis ! Moi, j’y vais...
    Mais c’est qu’il en a vraiment l’intention ! Déjà debout, se défaisant de sa veste... et... et elle ? Il compte la laisser là, comme ça ! Et jusqu'à quel point va-t-il user ses forces ?
- Julien... attends...
- Tu as changé d’avis ?
- Ne t’éloigne pas trop, s’il te plaît.
- Sois sans crainte, et... dépêche-toi de me rejoindre...
    Attendre qu’il se soit dévêtu, qu’il ait nagé assez loin, et alors, seulement, se dénuder, sous la pâle clarté de la lune, et avancer dans les flots placides, y devenir ondine et glisser vers lui, sans hâte, et frémir enfin aux mains sur sa taille, à la bouche sur la sienne.
Ils ont joué à se pourchasser, éclaboussant la nuit de gerbes d’écume et animant l’espace silencieux de ricochets de rires. Ils se sont aventurés au plus profond de l’onde, traquant les éclats oscillants et fugitifs d’un astre lunaire morcelé au gré d’un miroir d’eau versatile, et ils sont devenus esquifs, corps dociles et enlacés, offerts aux caresses des vagues. Ils se sont laissé porter, et envelopper et ensevelir par elles, et ils se sont aimés au cœur d’une constellation mouvante et fluide. Ils ont dérivé, poussés par un courant débonnaire, jusqu'à trouver le sol ferme sous leurs pieds, et ils se sont arrachés à l’étreinte marine, appuyés l’un à l’autre, jusqu'à s’écrouler sur le sable encore chaud, Julie contre Julien... Julien retenant Julie.
Elle, à demi posée sur lui, attentive à surveiller les battements d’un cœur...
Lui, heureux sous elle, souriant au ciel curieux, à la mer complice, à la terre accueillante.
    Combien de temps sont-ils restés ainsi ?
Lui, visage tourné vers l’insondable mystère de l’univers.
Elle, à rêver, silencieuse, laissant couler de fins filets de sable blond entre ses doigts, sur lui, sur elle, les liant par de délicats sillons, absente, perdue dans le monde qu’elle dessine pour eux.
Au point de sursauter au son de sa voix...
- Peux-tu attraper ma veste ?
- Tu as froid ?
- Mais non, chérie... j’ai seulement envie d’une cigarette.
- Paresseux...
- Sois gentille, elle est juste à portée de ta main.
    Un simple étirement vers l’arrière.
- Julie...
    Elle n’aime pas l’intonation soudain grave de sa voix, et elle voudrait qu’il se taise, qu’il laisse la nuit les imprégner d’encore un peu de douceur...
- Tiens... murmure-t-elle en lui tendant une boule d'étoffe. 
- Arrête de réagir ainsi, chérie...
- Comment ?
- Cesse d’avoir peur, à chaque instant, à tout propos.
Et de le surveiller comme un enfant fragile qui ferait ses premiers pas dans une jungle hostile. Elle doit décider, entre vivre dans l’angoisse et vivre tout court, car, lui, il veut vivre, et il veut qu’elle le fasse avec lui, sans penser à rien d’autre... seulement à la vie.
- C’est... je suis désolée, Julien...
- Dans... deux semaines, je pourrai reprendrai mes activités... avec la bénédiction de ce cher vieux Robin.
- Tu ne peux pas... pas encore...
- Julie, je travaillerai à la maison...
- Et pourquoi pas au bureau ? Nous pourrions t’y aménager un espace bien à toi.
- Ah, non ! Chez nous, ce sera aussi bien. Tu sais, mes plans, mes conceptions d’outillages, je peux les réaliser partout, je devrai m’absenter, également, mais juste quelques visites rapides, pour bien visualiser leurs conditions d’utilisation.
- C’est vraiment indispensable          ?
- Je serai prudent, et je te promets de ne pas m'attarder sur les plates-formes plus qu’il ne le faut, et d’éviter les ouragans.
- Je pourrais t’y suivre...
- Dans l’unique but de veiller sur moi ?
Il ne peut en accepter l’éventualité, et s’il veut que Julie l’accompagne dans la vie, s’il veut la partager avec elle, s’il veut jusqu'à la ressentir par elle, c’est autrement que dans la peau d’un être amoindri, ou dans un état de perpétuelle convalescence. Vivre sans passion, dans l’économie du moindre emballement, pratiquement au ralenti... ne pourrait que lui apporter une insatisfaction qui ternirait leur avenir.
- Chérie, ne me demande pas de renoncer à cet aspect de mon existence, il m’est d’autant plus nécessaire à cause de toi...
- De moi ?
- Avant de te rencontrer, je refusais la résignation, et depuis... je veux davantage... je veux, pour nous, une vie pleine et normale, ... je veux pouvoir t’aimer comme...
- M’aimer ? Le fait de changer de profession n’a rien à voir là-dedans !
- Le crois-tu vraiment ? C’est bien plus qu’un boulot, pour moi et si je dois y renoncer...
- Tu me rendrais responsable de tes regrets...
- Non, mais leur amertume pourrait nuire à notre bonheur.
- Ed m’a raconté qu’il t’arrivait de t’envoler à l’autre bout du monde...
- Et si je dois le faire encore, un jour... eh bien... je te téléphonerai, ou...
- Ou tu m’enverras des cartes postales... c’est tellement facile !
- Si je n’ai pas cette liberté, je ne pourrai pas être totalement heureux...
- Toi... seulement toi ! Tu ne penses qu’à toi !
- À nous ! Julie... pour nous... pour préserver ce qui existe entre nous, ce sentiment aussi fort qu’impalpable, et tellement... rare ! Tu devrais comprendre ce que je ressens, nous sommes aussi passionnés et indépendants l’un que l’autre... Regarde-moi... En d’autres circonstances, t’opposerais-tu à mes ambitions ?
- Tu sais bien que ce serait totalement différent... tu ne risquerais pas de... Et toi, tu parles d’absence, de séparation alors que j’ai si peur, parfois... peur au point de souhaiter que notre vie entière tienne en un seul jour qu’aucune nuit ne viendrait atteindre... peur à ne plus désirer un lendemain...
- Et je veux que tu oublies cette peur... Tu sais, tout... tout ça... nous n’y sommes pas encore... et d’ici à ce que cela arrive, eh bien... j’ai beaucoup de choses à faire.
- Quoi donc ?
- Dans l’immédiat ? T’aimer...
- Et ensuite ?
- T’aimer encore...
- Julien ! Sérieusement !
    Comment lui expliquer, sans l’effrayer davantage, qu’il ne peut se défaire d’un instinct d’urgence quand il pense à elle, sans crainte réelle d’un lendemain impossible pour eux, mais comme si tous les hier passés lui avaient été dérobés, et qu’une main secourable les lui rendait. Comment décrire l’urgence de les remplir d’elle, de n’avoir qu’elle pour souvenirs, et seulement elle pour hanter sa mémoire. Il veut sa présence attentive et la douleur de s’en séparer, la brûlure d’un désir et l’attente de l’éteindre, la joie de surprendre un sourire et l’impatience de le retrouver... Tout ! Et aussi l’épauler, l’entourer de tendresse, veiller sur elle... et il ne saurait y parvenir autrement qu’en redevenant lui-même... celui qu’il était autrefois... celui qu’il sait pouvoir être encore... Ils ont tant de bonheur à rattraper, tant d’espérance à combler ! Tellement, que leurs deux vies, mises bout à bout, n’y suffiraient pas.
- Eh bien, pour commencer... tiens ! .. c’est pour toi...
    Une petite boîte plate et rectangulaire que Julie a du mal à dégager d’un emballage trop minutieux, et elle ne peut retenir un rire nerveux devant son contenu... une minuscule clé d’or se balançant au bout d’une chaînette.
- C’est pour me rappeler mes étourderies ?
- Tes quoi ? Non... la maison... elle est à toi... à nous, si tu es d’accord... dès demain, si tu le veux.
- Tu as signé ? Aujourd’hui ? Julien... c’est... notre « chez-nous » ! Si tu savais combien je t’aime... et le prix ? Tu as fait baisser le prix ?
- Il y avait longtemps ! Fais taire cette Julie trop raisonnable, ou bien, rassure-la. J’en ai confié le soin à oncle Ed... Connais-tu plus fort que lui, dans ce domaine ? Il s’est amusé comme un gamin.
- Il y a beaucoup de travaux à envisager...
- De quoi m’occuper durant les prochaines semaines.
- Quand pourrons-nous y emménager ?
- Chérie, dès que possible... Ces choses-là prennent du temps, comme d’autres... comme... Julie, cet enfant... le désires-tu toujours ?
- Pas toi ? Tu as changé d’avis... tu n’en veux plus ?
    Comment pourrait-il lui infliger cela, avec tout l’espoir qu’il devine en elle... Et abîmer par la même occasion un bonheur à venir, pour lui, pour en rêver déjà... Un fils, qu’il prendrait le temps de voir grandir, avec lequel il ne commettrait pas les mêmes erreurs qu’avec Nicolas, pour lequel il saurait être présent... ou une petite fille, une miniature, copie conforme de Julie, porteuse de la même impatience, des mêmes élans, affichant les mêmes bonheurs... riant du même rire...
- Plus que jamais... Et même, à la réflexion, je ne sais pas si un seul me suffira...
- Tu en voudrais un deuxième... malgré... Julien... dis-moi...
- Non, Julie... ce n’est pas... fini... mais je crois que tu vas devoir te faire à l’idée d’une... association plus longue que prévue... Hé ! Tu ne vas pas pleurer maintenant.
    Pleurer ? Et pas qu’un peu, à cause de lui, de toute l’angoisse contenue depuis des semaines, avivée jusqu'à l’insoutenable par trop d’attente depuis le matin.
- Je te déteste, tu es... tu n’as pas de cœur ! Me faire ça ! J’ai envie de...
- Je ne savais comment t’annoncer une nette amélioration tout en t’épargnant un excès d’illusion. Rien n’est acquis... un risque important persiste encore, il ne faut pas nous le cacher, il ne faut pas tricher, ni sembler l’ignorer, nous ne pourrons respirer que lorsqu’il n’en restera rien... plus une trace.
- J’ai confiance, en toi... en nous, en demain.
- C’est comme cela que je veux te voir, à chaque instant.
Julien a hésité, longtemps... préférant le silence à l’aveu d’une précarité, ne rien dire et attendre... attendre encore pour, un jour peut-être, offrir à Julie une heureuse certitude, et seulement cela. Mais en se taisant, il a eu soudain l’impression de lui mentir... pire encore... de la trahir, de lui voler l’espoir, ne lui accordant que le doute. Et il l’aime tellement, il n’en finit pas de l’aimer davantage, à chaque instant... avec la conviction de porter, en lui, une intarissable source d’amour.
- Julien, serre-moi, fort... très fort... Et puis... à la moindre imprudence... gare à toi !
- Je te promets de me conformer à toutes les prescriptions médicales, et de faire de mon mieux... Ça ira ?
- Tu ne te lasseras jamais de nous ? De moi ?
- Certain de cela au point d’envisager le mariage...
- Je n’y tiens pas spécialement, tu sais..
- Julie ! C’est important pour moi.
- Crois-tu que nous ayons besoin de ça ?
- Nous en reparlerons plus tard...
- D’accord... quand nous serons très vieux.
- Tu es une vraie tête de mule.
- Tu n’as pas fini d’en voir avec moi !
    Et c’est tant mieux... parce que la vie, avec Julie...
Julie ? Laquelle ?
La sirène de tantôt a disparu, effacée par les vagues, et il y en a tant et tant... et elles sont belles et captivantes, tendres et espiègles, passionnées et fragiles... et elles sont toutes elle, et aucune ne saurait lui déplaire.
Mais la plus troublante, la plus émouvante, c’est encore la plus secrète, celle qui se serre contre lui, qui dort près de lui, celle qui rit avec lui, et c’est cette Julie-là qu’il préfère...
- Dis, Julien...
- Oui ?
- Si on rentrait ?
- Oui, mais... pas déjà... Quelques minutes encore... j’ai envie de toucher les étoiles, si tu m’en montres la voie... et chercher celle qui dort en toi...
- Chéri...
- Julie... ne ferme pas les yeux... je crois... je crois que je la vois...
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13

 

Le spectacle commence !
Il entre en scène, l’artiste,
Et, d’un cri, s’élance
Pour un dernier tour de piste.

Plus de foule en délire,
Mais il est sur la scène
Où ses souvenirs l’enchaînent.
Il récite des mots,
Le vieux Beau !

Il a besoin de séduire
Et joue à roucoule voix,
Il use de son velours regard
Et mime un corps accord !

Aimer ou séduire ?
Il a fait son choix
Toujours sur le départ,
C’est l’envers de son décor !

Bien sûr qu’il bafouille
Mais c’est sa vie qui cafouille !
Bien sûr qu’il oublie,
Et les mots et les textes
Dont sa mémoire le déleste
Au plus froid du lit,
De ses nuits solitaires
Où l’insomnie l’enferre.

Pas de hourra ! Plus de bravo !
Mais il déclame, le vieux Beau !
Le public applaudit,
Le trac s’évanouit,
Et l’artiste joue !
Debout !

Il joue la vie ou sa vie
Il distrait son ennui
Il joue à ce qu’il n’est pas
Et pense à ce qu’il voudrait être
Ou bien à ce qu’il aurait pu être
À ce qu’il ne sera pas !
Ou encore à ce qu’il n’est plus…

Mais le spectacle continue…
De masque en masque,
Sa réalité craque.
Il use de toutes ses ficelles
Pour se peindre la vie belle,

Il brûle en déraison
L’aimable tendresse
Et tombe en pamoison
Aux fugaces liaisons.

Il bombe encore le torse
A des amours fausses
Il redresse haut le front
Et renie la passion
Pour vaincre un cotillon

Mais y croit-il, l’artiste ?
Pourquoi se ment il, le vieux Beau ?
Il a tout faux, l’artiste
Pour son dernier tour de piste,
Mais il joue vrai, le vieux Beau
Pour que vivent les mots !

Il est seul sur la scène
Le rideau est tombé
Il salue comme on peine
Quand la vie bégaie.

Fini, le tour de piste,
Il rentre chez lui, l’artiste
Il a froid, il a peur et redoute
Le silence de ses draps solitude.

Il boit, le vieux Beau en déroute,
Il distrait sa lassitude
Dans de virtuelles relations
Il traque toujours, l’artiste
D’éphémères illusions.

Le vieux Beau
A usé tous les mots
Il n’est plus qu’un clown triste
Que le public oublie.
Son numéro est fini…
Que le spectacle commence !
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13


J’ai, sais-tu, tout au bord du cœur,
A portée de voix,
Un chant de bonheur
qui me vient de toi.

J’ai, vois-tu, tout au fil des yeux,
juste tendre les doigts,
Un instant heureux
pour toi et pour moi.

J’ai, si fort, au plein de mes nuits,
Refoulant l’ennui,
Tout à fleur de peau,
Des retours d’envie.
et, si doux, quelque chose de chaud,
qui, du creux de mes reins
à la pointe des seins
me rend à la vie

J’ai, ici, tout au fond de moi,
Oui, comme autrefois,
Des frémissements,
Une faim d’amant.

Je sais, ne me le dis pas !
j'ai perdu du temps,
M'en reste plus tant.
C’est bien pour cela
Que je te voudrais là,
et être enfin « nous »,
Et te recevoir,
Pour, dans un élan fou,
Revivre à l’espoir.

Je vais m’appliquer
A tout effacer,
Et la peur chassée,
Doutes dissipés,
D’hier en finir,
Renaître au désir.
Pour toi, je ne veux plus voir
Descendre le soir,
Tel écran de brume
Sur cœur amertume.

J’ai, tout au bord du cœur,
Tout au fil des yeux,
Un chant de bonheur,
Un instant heureux,
Et court sur ta voix,
le bout de mes doigts...

Oui, court sur ta voix,
sur le chaud de ta peau,
le bout de mes doigts
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13


Aimer ?
Un mot qui, à lui seul, autorise l’exigence...
Un mot pour lequel il ne faut renoncer à rien...
Un mot qui interdit la moindre concession au temps...
Un mot qui permet de croire en tous les demain à venir...

Aimer ?
Un mot à offrir avec la force de l’espérance...
Un mot sans lequel nous ne sommes rien...
Un mot à façonner comme à vingt ans...
Un mot à murmurer sans en rougir...

Encore, et toujours, et seulement... Aimer...
Aimer à n’en plus finir... à n’en plus rien savoir...
Sinon... Aimer à n’en plus pouvoir...
Seulement, et toujours, et encore... Aimer...

Aimer...
A s’en oublier soi-même...
A être heureux d’un autre bonheur...
et uniquement par celui-là...

Aimer...
A s’en briser le cœur...
A s’en brûler l’âme...

Aimer...
au-delà du temps... en dépit de la douleur...
 
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13


Adolescente...

Tu te soupires artiste... ou muse... ou modèle...
Tu t’envoles vers un Paris qui n’attendrait que toi...
Tu te composes Symphonie...
Soudain habile à assembler des notes,
voilà que tu te fredonnes ballade ou ritournelle...
Mais... dis-moi... tous ces airs qui s’effilochent dans ta tête,
n’as tu pas mal, parfois, de ne pouvoir les fixer sur du papier ?
Tu dessines « ta » Bohème,
dans une chambre sous les toits...
Tu te récites Poésie...
Des heures entières à façonner des poèmes...
à ciseler des rimes
que personne n’entendra.
Et tu te joues Théâtre...
Tu t’écris dialogues et monologues...
Et tu es, toi... enfant de rêves,
l’interprète idéale de personnages sublimes
de pièces mille fois reconstruites
tout au long de nuits
sans sommeil.
 
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13


Mes mains… mes mains glissent encore sur la chaleur de ta peau
Mes lèvres, toujours, goûtent la douceur de ta bouche
Et mon âme... mon âme ! Combien elle savoure en elle, l’allégresse de ta voix
 
Ne me laisse pas… ne m’oublie pas… sur un bord de route
A une croisée de chemins…
Ne m’abandonne pas à la solitude
Au froid d’un silence
Au vide d’un manque… au manque de toi
 
Mes doigts… mes doigts se referment encore sur les tiens
Mes yeux, toujours, partout te cherchent… et te trouvent
Et mon corps… mon corps ! Combien il tremble dans l’attente du tien
 
Ne me perds pas… ne me lâche pas… pour un hasard de rencontre
Au détour d’une distraction…
Ne me condamne pas à l’absence
Au doute d’un retard
A la douleur d’un regret… au regret de toi…
 
Mes mains… mes mains caressent encore la force de ton corps
Mes lèvres, toujours, s’abreuvent à ta saveur nectar
Et mon âme… mon âme ! Combien elle s’enivre de chacun de tes rires
 
Tiens-moi bien… Garde-moi fort… Pour un instant
Tous tes instants…
Referme bien sur moi
La chaleur d’une étreinte
Un cercle de tendresse… de ta tendresse…
 
Mes doigts… mes doigts jouent encore nos mélodies désir
Mes yeux, toujours, partout te suivent… et te disent…
Et mon corps… mon corps ! Combien il aime être ta terre d’asile.
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 02:13


Mots sur papier
Décrivent un devenir
Sans impatience.
 
Aux pleins délies
Les rêves naissent désir
Ô résonance !
 
Lignes abstraites
Dénouent au fil horizon
Leur délivrance.
 
Chaude retraite
Aux fiévreuses déraisons
Ô espérance !
 
Plaintes murmures
Montent du fond des âmes
Folle urgence.
 
Douce cambrure
Des corps mêlés affamés
Ô fulgurance !
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